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Peut-on appliquer les catégories du droit aux relations éducatives et pédagogiques ?
Posted By admin On 30 avril 1998 @ 10:04 In Sur la socialisation et la citoyenneté | No Comments
Une bonne partie des difficultés à poser le problème du droit à l’école vient de la polysémie du concept de loi. Nous distinguerons pour notre part :
C’est à ces différents sens du mot loi, provenant de différentes approches des sciences humaines (Ex : anthropologie, sociologie,psychanalyse…) et, concernant différents champs d’application (Ex : droit, politique, éthique, religion …) que doivent être confrontés, pour y voir plus clair : le règlement intérieur d’un établissement scolaire, et les règles de la classe.
Le fonctionnement d’une classe implique l’articulation d’une vie de groupe et d’un processus d’apprentissage,d’un rapport à la loi avec un rapport au savoir. En tant qu’elle appartient au tissu sociétal, une classe ne peut fonctionner sans lien social (Loi au sens 1) : d’où l’interdit fondateur de la violence, le pré-requis d’un minimum de socialisation pour que de l’apprentissage puisse avoir lieu, et le drame pour tous les acteurs concernés d’une classe anomique,où les rapports de force empêchent l’émergence du champ éducatif. La loi symbolique (3) participe de cette constitution du lien social, par les enjeux des identifications de l’élève à l’éducateur, à l’instructeur, au savoir, et les jeux de liaison-déliaison instaurés.
En même temps qu’elle le présuppose, la classe, par le passage de la familleà l’école, consolide et complexifie ce lien social, comme institution éducative, qui en tant que telle socialise, et par ailleurs socialise par et pour l’apprentissage du savoir (Elle articule apprentissage et socialisation). Elle insère, par ces processus d’apprentissage et de socialisation, dans une société donnée, avec ses normes (2) et ses lois (3), en faisant souvent référence àdes principes transcendants : le valeurs éducatives (5). Enfin la finalité actuellement très prégnante d’une éducation à la citoyenneté (4 et 5 par le recours aux Droits de l’homme) infléchit le type de socialisation souhaité vers un modèle démocratique (D’où le concept de “ socialisation démocratique ”), qui prescrit ses exigences àl’école : comment introduire de la démocratie dans la vie de l’établissement (vie scolaire, vie du groupe-classe, et jusqu’au coeur même de l’acte d’apprendre ) ?
Cette commande institutionnelle de citoyenneté d’une part, et l’affaiblissement du lien sociétal d’autre part, qui en explique largement l’origine (avecau sens 1 : montée de la violence ; 2 : éclatement du consensus sur les normes ; 3 : crise du père symbolique ; 4 : poussée sécuritaire du droit ; 5 : effondrement de la transcendance et valeurs individualistes), amènent de plus en plus la revendication de l’école comme lieu de droit, ce qui peut signifier diversement :
Cette montée du juridisme à l’école, avec la demande corrélative de “ pénalisation ” de l’espace éducatif, nous semble une réponse dangereuse, de type sécuritaire, au vrai problème du déficit de socialisation. Le droit est une création culturelle humaine pour résoudre les conflits et ramener la paix. Mais ce peut-être la “pax romana ”, l’ordre fondé sur la force légitimée, et non la coexistence pacifique comme fruit de la justice et de l’égalité. On invoque comme argument pour renforcer ce durcissement répressif le caractère structurant de la loi symbolique (3), balisant les limites de toutetransgression, responsabilisante parce qu’on a à rendre compte de ses actes (cf. Plaidoyer d’Althusser contre son non-lieu qui l’a privé de parole). La psychanalyse peut-elle devenir, dans une phase historique de délitement du lien social, une caution de l’ordre moral ? D’autres en parleront plutôt comme d’un tremplin nécessaire pour retisser ce lien social.
Sans tomber dansl’angélisme, car le “ retour de la loi ” n’est qu’une réaction psycho-juridico-politique au triomphe d’un libertarisme sans coopération (générateur d’exclusion et de peur de l’autre), nous ferons remarquer que le R.I. ou les règles de la classe sont de l’ordre de l’éducatif et du pédagogique, alors que la loi (4) est de l’ordre du juridico-politique.Logique juridique et logique de formation peuvent s’articuler, mais ne sont pas du même ordre. Aussi peut-il y avoir des interdictions réglementaires (R.I.) qui sont autorisées par la loi (un citoyen peut aller et venir librement, un collégien ne peut sortir sans autorisation), des obligations législatives non applicables à des enfants (parce qu’ils ne sont pas encore citoyens). Beaucoup d’obligations sontliées à la fonction éducative ou pédagogique (rendre son devoir au jour prévu, manquer verbalement de respect au professeur), sans aucune valeur juridique. Faut-il donc répondre “ juridiquement ” à un problème pédagogique ?
On ne peut nous semble t-il appliquer sans prudence les catégories juridiques à la pensée et à la pratique éducatives. Quand B. Defrance dit que l’école et la classe doivent obéir aux principes du droit, c’est à la fois vrai si cela signifie que la loi française doit s’appliquer dans l’école, intéressant pour faire éclater certaines contradictions entre les discours et les actes, notamment dans la perspective d’une éducation à la citoyenneté, mais en même temps ambigu, et à la limite dangereux.
Ambigu, parce qu’on ne peut penser, prenons un exemple, le contrat didactique, (cf. Brousseau), où il doit toujours y avoir de l’implicite pour que fonctionne l’apprentissage, sur le mode du contrat juridique, qui doit être pour être valable parfaitement explicite pour les parties. Autant le croisement d’approches anthropologiques, psycho-sociologiques oupsychanalytiques nous semble fécond pour éclairer le contrat pédagogique (cf. Filloud), autant la catégorie juridique du contrat est trop étroite pour penser sa complexité : l’asymétrie des âges (adulte/enfant), du statut politique (citoyen, pas encore pour la plupart), des compétences ; la relation d’un enseignant avec un groupe d’élèves ;l’enjeu et l’articulation entre instruction-apprentissage et éducation-socialisation etc.
Dangereux, parce que la “ juridicisation ” de l’école, avec un avocat dans chaque conseil de classe, un médiateur entre chaque enseignant et tel élève ou telle classe déboucheraient vite sur un “ pédagogiquement correct ”. A moins qu’on ne juge, comme aux U.S.A., la qualitéd’une démocratie au nombre de ses procès, et celle d’une “ école citoyenne ” sur le nombre de ses conflits…
Pour être moins polémique, il nous semble aujourd’hui nécessaire d’articuler, et ce n’est pas simple car la contradiction traverse nombre d’acteurs :
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