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Interroger la « leçon » de philosophie comme prototype de la magistralité
Posted By admin On 1 octobre 1999 @ 14:10 In Sur la didactique de l'apprentissage de philosopher | No Comments
Le cours de philosophie est l’exemple-type de la tradition magistrale : la circulaire de 1925, qui régit toujours cette discipline, fait de la " leçon " une " œuvre " personnelle du Maître. Elle est l’un des trois piliers fondateurs de l’enseignement philosophique français, avec les textes des grands auteurs comme modèles du philosopher, et la dissertation comme incontournable de son apprentissage.
Un…
faisceau convergent de représentations et de cristallisations institutionnelles surdétermine, et permet donc d’éclairer cette pratique dominante du milieu, et la résistance à la faire évoluer. Tirons quelques fils de cet écheveau.
Cette configuration organisationnelle et représentative de l’enseignement philosophique est aujourd’hui fortement questionnée par le processus de " démographisation " (Langouet) du lycée : on est passé d’un enseignement d’élite à un public nombreux, dont les normes linguistiques et culturelles posent problèmeau modèle traditionnel, et interrogent fortement le sens et l’utilité d’une discipline abstraite et difficile.
Des changements s’imposent pour répondre à ce défi de la modernité : penser les conditions d’un enseignement philosophique de masse. Tel est l’enjeu de l’élaboration d’une didactique de l’apprentissage du philosopher1
, bien accueillie par les collègues étrangers. Quelles sont les principales réflexions et innovations de ces dernières années, qu’il faudrait généraliser ?
2
, problématiser des certitudes et des questions, argumenter des thèses et desobjections.Philosopher apparaît didactiquement comme l’articulation, dans l’unité et le mouvement d’une pensée impliquée, de ces trois processus de pensée3
. Définir, (s’)interroger et fonder ayant des intentions réflexives différentes, des exercices spécifiques peuventêtre proposés pour les actualiser4
.
Ces capacités interdépendantes sont mises en œuvre sur trois activités complexes, développant trois compétences :
Il s’agit de repérer dans un texte ces processus, et deconstruire philosophiquement son sens en les mettant soi-même en œuvre, par un itinéraire individualisé de questionnement proposé. Les acquis des élèves en lecture méthodique (développée en français) peuvent aider à identifier ces processus chez l’auteur à partir de certains marqueurs linguistiques (ex : connecteurs logiques pour l’argumentation5
L’activité consiste à mettre en texte ces processus de pensée, en s’appuyant sur la dynamique de la réflexion et des processus rédactionnels (interrelation entre des démarches de planification, de textualisation et de relectures).
On peut d’ailleurs préparerprogressivement à la dissertation : on part d’une courte phrase (aphorisme) travaillée en expansion ; ce texte est ensuite échangé en binôme et on s’envoie des lettres philosophiques ; puis on réalise un dialogue écrit dont en efface les marqueurs dialogiques pour cheminer vers la dissertation6
.
Il s’agit de valoriser l’oral et l’échange verbal comme mode d’apprentissage du philosopher (alors que la discussion avait disparu de l’ancien projet de programme !) ; d’instaurer la classe en " communauté de recherche " (Lipman), à partir de procédures démocratiques de circulation de la parole (dans une perspective d’éducation à la citoyenneté), d’exigencesintellectuelles philosophiques, d’une " éthique communication-nelle du meilleur argument " (Habermas), où l’on fait l’épreuve cognitive de l’altérité7
.
Il ne peut y avoir de dévolution d’un problème philosophique aux élèves que s’ils perçoivent sonexistentialité et son urgence. Le désir de " penser par soi-même " n’a de sens pour l’élève que si le débat est un lieu où il peut librement amener ses interrogations et proposer à titre d’hypothèses ses solutions provisoires ; si le texte philosophique apparaît comme réponse possible aux problèmes qu’il (se) pose ; si l’écriture apparaît comme un outil conceptuel pourélaborer et communiquer sa pensée, et non comme un simple exercice scolaire obligé.
De ce fait une recomposition de l’identité professionnelle du professeur de philosophie s’impose : s’il ne doit pas hésiter, en tant qu’intellectuel, à donner lui-même l’exemple d’une pensée impliquée, il doit aussi se concevoir comme pédagogue, médiateur entre l’élève et laréflexion philosophique.
Ceci implique une formation initiale et continue qui articule savoirs disciplinaires et démarches pédagogique et didactique, avec des formateurs imprégnés de cette multiréférence. Ceci suppose enfin le développement de la recherche et l’encouragement à l’innovation8
. Nous travaillons par exemple actuellement sur le développement de l’entretien philosophique de groupe et de la discussion philosophique à l’école élémentaire et en SEGPA …
1- Cf. Apprendre à philosopher dans les lycées d’aujourd’hui, Hachette-CRDP de Montpellier, 1992.
2 – Etude philosophique d’une notion, d’un texte, CRDP de Montpellier, 1993.
3 – " Contribution à l’élaboration d’une didactique de l’apprentissage du philosopher ", Revue Française de Pédagogie, n°103, INRP, 1993.
4 – " Peut-on didactiser l’enseignement philosophique ? ", L’enseignement philosophique, nov-déc 1995.
Penser par soi-même. Initiation à la philosophie, Chronique sociale, Lyon, 1994.
6 – Ouvrage à paraître sur Les formes diversifiées d’écriture philosophique.
7 – L’oral argumentatif en philosophie, CRDP de Montpellier, 1999.
8 – " De la philosophie à son enseignement : le sens d’unedidactisation ", in Savoirs scolaires et didactiques des disciplines, ESF, Paris, 1995.
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