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Discussions philosophiques en classe et identité professionelle du débutant

Posted By admin On 30 novembre 2001 @ 8:11 In L'école primaire (de la maternelle au CM2) | No Comments

Certains IUFM incitent des PE2 à se lancer dans des « discussions philosophiques ». Témoins des mémoires professionnels. Nous menons depuis trois ans une ? recherche formation ? avec ces débutants, qui part de l’hypothèse que cette pratique favorise la construction d’une nouvelle identité professionnelle.

1) Dans une posture traditionnelle, l’enseignant est le maître :…

  • de la parole . Il décide s’il faut parler ou se taire, qui doit s’exprimer, à quel moment, si cette parole est pertinente ;
  • du pouvoir . Il est institutionnellement dépositaire de l’autorité, responsable de l’ordre scolaire,   garant des normes et des lois;
  • du savoir , reconnu compétent par sa formation et son recrutement.

2) Eninstituant un espace de débat, l’enseignant rompt avec cette posture :

  • Il donne un statut à la parole de l’élève , créditant chacun d’un droit d’expression.
  • Son pouvoir peut être partagé , en délégant aux élèves certaines fonctions démocratiques (président de séance, responsable du temps de débat ?) etcognitives (secrétaire de séance, synthétiseur, reformulateur ?). La co-construction de règles discussionnelles, leur garantie par certaines rôles institués donne un style coopératif à la classe. L’éthique communicationnelle a des effets d’apaisement des conflits.
  • Ce pouvoir ne cherche plus à s’imposer par un savoir incontesté. Le débat philosophique ouvre l’espace du discutable .Le maître ne pose plus aux élèves des questions dont il sait la réponse pour vérifier leurs connaissances. Ce sont les élèves qui (se) posent à eux-mêmes des questions, dont le maître est lui-même peu assuré. Celui-ci n’est plus le ? sujet supposé savoir ?.

3) C’est ce triple déplacement par rapport à une parole omniprésente, un savoir sur de lui-même,un pouvoir sans partage, qui recompose une nouvelle identité.

A partir d’une structure démocratique de l’échange, le nouveau maître institue une ? communauté de recherche ? (Lipman) . Y prévaut un rapport non dogmatique au savoir . Celui-ci prend son sens en apparaissant comme une réponse cherchée et confrontée à partir d’une question que l’on se pose. Le maître ne tranche pas,n’apporte pas la réponse dernière. Il développe une culture de la question . Il veille aux exigences réflexives de la discussion philosophique : (s’)interroger , savoir ce dont on parle (conceptualiser des notions) et si ce qu’on dit est vrai (argumenter rationnellement).

Ecouter les élèves pour ce qu’ils (nous)disent, et non nous répondent, pource que leurs questions existentielles nous interpellent, canaliser leurs interactions vers des conflits socio-cognitifs en partant de leurs questions, c’est un changement radical. Dans cette articulation entre un rapport épistémologique ouvert au savoir et un rapport plus coopératif au pouvoir, dans cette démarche reposant sur l’énigme du questionnement et une éthique communicationnelle, s’ébauche peut-être le ? maître decomplexité ? de demain ?

Michel Tozzi, Université Montpellier III michetozzi@aol.com

  • Tozzi M., L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire , Cndp-Hachette, 2001.
  • Tozzi M., Eveleigh H., ?Débattre à l’école », Cahiers Pédagogiques n° 401, fev. 2002.

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