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L’atelier de lecture philosophique : un exemple, des questions

Posted By Michel Tozzi On 26 mars 2009 @ 20:18 In Les ateliers de lecture philosophique,Lire philosophiquement | No Comments

L’atelier de lecture philosophique : un exemple, des questions

 

Par Michel Tozzi, professeur émérite des Universités, Montpellier 3

 

Au café philo, à part celui qui prend des notes pour une éventuelle synthèse pour le groupe, l’activité est essentiellement orale. Idem dans une conférence philo suivie d’un échange dans une Université Populaire du type de Caen (Michel Onfray). Dans l’atelier philo de l’UP de Narbonne, a été introduite en sus de débats une écriture individuelle, partagée ensuite par la lecture de volontaires, et quelquefois est amené un texte. Dans l’atelier de lecture philosophique, c’est un texte ou un ouvrage de philosophe qui est au centre. Ce type d’activité, que l’on trouve en classe de terminale de lycée ou à l’université classique, avec un enseignant qui la plupart du temps commente un texte devant des élèves ou des étudiants, est peu répandu dans la cité, surtout sous forme d’atelier d’échange.

D’où notre intérêt d’expérimenter cette formule d’atelier, pour en tirer quelques conclusions.

Plusieurs questions se sont posées, que nous avons résolues pour l’instant de la façon suivante, peu satisfaisante du point de vue d’une perspective de « philosophie populaire ».

 

1) Quel ouvrage ?

Nous avons choisi un philosophe de l’époque contemporaine pour deux raisons :

a) Il prend en compte le contexte de la (post-)modernité et nous éclaire sur le monde présent, car il pense en « conscience de son temps ».

b) Il connaît à la fois les philosophes de la tradition et ceux de l’époque contemporaine, nous amenant à les visiter ; de plus il se positionne par rapport à eux, nous amenant à les revisiter…

La première année (sept. 2007 – nov. 2008), le choix du groupe se porta sur Axel Honneth, philosophe allemand toujours vivant. Notamment parce que son concept de « reconnaissance » nous semblait bien éclairer la montée sociétale de l’individualisme ; et aussi parce qu’il se revendique à la fois sociologue et philosophe, jetant un pont original entre philosophie et sciences humaines, souvent défiantes entre elles… La lutte pour la reconnaissance (2000, Cerf) étant un ouvrage épuisé en France, ce fut La société du mépris (2006, La Découverte) qui fut choisi. Nous travaillons actuellement (2008-2009) sur Paul Ricoeur, un des philosophes qui a le plus dialogué avec toutes les philosophies du 20ième siècle. Et plus précisément Soi-même comme un autre (1990, Le Seuil) : parce la problématique du rapport entre l’identité et l’altérité fait écho à l’atelier de l’Université Populaire de Narbonne sur « Le rapport de l’homme à l’autre » que nous animons, et prolonge la réflexion précédente, mais dans un autre registre que celui de la fondation d’une philosophie sociale.

On voit que le choix de l’auteur et de l’un de ses ouvrages est fondamental. Nous attendions pour notre part l’éclairage de tels  philosophes sur notre pensée et notre vie.

 

2) Avec qui ?

Un petit groupe nous semblait souhaitable pour cette première expérience, contrairement à notre pratique du café philo (30 à 60 personnes), ou de l’atelier philo de l’UP (Université populaire, 15 à 25  personnes), pour approfondir des questions avec des gens prêts à se confronter à un texte philosophique, ce qui suppose de tenter de le comprendre par sa lecture, et de travailler cette compréhension et ses propres réactions par l’écriture. Ce type de démarche nous a semblé, à ce stade expérimental, facilité par une cooptation de gens prêts à un tel labeur, en rupture avec l’ouverture d’autres formules, quitte à élargir par la suite à partir d’un noyau solide… Désir de se confronter à un philosophe, dans la durée, en allant jusqu’au bout de l’ouvrage, avec le soutien d’un groupe, dynamisant par les éclairages et les engagements mutuels (on ne ferait guère ce travail s’il n’y avait quelque part, en l’absence de tout examen par exemple, moralement à en rendre compte).

 

3) Comment travailler?

J’avais l’expérience de sept années de cartels lacaniens, où les cinq participants confrontaient ensemble leurs lectures du texte à partir de l’angle d’attaque choisi par chacun. Cinq, c’est-à-dire « quatre plus un », le « plus un » étant le garant non de la « bonne » interprétation, de la « parole du maître », mais plus prosaïquement, d’un point de vue organisationnel, du travail à faire (horaires et lieux de réunion, animation de la parole etc.).

Une réunion par mois sembla raisonnable, temps nécessaire pour étudier un chapitre de l’ouvrage, ce qui laissait du temps pour lire, relire, et écrire a) ce qu’on avait compris : souvent par un résumé du contenu ; b) ce qu’on en pensait : réactions, remarques, questionnement. Pendant les séances, on pouvait soit élucider des points obscurs pour chacun, avant de réagir collectivement sur le texte (questions que cela nous posait, ce que cela éclairait, nos désaccords…) ; soit prendre successivement dans le temps disponible le texte de chacun, et le commenter, en débattre.

La question de la méthode est essentielle, car elle garantit l’efficacité du travail. Elle doit donc être collectivement discutée et négociée, pour être partagée, puis rappelée au début de chaque séance, quitte à l’infléchir à l’expérience si c’est plus opérationnel ou/et moins frustrant. Un petit temps de régulation à l’issue de chaque séance peut y aider.

 

4) Quelques remarques (à l’issue d’un an et demi de fonctionnement)

a) Cet atelier n’est pas « populaire » : initiative individuelle au départ et non collective, cooptation et non libre accès, lieu privatif et non « public », non publicité de l’activité. La question est donc posée d’un véritable atelier populaire de lecture d’un texte philosophique (par exemple dans une UP). La question est de savoir si et comment il pourrait l’être.

b) Quand il nous est arrivé quelquefois d’amener un texte à l’atelier philo de l’UP que nous animons depuis cinq ans, ce qui a toujours été perçu comme enrichissant par les participants, nous prenons soin dans un premier temps de faire se confronter entre ceux-ci les interprétations du texte :

-  sans intervenir nous-mêmes en tant que philosophe (ce que nous ne faisions qu’à l’issue de ce premier temps pour enrichir éventuellement s’il en était besoin l’échange, et sans prétendre détenir la « vérité » du texte, pour préserver le « droit du lecteur » comme dit U. Ecco). Cette position nous maintenait nous-même dans une situation ouverte d’interrogation vis-à-vis de l’auteur, parce que nous refusions la place de « sujet sachant le vrai sens du texte » ;

- en maintenant l’échange sur l’interprétation, car la tendance spontanée est de réagir immédiatement sur ce que l’on croit approximativement avoir compris, sans beaucoup d’exigence de vérification, d’où l’intérêt de la confrontation entre les interprétations, et le surgissement de questions de compréhension.

La discussion sur les prises de position s’ensuit, mais une fois le texte relativement explicité.  Ceci nous semble de bonne méthode. On ne peut être d’accord ou pas qu’avec ce que l’on a compris : il faut donc creuser l’exigence de précision du sens.

c) Nous constatons cependant dans ces moments peu de prises de parole, par opposition aux moments de débat, comme si le texte intimidait (il apparaît souvent comme difficile à beaucoup, et ne répond guère tout seul aux questions qu’on lui pose…), comme si on avait peur de se tromper, et de paraître « bête » à ne pas trouver la « bonne » interprétation… Le face à face avec un philosophe a un aspect inhibiteur, qui ne se dépasse que dans un climat affectif de confiance dans le groupe (où l’on « s’autorise » publiquement une interprétation ou un aveu d’incompréhension), et avec une attitude cognitive de rapport au savoir non dogmatique (lire, c’est oser plusieurs interprétations possibles, et le « conflit des interprétations » comme dit Ricoeur).

d) Autre remarque : la tentation pour l’animateur d’un atelier de lecture philosophique qui a déjà une culture philosophique est toujours d’expliquer à la place des autres, dès que surgit une difficulté de compréhension, ce qui amène les participants à ne plus chercher par eux-mêmes, à poser des questions en attendant des réponses, surtout quand on met cet animateur en place de « maître ». Alors que l’esprit de l’atelier n’est pas l’apport d’un expert sur un texte (il s’agit dans ce cas d’un cours ou d’une conférence): il faut prendre en compte des exigences démocratiques (répartition équilibrée de la parole), constructiviste (à chacun de construire son interprétation du texte), socioconstructiviste (en s’aidant par l’échange avec des participants considérés comme ressources).

e) Enfin nous avons remarqué qu’il est assez peu productif de ne pas avoir préparé individuellement une séance collective de lecture d’un texte. Découvrir un texte photocopié distribué sur le moment suppose du silence, une lecture personnelle compréhensive, avant de commencer tout échange. C’est irréaliste de photocopier tout un ouvrage (et par ailleurs interdit !).

On gagne beaucoup de temps et de pertinence à avoir travaillé un texte en amont de la réunion. S’il est envoyé avant en fichier attaché, on se heurte à la fracture numérique : certains n’ont pas d’ordinateur, et découvrent le texte, alors que d’autres l’on déjà lu. Le mieux c’est que chacun ait son texte personnel. Mais cela suppose l’achat d’un ouvrage (effort financier). Et des efforts tout court : il faut de la motivation, dégager du temps pour lire chez soi, et mieux écrire. Peu y sont disposés. C’est plus facile d’assister à un café philo, une conférence, ou de débattre spontanément en atelier. Le cercle de personnes prêtes à l’exercice est donc plus limité. Il faudrait le proposer à ceux qui seraient d’accord dans le public d’un café philo ou d’une université populaire…

Voilà où nous en sommes de notre réflexion. Pour qu’un atelier de lecture philosophique devienne populaire, il faut donc réunir un certain nombre de conditions, car c’est exigeant !

Février 2009

 

Annexe 

 

Premier exemple d’un écrit suite à la première séance d’un atelier

Atelier de lecture philosophique : La société du mépris (2006)- Axel Honneth

Séance 1 – Vendredi 14 Novembre 2007

 

1) Détermination de la méthode de travail : décisions prises.

En principe, un vendredi après-midi par mois, de 14h30 à 17h30, chez Michel et Marcelle. Michel est garant du fonctionnement du groupe (Cf le + 1 du cartel lacanien).

Prochaines réunions : 12/10, 9/11, 14/12. 25/01, de 9h à 12h ?

L’objectif de l’atelier est de nous éclairer philosophiquement, de nous donner des clefs de compréhension du monde contemporain et de nous-mêmes. La lecture de l’ouvrage est compréhensive, mais aussi critique. Le texte étudié pourra être éclairé par des textes de philosophes ou auteurs cités (ex : Hobbes, Rousseau, ou par d’autres textes : Ricoeur, L. Ferry etc.)

Chacun arrive avec un écrit sur la partie étudiée pour la séance, et/ou sur la séance précédente.

Au moins deux séances sur le premier chapitre, qui est long, puis une séance par chapitre.

Chacun lit l’ouvrage dans une perspective qui lui est propre en fonction de son intérêt :

-         Marcelle : pathologie sociale et pathologie individuelle.

-         Romain : les effets pervers induits par la raison instrumentale.

-         Lily : la reconnaissance de la femme.

-         Bruno : de la lutte pour la survie à la lutte pour la reconnaissance. La question de l’universalité des valeurs.

-         Michel : l’individualisme contemporain.

Ce serait bien d’avoir l’écrit de chacun avant chaque séance (fichier RTF).

 

2) Ecrit de Michel suite à la première séance.

Intérêt de l’ouvrage. Un philosophe contemporain qui :

- intègre les apports des sciences humaines (sociologie, psychanalyse), et permet de comprendre notre temps à partir d’une clef : la lutte pour la reconnaissance liée à la modernité; la sociologie permet des analyses empiriques, historiques, la philosophie une réflexion politique et éthique,normative, un idéal régulateur au-delà de l’analyse objective des faits.

- assume une filiation (l’école de Francfort, elle-même située dans le néo-hégélianisme de gauche, Marx et la sociologie moderne), et entend la poursuivre en la renouvelant ;

- nous fait revisiter l’histoire de la philosophie dans son apport à la philosophie sociale (de Aristote à Habermas en passant par Hobbes, Rousseau, Hegel, Marx, Weber, Durkheim etc.) ;

- cherche à fonder la philosophie sociale, à partir de la question principielle qu’elle pose : quelle organisation de la société pour que les hommes puissent y avoir une vie réussie ?

- éclaire la question : pourquoi la société actuelle ne le permet pas ? Et développe une analyse critique de la société actuelle, et plus largement historiquement de la modernité ;

- avance des propositions adaptées à notre époque.

 

Quelques premiers éléments :

1) Qu’est-ce qu’une vie réussie ?

Une vie qui n’est pas dans la plainte et la pathologie, une « vie bonne » ; dans une société où personne ne se plaint : « une cité juste » ?

Une vie où le travail, par la conscience et la transformation de soi qu’entraîne la transformation de la nature, se fait sans domination ni aliénation ?

Une vie sage, bonne (Aristote), « rien de trop », où l’on se « connaît soi-même » ?

Une vie autosuffisante ?

Une vie éthique (plus que morale, car elle renvoie à la conviction intime, une légitimité, une normativité au-delà des normes sociales ou légales), vertueuse (stoïciens), où l’on vit selon l’esprit et non la lettre (évangile), « selon ses besoins » (Marx), en conformité avec son désir (Lacan) ?

Peut-on définir une vie réussie objectivement, universellement, ou seulement comme dit A. Honneth « dans ses conditions formelles » ?

2) Quelle organisation sociale permet de parvenir à une vie réussie pour tous les hommes (et non pour quelques-uns comme dit Nietzsche) ?

Il y a l’idée de contrat entre les hommes : Hobbes (le Léviathan), qui aboutit à un Etat fort garantissant la paix civile pour sortir du chacun contre tous les autres ; Rousseau (Le contrat social), qui fonde la volonté générale par le pacte démocratique.

L’idéal démocratique ? Mais la « passion de l’égalité » (Tocqueville), la société des frères qui ont tué le père (Freud), le roi, n’attise-t-elle pas la jalousie vis-à-vis de la moindre différence ?

La théorie contemporaine de la justice de Rawls : on peut admettre des inégalités si on soutient efficacement les pauvres…, rompt avec cet idéal d’égalité.

L’altermondialisme ? Il reste bien flou…

Y a-t-il alors des conditions collectives, institutionnelles, organisationnelles du bonheur ? Ou des solutions purement individuelles : le confort, la sagesse, la thérapie, le salut ?

3) Il faudra s’interroger sur les présupposés (que je reformule entre guillemets) de la position de A. Honneth :

- « il y a une potentialité émancipatrice de la raison dans l’histoire » : mais la raison est-elle émancipatrice ? aliénante ? La seule émancipatrice ? Peut-on émanciper les hommes ? Le doit-on ?

- « L’histoire peut aller dans un sens émancipateur grâce à la raison » : mais l’histoire peut-elle avoir un sens (signification et direction), ou est-elle aveugle ? S’il y a un sens, est-il négatif ou positif ? Est-ce une flèche, ou une boucle (l’éternel retour de Nietzsche) ? La raison peut-elle influencer l’histoire ?

- « L’histoire ne va pas actuellement dans ce sens à cause de la pathologie de la raison », qui est devenue trop instrumentale, et crée des pathologies sociales ; mais la raison instrumentale est-elle perverse ? Que serait une raison non perverse ? La raison est-elle intrinsèquement perverse ? Pourquoi une catégorie médicale (pathologie) dans une analyse philosophique et historique ?

- « Ce sens négatif peut être infléchi par la critique de cette pathologie » : ce dévoilement permet une conscientisation, qui pourra permettre des luttes… Peut-on infléchir le sens de l’histoire (la mondialisation est-elle inéluctable ?) ? Dévoiler, est-ce forcément conscientiser ? Prendre conscience entraîne-t-il forcément l’action, la révolte, la lutte ?

3) Il faut approfondir les concepts de reconnaissance, de lutte pour la reconnaissance, de mépris, de société du mépris.

Le désir et la lutte pour la reconnaissance (individuelle ; ou collective cf. les minorités, les communautés) quand on se sent méprisé, me semble fondamentalement lié à la montée de l’individualisme contemporain dans les sociétés démocratiques (post ?-)modernes (chaque mot compte). Je voudrais creuser cette hypothèse.

 

Deuxième exemple d’écrit  

Ricoeur  « Soi-même comme un autre » Préface

 

P. Ricoeur aborde dans cet ouvrage la question philosophique essentielle : qui suis-je ? Qu’est-ce qu’un sujet (humain) ?

Il le fait :

- dans la perspective d’une philosophie du sujet, qui engage une personne, par opposition à une philosophie de la déconstruction ou du soupçon (Nietzsche, Marx, structuralisme) ; dans la poursuite d’une tradition philosophique moderne, les philosophies de la subjectivité ;

- par une réflexion critique sur le cogito cartésien (posé comme fondement dans son immédiateté), et son devenir exalté (Kant, Fichte), nié (Spinoza) ou humilié (Nietzsche), toutes doctrines dont il se distancie.

- par le long détour d’analyses réflexives, adossées à l’herméneutique contemporaine, en partie articulée à des apports de la philosophie analytique anglo-saxonne du langage. Ces approches sont diversifiées, fragmentaires, mais reliées unitairement par une philosophie de l’action.

Il distingue cette démarche philosophique argumentative de ses convictions religieuses ou de ses approches des Ecritures par la foi biblique, car il ne veut pas faire de la cripto-théologie en philosophie (ni d’ailleurs de la crypto-philosophie en religion), distinguant l’ordre de la foi et celui de la raison, la question philosophique et l’appel religieux.

 

Quelques concepts mobilisés par sa pensée

 

Une conception philosophique s’articule par des concepts, et des concepts mis en réseau.

- Soi, pas seulement grammaticalement pronom réfléchi de la 3ième personne, mais de toutes les personnes (je, tu, nous, on, chacun). Le « souci de soi » (Foucault), ce peut être celui de quiconque ; et le soi (nominalisation du pronom), ce peut être aussi bien le mien que le tien. Soi, distinct donc du je, première personne du singulier.

- Soi-même n’est que la forme renforcée de soi.

- Identité, forme d’(auto) reconnaissance du sujet : elle est personnelle (celle d’une personne), et narrative (est sujet celui qui se raconte, se met en récit). Cette identité peut être prise en un double sens :

-Identité idem, qui suppose une permanence dans le temps, s’oppose au différent, mêmeté qui implique une comparaison (« soi-même semblable à un autre »).

- Identité ipse, ipséité, qui n’implique pas de noyau permanent, de comparaison, dont l’altérité est interne (« soi-même comme autre »), de structure.

- Mêmeté, altérité.

- Philosophie du langage, ou analytique : philosophie contemporaine principalement d’origine anglo-saxonne, qui s’appuie sur une description et une analyse du langage comme phénomène humain.

- Herméneutique : philosophie qui s’intéresse au sens, et à son (ses) interprétations. Ricoeur se réclame d’une herméneutique de la raison (J. Greish), et tente une herméneutique de soi, de l’action, de l’agir humain. Il fonde une philosophie pratique.

- Le sujet, la personne.

- Sujet moral de l’imputation : le sujet auquel on peut imputer la responsabilité d’une action ; une personne (versus une chose).

- Ordres de l’éthique, traitant du bon, et de la morale, traitant de l’obligatoire.

- Ordres de l’amour et de la justice (pour tout homme).

- Sollicitude pour le proche.

- Question (philosophique) : problème posé à élucider ; appel à la foi ;  réponse.

- Attestation : elle « définit à nos yeux la sorte de certitude à laquelle peut prétendre l’herméneutique » (33).

- Croyance, créance, confiance, fiance.

 

Questions posées par Ricoeur

 

Une philosophie se définit par le type de questions qu’elle pose et la façon de les poser.

Une philosophie du sujet pose la question du Qui.

- Qui parle ? Ce qui requiert une philosophie du langage. De qui parle-t-on quand il s’agit d’une personne et non d’une chose ? Qui parle en se désignant comme locuteur ?

- Qui agit ? Ce qui requiert une philosophie de l’action, de l’agir humain, une philosophie pratique. C’est dans des énoncés qu’il est parlé de l’action et de l’agent. Mais le discours est lui-même action, acte de langage (double recours à une philosophie du langage). Et les locuteurs sont des agissants (recours à une philosophie de l’action).

- Qui se raconte ? C’et la question de l’identité personnelle, qui est narrative. Le récit est la mimésis de l’action.

- Qui est le sujet moral de l’imputation ? Par rapport aux déterminations éthiques et morales. D’où l’appel à une philosophie (de l’action) morale.

 

Quelques thèses relevées par Ricoeur chez les philosophes

 

Un philosophe se nourrit des autres philosophes, s’inscrit dans une histoire des idées, et se positionne par rapport à certaines doctrines.

- Descartes. Le cogito se pose, s’impose, est posé. Le ego cogito ergo sum : si je doute, je pense, et puisque je pense je suis, j’existe est premier fondement gnoséologique (première certitude) dans l’immédiateté de son positionnement, et ontologique, puisqu’il existe.

- Spinoza évacue le je (Deus siva Natura). Le fondement est le discours de la substance infinie.

- Kant (puis Fichte) magnifie le je : il devient transcendantal, condition de l’unité de l’ensemble de mes représentations.

- Nietzsche brise le cogito, le déconstruit. La pensée n’est qu’une fiction derrière le foisonnement des instincts. La philosophie ne fonde rien, car elle utilise le langage, qui n’est que rhétorique trompeuse : « Placer une substance derrière le cogito ou une cause derrière lui, ce n’est qu’une simple habitude grammaticale, celle d’adjoindre un agent à chaque action (27).

 

Quelques thèses soutenues par Ricoeur

 

1) Les désaccords.

Désaccord avec Descartes : son je est « désancré », sans corps, il est personne, ne manque d’aucun autrui (solipsisme), car il n’y a pas de conditions de l’interlocution. Le cogito reste une certitude subjective, qui ne sera levée que par l’existence de Dieu, qui écarte définitivement l’existence du malin génie. S’il est découvert en premier (ordre de la connaissance, ordo cognoscendi), il n’a de réalité ontologique que parce que Dieu a créé cet ego, ce je (ordre de l’existence, ordo essendi). L’idée de perfection vient de Dieu parfait, car l’homme est imparfait, et donc lui préexiste. Le cercle, qui va du cogito premier Méditation (I), à ce qui le fonde après (Méd. 2) est vicieux.

Et désaccord avec Kant. Dans les deux cas, on perd la personne concrète, le je-tu de l’interlocution, le soi de la responsabilité.

Mais désaccord avec Nietzsche, qui dit par le langage que le langage est trompeur : se trompe-t-il et nous trompe-t-il alors puisqu’il le dit sur ce qu’il croit être la vérité ? Il tombe lui aussi dans le paradoxe du menteur.

 

2) Les thèses

a) R. soutient au contraire de Descartes le « primat de la médiation réflexive sur la position immédiate du sujet » (11), le style indirect. « Dire soi, ce n’est pas dire je » (30). Le je se pose, le soi est réfléchi. Le soi n’est donc pas premier, fondement.

C’est cette non simplicité indécomposable du cogito qui exige des études fragmentaires, une diversité de façons d’interroger et de répondre au « qui est le sujet ? », non linéaire mais au total cohérente autour des conceptions multiples du terme agir.

b) « L’herméneutique de soi se trouve à égale distance de l’apologie du cogito et de sa destitution » (15). Elle tente d’occuper « un lieu épistémique (et ontologique) situé au-delà du cogito et de l’anti-cogito ». « Elle exige moins que l’exaltation du cogito et plus que son humiliation ».

c) L’attestation, type herméneutique de certitude, est une croyance (croire en), mais pas doxique (croire que). Elle est fragile, car manque de la vérité garantie par Dieu. Elle est proche du témoignage, un témoignage « vrai ». Elle se prête au soupçon nietzschéen (car il y a de faux témoignages), mais elle en est l’opposé, car « il n’y a pas d’autre recours contre le soupçon qu’une attestation plus fiable » (34). La croyance ou créance est confiance, fiance. Confiance de dire, faire, se reconnaître personnage de récit, « attestation de soi », « assurance d’être soi-même agissant et souffrant ». « Créance sans garantie, mais confiance plus forte que tout soupçon » (35 », conscience morale.

d) Ces thèses tiennent d’un « discours philosophique autonome » (36), distinct des convictions rattachées à la foi biblique, n’offrant que des arguments, dans un suspens agnostique. Car « Entre la philosophie et la foi biblique, le schéma question-réponse ne vaut pas » (37). « Une chose est de répondre à une question, au sens de résoudre un problème, une autre de répondre à un appel, au sens de correspondre à la manière d’exister proposée par le grand Code » (37). Il n’y a pas en ce sens de morale chrétienne, parce que l’agapé relève d’une économie du don, méta-éthique. Amour et justice sont d’ordre différent.

                                                                                                                                         Michel                                                                                                                                                                                                                       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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