Des pratiques au carrefour de la maîtrise de la langue orale, de
l'éducation à la citoyenneté et de l'éveil à
la réflexivité
" La discussion philosophique, ça sert à grandir "
(Carine, 11ans)
Il y avait bien eu les expérience de R. Brunet (sur le mythe de la caverne
de Platon) et des militants du GREPH1
. Mais c'était en 6ème ! Ce n'est qu'aujourd'hui, malgré
quelques timides tentatives avortées il y a quelques années, que
la discussion philosophique à l'école primaire, la " philosophie
pour enfants " comme on dit aux Etats-Unis, au Québec, en Belgique
,
émerge de manière significative comme innovation en France.
Des instituteurs y compris débutants se lancent, font leur mémoire
professionnel sur la question2
, passent leur inspection dans le cadre de cette activité ; des conseillers
pédagogiques, des inspecteurs, certains IUFM organisent des formations.
Il y a des mémoires de maîtrise, des DEA, même des thèses
sur la question3
. Et, fait significatif, un éditeur (Nathan), vient d'y consacrer deux
dossiers, en avril et mars 2000.
Il est temps de faire un premier point, avec un certain nombre d'instituteurs,
de formateurs et de chercheurs concernés. Nous proposons dans cet article
une lecture problématisante des différentes contributions que
nous avons rassemblées, sur les questions posées par la pratique,
la recherche, la formation.
I LES QUESTIONS DE LA PRATIQUE
Extrait de quelques interventions d'un CM2, à partir de l'interrogation
de Caroline (suite à la lecture d'un passage d'un roman de LIPMAN) :
" Va-t-on à l'école pour apprendre à poser des questions,
ou pour apprendre des réponses ? "
Mathieu : " Moi je dis que c'est plus poser des questions
Mais
les réponses, c'est pas le prof qui doit les dire, c'est à nous-mêmes
de les trouver ".
Vanessa : " Si on ne pose pas de question, on ne trouvera pas de réponse
; et si le prof ne fait que nous donner des réponses, c'est pas comme
ça qu'on va apprendre ".
Joannie : " Moi je dis que de poser des questions, c'est important parce
que le plus important, c'est d'apprendre, c'est pas de savoir des réponses
".
Marie-Pier : " Si tu donnes une réponse, il faut que tu saches
pourquoi, et pour ça, il faut avoir des questions ".
Edouard : " il faut poser des questions pour avoir les réponses
; mais je ne suis pas d'accord pour dire que la réponse est moins importante.
Les questions c'est nous qui allons les poser, mais sachant les réponses,
on sait la solution à notre question ".
Stéphanie : " Une question sans réponse est une meilleure
question, parce que ça incite le monde à chercher encore plus
la réponse "4
.
On peut se demander pourquoi les enfants participant à cette innovation
aiment ces moments de discussion, et réclament majoritairement l'atelier
de philosophie ? On ne peut négliger l'aspect nouveauté, mais
qui s'estompe avec une activité régulière dans l'année.
Ni l'intérêt du maître à entendre les élèves,
qui les motive parce qu'ils se sentent écoutés. Mais c'est peut-être
fondamentalement parce que l'école n'est plus alors ce lieu des questions
biaisées, souvent fermées, où le maître interroge
sur des réponses qu'il connaît, pour vérifier si l'élève
sait, où celui-ci est sous la pression de l'ignorance ou de l'erreur,
et par sa réponse, perdant ou gagnant. Mais un lieu où l'enfant
pose lui- même les questions qui lui importent, et trouve du sens à
chercher ses propres réponses, avec un maître pour une fois non
assuré des siennes ; où il découvre, sur la base de sa
curiosité, la complexité du monde, la nécessité
vitale de la réflexion pour comprendre, et le besoin des autres pour
y voir plus clair dans sa vie ; où le savoir prend signification par
l'interrogation, l'énigme, la recherche, dans une relation non dogmatique
aux réponses.
Et pourquoi les instituteurs trouvent cette expérience passionnante ?
Peut-être parce qu'ils voient les enfant passionnés par cette activité
; parce qu'ils sont surpris par la capacité d'interrogation et de réflexion
de leurs propres élèves, qu'ils croyaient connaître et (re)découvrent,
sur les problèmes essentiels de l'existence ; parce qu'ils sont eux-mêmes
interpellés personnellement par les questions existentielles que posent
et leur posent les enfants ; parce qu'ils ne sont plus des " bouche-trous
" de l'ignorance, mais des accompagnateurs de recherche
où
ils s'accompagnent eux-mêmes dans la réflexion.
Précisons tout de suite qu'il ne s'agit pas de se mystifier en mythifiant
l'enfance des philosophes en herbe, de s'extasier béatement devant une
question ou une répartie auxquelles c'est nous adultes, qui donnons la
profondeur en l'entendant. Mais d'analyser les effets produits par la réflexion
philosophique à l'école primaire dès qu'on lui donne l'occasion
de se déployer.
Certes les pionniers ne sont pas quelconques, comme tous les innovateurs. Certains
font ou ont fait des études de philosophie, nouent ou renouent avec leur
discipline d'origine, et trouvent ainsi l'occasion de philosopher avec leurs
élèves. D'autres, soucieux de démocratie à l'école
et en classe, pratiquent l'esprit Freinet ou la pédagogie institutionnelle,
et utilisent les acquis d'instances démocratiques pour donner aux discussions
un contenu existentiel. Pour d'autres encore, qui valorisent l'oral et la maîtrise
à la langue, la parole ne doit pas servir seulement à parler,
mais à penser.
Comme face à toute innovation, certaines appréhensions, voire
réticences se manifestent (cf. l'article de P. BITTEAU) : les enfants
ne sont-ils pas trop jeunes pour parler de la vie, de l'amour, de la mort ?
Ont-ils les capacités intellectuelles, les connaissances requises, l'expérience
suffisante, la maturité psychique pour aborder ces problèmes ?
Ceux-ci ne sont-ils pas délicats à aborder en classe, avec trop
d'implication personnelle (" Pourquoi mémé elle est morte
? "), de résonance affective ? N'empiète-t-on pas ainsi sur
le rôle éducatif de la famille ? N'y a-t-il pas atteinte à
la laïcité en abordant avec les enfants ces problèmes métaphysiques
? Ne risque-t-on pas de les endoctriner ? N'est-il pas dangereux de cultiver
le doute chez des êtres vulnérables qui ont besoin de sécurité
plus que d'incertitude ? Ne faut-il pas répondre à leurs questions
plutôt que de les laisser chercher dans la perplexité ? En développant
si précocement la rationalité, ne leur vole-t-on pas la part de
rêve nécessaire à l'enfance ? Etc.
Nombre de philosophes sont franchement hostiles : n'abuse-t-on pas du qualificatif
de " philosophique " lorsqu'on parle de discussions avec les enfants
? La discussion n'est-elle pas le règne du préjugé et de
l'opinion (doxologie), des hostilités socio-affectives et des passions
obstacles à l'activité rationnelle, des logiques d'affrontement
où l'on cherche à berner ou tuer l'autre par la parole (sophistique)
? Car il ne suffit pas de parler et d'interagir pour penser. La réflexion
ne commence-t-elle pas par le retrait, le silence, le dialogue distancié
avec soi ? Et l'étude des grands textes ? Et la précision conceptuelle
de l'écriture ? La difficulté, c'est bien que " nous avons
été enfant avant que d'être homme " (Descartes). Alors
en maternelle (O. BRENIFIER) !
Ces objections sont fortes, doivent être entendues, pour cultiver la vigilance,
car les dérives sont toujours possibles. D'où l'intérêt
d'interroger philosophiquement ces pratiques (F.GALICHET).
Peut-on donc postuler " l'éducabilité philosophique "
des enfants ? Y a-t-il un âge pour philosopher ? C'est un vieux problème
philosophique, qui opposait déjà Platon et Calliclès, et
qu'a réactualisé le GREPH dans les années 75, s'opposant
aux tenants de l'institution cantonnant la philosophie en classe de terminale.
Sont-ils spontanément philosophes5
, par cette capacité d'étonnement dont parlent Aristote et Jaspers
? Peut-on, doit-on oser avec eux les grandes questions métaphysiques
? Et que faire de leurs questions quand il les posent (et il les posent, quand
on veut bien les entendre !) ? Louvoyer, se taire, différer, renvoyer
à leurs parents, au curé, à plus tard quand il seront grands
? Qu'en est-il d'un éducateur qui refuse d'entendre la question anthropologique
de l'enfant qui lui est confié (ex : " Où elle est, maintenant,
ma mémé ? ") ? Faut-il répondre ou non ? Si oui, en
donnant son point de vue personnel ? En disant qu'il y a plusieurs points de
vue sur la question ? En répondant de façon fermée, définitive,
ou technique, scientifique (clore la question) ? Ou laisser la question ouverte,
avec dévolution de la question à la classe ?
Il y a là un vaste champ de questionnement pour le praticien. Il concerne
des préalables : la discussion philosophique est-elle éthiquement,
déontologiquement, psychologiquement, pédagogiquement dangereuse,
souhaitable, nécessaire, à l'école et à cet âge
?
Et des questions plus pratiques, techniques, dés qu'elle semble opportune.
Par exemple : quels sujets aborder ? Posés par le maître ou les
enfants ? Avec (ex : histoire, livre) ou sans support ? En atelier spécifique
et régulier, ou/et selon les opportunités ? Combien de fois et
combien de temps ? Avec quels objectifs ? Selon quel dispositif ? Par entretien,
discussion, en articulant oral et écrit ? Quel rôle pour le maître
et les élèves ? Faut-il évaluer ?
On trouvera dans les articles qui suivent des exemples de réponses. Leurs
intérêt est leur diversité. La philosophie n'est pas au
programme de l'école primaire : elle n'a à être ni enseignée,
ni évaluée. Ce n'est pas une activité normée par
des circulaires, avec un contrôle institutionnellement prévu de
conformité. Nous sommes ici dans l'instituant, face à l'inventivité
pédagogique des innovateurs.
Ce qui est intéressant, et assez peu fréquent, c'est que ceux
qui se lancent dans l'expérience n'ont pas l'impression qu'ils sont en
rupture avec les objectifs de l'institution. La preuve, c'est que certains inspecteurs
appuient leurs initiatives. Il y a cependant de la différence : c'est
une rupture par rapport à la tradition de l'enseignement philosophique
français, et il s'agit d'une discipline non enseignée à
l'école primaire, mais qui pourrait rejoindre et même fédérer
plusieurs des objectifs de ce degré d'enseignement. D'où le statut
ambigu de cette innovation : elle pourrait se répandre avec l'appui de
l'institution au niveau du primaire, et contre le rejet de l'institution philosophique
elle-même
Que se passerait-il si elle venait à être institutionnalisée,
devenant matière obligatoire, avec des notes ? Question piège,
car la scolarisation d'une innovation, c'est-à-dire son obligation et
sa banalisation, signe souvent le déclin de l'intérêt des
élèves
et des enseignants qui la portent
II LES QUESTIONS DE LA RECHERCHE
Le rôle de la recherche peut-être d'impulser, d'encourager, d'accompagner
cette pratique sur le terrain (recherche-action, recherche-formation), mais
surtout de la formaliser, si possible de la théoriser. Trois approches
(esquisse de typologie) nous semblent actuellement préoccuper les praticiens,
avec souvent une dominante et des combinaisons diverses, suivant les objectifs,
l'intérêt, la formation et les pratiques de chacun.
1) Une approche langagière du débat
Dans une société et une école historiquement normées
par l'écrit, beaucoup d'instituteurs prennent aujourd'hui au sérieux
l'apprentissage de l'oral, comme modalité fondamentale de maîtrise
de la langue. La pratique " langagière " (et pas seulement
" linguistique ") leur apparaît à la fois6
comme indispensable à la construction identitaire du sujet7 ,
à l'apprentissage de la réflexivité (" l'oral réflexif
" de D. BUCHETON), et au positionnement social dans l'interaction. Accompagnés
par la didactisation balbutiante de l'oral et de l'un de ses genres, le débat8
, par les recherches en sciences du langage (par exemple l'analyse conversationnelle),
ils sont soucieux de faire travailler en classe l'interaction sociale verbale
entre pairs, et de mettre en place des situations de confrontation, de conflits
socio-cognitifs, par l'exercice de l'argumentation. Qu'ils partent du travail
sur l'oral pour développer des débats, ou de l'argumentation pour
aborder son versant oral, ils s'intéressent au débat argumentatif
(cf. J. CAILLIER, G.AUGUET, M. CELLIER et M. DREYFUS).
L'intérêt évident de ce travail, dans le champ de la didactique
du français, en particulier pour les élèves en difficulté
avec la langue (cf. R. JORDAN, ou O. SOTINEL en ZEP), est de favoriser l'expression
orale confrontée, qui ne manquera pas par ailleurs, pensent-ils, d'avoir
des retombées citoyennes en matière de compétences à
débattre démocratiquement.
Sa limite, nous semble-t-il, est de rabattre le débat sur l'argumentation,
et donc de l'y réduire ; de faire du débat un " genre argumentatif
", en le coupant d'autres capacités qui nous semblent aussi fondamentales,
comme la conceptualisation ou la problématisation. Comment peut-on débattre
avec clarté et précision si l'on ne sait pas ce dont on parle,
si on ne définit pas les mots, et donc les notions utilisées ?
Et un argument n'a de sens que pour soutenir une thèse, qui est une réponse
à une question. Comment peut-on répondre à une question
si on ne l'a pas posée, problématisée ? Une argumentation
coupée de la problématisation qui formule la question de la réponse,
dont elle fournit la validation rationnelle, et de la conceptualisation, qui
définit l'objet dont on cause, risque d'aboutir à une sophistique,
où l'on est prêt à défendre, par des effets rhétoriques,
n'importe quelle thèse à un niveau formel.
Certains manuels de maîtrise orale de la langue à l'école
primaire parlent de " détruire l'adversaire9 ",
au lieu de discuter avec un interlocuteur, réduisant le débat
à un jeu qui n'a d'autre enjeu que de convaincre au sens de vaincre.
Nous sommes là dans le " débat-combat ", au lieu de
chercher ensemble la vérité. L'école, à travers
la didactique du français, doit-elle préparer aux usages sociaux
du débat politique médiatique ou des techniques commerciales de
persuasion pour y adapter les élèves, ou résister à
ces pratiques de référence pour instaurer une discussion qualitativement
exigeante dans son rapport à la vérité et à la communauté
discussionnelle ? L'éducateur doit selon nous veiller aux dérives
d'une certaine didactisation techniciste coupée de finalités humanistes
2) Une approche citoyenne de la discussion
Le deuxième courant est porté par des instituteurs convaincus
de l'importance de la parole et du débat à l'école, à
la fois pour l'épanouissement personnel de l'enfant et pour l'édification
d'une société démocratique, plus coopérative. On
reconnaît là l'influence de C. FREINET et de la pédagogie
institutionnelle (cf. R. DORIDANT et C. FORT), avec la mise en place d' "
institutions " comme le " quoi de neuf ? " ou " le conseil
". Les élèves sont habitués à parler, à
exercer des fonctions (les " métiers ") et des responsabilités
dans la classe, à décider collectivement après une discussion
en commun.
Il s'agit alors de " muscler " la réflexivité de la
parole et des échanges. S'exprimer pas seulement pour parler, mettre
en mots un vécu, ni dire seulement ce qu'on pense, mais tenter de penser
ce qu'on dit. Argumenter non pour convaincre l'autre, au sens de l'amener sur
sa propre position, et obtenir la majorité (" la vérité
du nombre "), mais pour savoir si ce que l'on dit est vrai et chercher
avec d'autres. Non plus prendre une décision, mais réfléchir
sur une question, un problème à enjeu existentiel pour chaque
participant, et non pragmatique à court terme.
Bref, utiliser l'organisation de la classe, et les "habitus démocratiques
" des élèves, pour discuter sérieusement d'un contenu
complexe (et non plus du fonctionnement du groupe-classe).
Il y a là un déplacement : soit utiliser la structure démocratique
du conseil pour " une discussion-échange-sur-un-sujet-important-avec-des-exigences-intellectuelles
;soit introduire la " discussion philosophique " comme " institution
" de la pédagogie institutionnelle, à côté et
en dehors du conseil10
.
Cette approche intéresse ceux qui sont préoccupés d'éducation
à la citoyenneté (M. DAUMAS-RAOUX), particulièrement pour
les élèves en difficulté (R. JOURDAN, M.C DURAND) ; et
mettent en place des dispositifs de débat avec répartition de
rôles tournants (cf. A. DELSOL, J. LEROY, F. LATTES). Elle peut avoir
des retombées importantes sur le climat d'une classe, voire d'une école
(C. BORDENAVE).
Pour différencier cette approche de la suivante, nous dirons que la première
travaille davantage le dispositif, et la seconde les processus de
pensée.
Le modèle Delsol met en avant, dans une perspective démocratique
(apprentissage du débat citoyen), l'exercice de fonctions diversifiées
rotatives dans le groupe : président de séance-gardien
de la discipline (cf. F. CARRAUD en maternelle pour ce rôle), reformulateur
à court terme, synthétiseur à moyen terme, observateur
sur la forme du débat et les fonctions exercées, interrogateur
du groupe, responsables de l'aménagement de l'espace en cercle, du micro
et de l'enregistrement
Le dispositif, d'une heure par semaine, est mis peu à peu en place, et
évolue progressivement dans l'année, en fonction de l'histoire
du groupe. Il s'agit d'aider les élèves à comprendre ce
qu'est une discussion et à s'y situer, en expérimentant et en
analysant différentes places, en croisant ainsi pour soi, et entre pairs,
le regard de postures distinctes11 .
Apprentissage par l'action et la réflexion de la complexité de
la situation " discussion philosophique ", et des différentes
" logiques d'acteurs " à l'uvre (chaque fonction est
un poste de travail qui développe des capacités spécifiques).
Ce modèle explicite au maximum le contrat pédagogique, les rôles
et les règles. Par exemple pour parler, on lève la main. On ne
parle que sur la permission du président, et seulement quand on a le
micro. On ne coupe pas quelqu'un qui parle. La parole est donnée dans
l'ordre. Mais priorité à ceux qui ne se sont pas encore exprimés
(droit qu'ils perdent à leur entrée dans le débat).
Le reformulateur intervient après deux ou trois interventions, le synthétiseur
au bout de dix minutes. Un observateur peut poser une question au groupe de
discutants.
L'attention à la forme (évolutive) du débat est ici essentielle.
Le rôle du maître est d'organiser la séance, de rappeler
les règles, de répartir les fonctions à partir du volontariat
et de la rotation des rôles, d'être le garant du fonctionnement
d'ensemble, d'intervenir légèrement pour harmoniser les interventions
de fonctions, mais aussi pour faire des reprises questionnantes. Cette légèreté
favorise la discussion entre pairs. La moitié de la classe observant
à tour de rôle, le nombre des participants est réduit d'autant,
ce qui favorise la prise de parole de chacun. Il peut y avoir aussi un tour
de table, avec joker pour respecter le droit de se taire.
On voit bien les avantage du " modèle " : favoriser l'apprentissage
de capacités cognitives et sociales liées à chaque fonction.
Ex : gérer des tours de parole, reformuler l'intervention de quelqu'un,
synthétiser les ides émises, élaborer sa propre pensée,
l'exprimer, répondre à une objection, observer une fonction, un
groupe, formuler une question, un argument etc.
Ses limites, dues au parti pris du retrait relatif du maître une fois
le dispositif en place, c'est de ne pouvoir guère influencer le cours
des échanges, construire du sens, tenir un fil directeur par le recentrage,
le questionnement, l'interpellation nominative d'expliciter un propos
Bref
de ne pas assurer par sa présence une exigence intellectuelle forte dans
l'interaction.
Parfois, le maître n'intervient plus dans le débat12
. Le souci démocratique peut alors se faire au détriment de la
tenue cognitive du débat : car on peut échanger démocratiquemnt
des préjugés, ce qui ne fait guère avancer la pensée.
Si en démocratie on peut avoir raison parce qu'on est les plus nombreux,
en philosophie, on peut avoir raison seul contre tous, parce qu'on a davantage
réfléchi. La démocratie de l'expression, des opinions sans
l'exigence d'un rapport à la vérité des propos tenus, ce
peut être la dérive démagogique, où tout se vaut
puisqu'il suffit que cela soit dit...
3) Une approche spécifiquement philosophique
Le " modèle Lalanne ", attentif à cette dérive,
inverse les priorités. A. Lalanne, dans son CP (ex. de sujet : "
qu'est ce que penser ? ") procède plutôt à un "
entretien philosophique de groupe "13
ou " dialogue maïeutique avec la classe ". Elle cumule les fonctions
d'animation : gestion de la parole, interrogation à la cantonade ou nominative,
reformulations, synthèses partielles et finales, recentrages, relances
etc. Sans apporter sur le fond son point de vue, elle construit pour le groupe,
en s'appuyant essentiellement sur les apports des élèves, du sens
par rapport au sujet et une progression collective de la pensée.
On est ainsi assuré d'une " philosophicité " de la démarche,
conduite par l'exigence intellectuelle de la maîtresse, très soucieuse
de conceptualisation (travail sur la définition des notions et élaboration
de distinctions conceptuelles). Celle-ci prépare ses séances en
anticipant ce que les élèves pourront dire à partir de
ce qui lui semble important sur le sujet, et qu'il faudrait saisir au bond ou
susciter. Et chaque séance est un compromis subtil entre ce qu'elle a
prévu, et les apports -souvent imprévisibles- des enfants.
On voit l'avantage d'un guidage cognitif fort : la garantie d'une tenue "
réflexive " des échanges. La tentation serait pour la maîtresse
de vouloir faire exprimer à tout prix ce qu'elle a dans sa tête,
et qu'elle juge nécessaire, par des questions insistantes ou fermées.
On tomberait alors dans le cours dialogué où l'on a un contenu
à transmettre. Mais le jeu est de ne s'appuyer que sur les apports des
élèves par un questionnement ouvert du maître, de façon
à ce qu'ils cherchent par eux-mêmes leur propres réponses
(autonomisation de la pensée), au lieu d'être captif du désir
du maître, en cherchant la " bonne "réponse.
On escompte par ailleurs dans cette pratique que les habitudes intellectuelles
prises dans l'atelier développeront une pensée réflexive,
et par conséquence, une attitude critique chez le futur citoyen : comportement
important, mais qui n'est pas l'objectif premier, puisqu'on n'entraîne
pas directement au débat entre pairs et à l'exercice pratique
de responsabilités. La citoyenneté est ici envisagée comme
un effet d'apprentissages cognitifs. Cette approche est plus directement et
centralement philosophique (N.Go introduit même des références
explicites à des auteurs).
C'est M. LIPMAN qui le premier, dans les années 1970, a introduit ce
qu'il a appelé la " philosophie pour enfants ". Il a mis au
point depuis trente ans une démarche méthodique, avec un matériel
conséquent : romans de la maternelle à dix-huit ans, qui mettent
en scène des enfants du même âge (facilitant leur identification
aux héros), qui agissent, réfléchissent, et discutent ensemble
; livres du maître avec de nombreux exercices et pistes de réflexion
collective. Il s'agit de lire ou faire lire un passage, de relancer les questions
de fond que les enfants (se) posent à son sujet, d'en choisir démocratiquement
une, puis de constituer la classe en " communauté de recherche "
pour l'examiner en commun, le maître ayant pour tâche de garantir
la valeur formative de la démarche. Les enseignants sont aussi formés
à partir de discussions autour de ces romans, qu'ils vivent et analysent,
philosophiquement et pédagogiquement.
Cette méthode, inspirée par les méthodes actives de Dewey,
les stades de Piaget et une idéologie démocratique, s'est largement
développée dans de nombreux pays, et est suivie de près
par l'UNESCO (cf. le rapport de M. SASSEVILLE)14
. Certains instituteurs et formateurs s'en inspirent (P. SONZOGNI, M. BAILLEUL,
E.AURIAC-PEYRONNET). D'autres (cf. A. LALANNE, J.C. PETTIER) émettent
quelques réserves sur sa philosophie pragmatiste, son goût prononcé
pour la logique, sa conception assez rousseauiste d'un enfant spontanément
philosophe, ou son univers " américain " qu'il faudrait culturellement
transposer. Ils pensent que l'on peut partir plus généralement
d'autres supports à portée philosophique (les mythes, le conte
(cf. M.O. BRUNEAU et M.A. DIVET) ; les albums de jeunesse (cf. M. CARTON et
C. DUMAS), voire des questions directes des enfants (J.DUEZ).
J'ai moi-même mené depuis une douzaine d'années des travaux
sur la didactique de la philosophie, et tenté de stabiliser, à
usage des classes terminales de lycée, une définition " didactique
" (car le consensus philosophique est introuvable), du philosopher :
" Articuler, dans le mouvement et l'unité d'une pensée impliquée,
sur des notions et des questions fondamentales pour tout homme, des processus
interdépendants de problématisation d'affirmations et de questions,
de conceptualisation de notions, d'argumentation rationnelle de thèses
et d'objections "15
.
Et c'est cette conception de l'apprentissage du philosopher, autour de ces trois
processus de pensée, que je tente aujourd'hui d'opérationnaliser
dans la discussion philosophique16 ,
tant dans les cafés philosophiques17
qu'à l'école primaire18
:
- (se)pose-t-on des questions
19 ,
doute-t-on de ses affirmations, examine-t-on les présupposés
et conséquences de ses propos ? (problèmatisation)
- Tente-t-on de définir ce dont on parle, les mots, les notions employées,
opère-t-on des distinctions conceptuelles pour y voir plus clair (ex
: bonheur, joie et plaisir chez N. GO) ? (conceptualisation)
- Prend-on position, soutient-on une réponse par rapport à
une question, justifie-t-on rationnellement cette thèse par des arguments
20 ,
répond-on avec pertinence à des objections ? (argumentation)
Voilà trois repères essentiels, les trois processus de pensée
à garantir pour qui souhaite qu'une discussion animée soit philosophique.
Je ne voudrais pas terminer ce panorama sans parler du courant français
de philosophie avec les enfants développé par J. LEVINE, d'orientation
psychanalytique, concrétisé par D. SENORE sur Lyon et A. PERIN
à l'IUFM de Bonneuil. Il pose l'importance, pour le jeune enfant, et
même l'adolescent, dans la structuration identitaire de sa personnalité,
d'expérimenter, en présence mais en dehors de toute conduite du
maître (analogie avec la situation de l'analyste ?), au moins dans un
premier temps, d'une parole qui s'autorise à parler et à penser
devant d'autres, à exprimer quelque chose d'important sur des problèmes
fondamentaux.
On est là sur le versant psycho-existentiel de la philosophie, sur l'émergence
du questionnement anthropologique, d'un sujet qui cherche à le formuler
et le partager avec d'autres. Des analyses croisées psycho-linguistiques,
psychanalytiques, psycho-sociologiques, philosophiques éclaireront la
portée du protocole décrit plus loin. Ces expériences interrogent
la philosophie sur les rapports entre processus de subjectivation, prise de
parole, implication, élaboration d'une pensée réflexive
et inter-subjectivité des échanges.
Le questionnement est chez l'enfant massif, radical, syncrétique. C'est
nous qui avons tendance à qualifier, en l'entendant, la question de psychologique,
technique, scientifique, philosophique. Mais l'enfant ne peut comprendre aussi
la portée de la question qu'il pose que lorsqu'on la lui renvoie en écho,
avec des reformulations qui lui donnent un sens humainement entendu et travaillé.
Nous aurions personnellement tendance à penser que la philosophie est
une façon non psychologique d'aborder les problèmes existentiels
: par la médiation de la raison. Que peut-il en être de cet apprentissage
avec les enfants, immergés dans l'affect ?
III LES QUESTIONS DE LA FORMATION
Comment alors accompagner ceux qui se lancent dans l'expérience de "
discussions philosophiques " à l'école ? S'agissant d'une
innovation, il s'agit moins de proposer un modèle prescriptif que d'accompagner
réflexivement les pratiques. Reprenant notre typologie descriptive et
critique, nous proposerons seulement quelques orientations (cf. aussi J. HALIMI).
- Pour ceux qui travaillent prioritairement les interactions langagières,
l'oral argumentatif et le débat en français, dans une perspective
de maîtrise de la langue orale, il nous semble important : de "
muscler " les moments de problématisation, afin de ne pas
couper l'argumentation de la question à laquelle elle répond,
et de la thèse qu'elle permet de soutenir ; et les moments de conceptualisation,
afin d'étayer cognitivement ce que l'échange présuppose,
à savoir clarifier ce dont on parle, en définissant les notions
; de donner enfin à cette argumentation une visée universalisante
(parler " à la place de tout autre ", dit Kant), afin de
favoriser la décentration maximale de son point de vue spontané,
subjectif, la recherche de validation rationnelle de son propos dans une perspective
de vérité, où j'ai besoin de l'autre pour aller plus
loin dans mon questionnement.
- Pour ceux qui axent leur pratique sur un débat démocratique
dans une perspective citoyenne, il s'agit de muscler réflexivement
les échanges pour éviter l'enfermement dans les opinions et
préjugés, d'être vigilant sur les exigences intellectuelles,
la mise en uvre de processus de pensée. De façon à
ce que l'enjeu ne soit plus l'assentiment du nombre en vue d'emporter la décision,
ou le pouvoir que donne la parole dans un groupe, mais la recherche collective
d'une vérité comme horizon, le pouvoir que donne la pensée
pour comprendre le monde, autrui et soi-même, au sein d'une communauté
de recherche.
- Pour ceux qui se placent d'emblée dans le champ philosophique, son
exigence de rigueur, son rapport au questionnement, à la raison, au
concept et à la vérité, il s'agit de doser un guidage
cognitif ferme, qui maintient le cap réflexif, avec des formes plus
coopératives de discussions entre pairs, qui autorisent l'exercice
de responsabilités discussionnelles autonomisantes.
On le voit : entre maîtrise de l'oral interactif, éducation à
la citoyenneté et développement de la pensée réflexive,
une didactisation praticienne se cherche. La difficulté d'une "
discussion philosophique ", c'est d'articuler dans des interactions verbales
la présence des trois processus de pensée qui garantissent leur
" philosophicité ", avec un fonctionnement démocratique,
pour qu'il s'agisse de l'apprentissage d'un vrai débat entre pairs. Et
c'est à chacun de porter dans sa pratique cette dialectique entre les
trois pôles, et aussi entre les trois processus de pensée, de bricoler
cette tension, de concevoir les dispositifs adéquats, de s'inventer un
style d'animation.
La formation initiale et continue, en IUFM (cf. M. BAILLEUL, E. AURIAC-PEYRONNET,
J.C. PETTIER) ou en circonscription (cf. D. ROYO, P. BITEAU) peut à la
fois impulser et accompagner ces pratiques. La plupart des instituteurs n'ont
de la philosophie que leurs souvenirs de terminale, ou quelques cours de philosophie
de l'éducation dans leur formation professionnelle initiale. Il s'agit
donc de les sensibiliser à la didactique du philosopher. Ceci suppose
de montrer l'intérêt formatif de faire discuter les élèves,
et de les faire réfléchir collectivement sur des problèmes
existentiels. D'articuler le lien avec des objectifs fondamentaux de l'école
primaire (maîtrise de la langue, éducation à la citoyenneté).
De vaincre certaines appréhensions, voire réticences, en donnant
des exemples de faisabilité.
Ce qui est nouveau, et difficile, c'est d'oser l'abstraction avec de
jeunes enfants, de faire confiance en leur possibilité réflexive
; d'être rigoureux dans la démarche intellectuelle à promouvoir
; de comprendre, et faire comprendre aux enfants que l'exemple, tout en étant
nécessaire pour ancrer la pensée sur du vécu, ne fait jamais
en philosophie définition (il est trop particulier) : ni argument (un
seul contre-exemple suffit à l'invalider) ; il doit être dépassé,
pour la définition, par des attributs du concept (ex : " Le cauchemar,
c'est un rêve qui fait peur "), ou par des distinctions notionnelles
(ex : ami, copain, amoureux) ; pour l'argumentation, par de " bonnes "
raisons.
Ce qui est significatif, c'est la redéfinition du contrat didactique,
par un maître garant du dispositif, mais plus en retrait sur le contenu
apporté et les solutions fournies, pour que les enfants posent eux-mêmes
les questions et cherchent leur propre réponse, et par ailleurs capable
de déléguer une partie de son pouvoir d'animation (par exemple
celui de donner la parole), pour que les élèves apprennent les
différentes postures du débat, et à discuter entre eux21 .
Telles sont les deux contributions significatives de la discussion philosophique
par rapport à la crise actuelle du sens de l'école, dans sa double
face de crise du rapport au savoir et du rapport à la loi :
- Un rapport non-dogmatique au savoir, car celui-ci apparaît
comme une quête humaine issue du questionnement qui pose problème,
et esquisse des réponses confrontées et à remettre sans
cesse sur le chantier ;
- Un rapport plus coopératif à la loi des échanges,
par l'exercice de responsabilités, et l'acceptation de règles
garantissant une éthique communicationnelle dans la discussion.
Dans cette perspective, dans nos formations à Nîmes, Mulhouse,
ou Montpellier (IUFM et CFP), nous avons tenter de combiner (3 heures à
5 jours) :
- Des informations sur la méthode Lipman et les pratiques que nous
connaissons, avec questions-réponses-débat ;
- Des auditions de bandes et des projections vidéos de séances
de classe très différentes, pour donner des exemples (et non
un modèle), susciter questions et comparaisons, en les faisant observer
selon des critères différents, puis analyser ;
- Des discussions sur des sujets philosophiques entre stagiaires, avec dispositifs
variés (moi comme chef d'orchestre ou avec des fonctions diversifiées
déléguées) et observations ciblées, puis analyse
des rôles tenus et des processus de pensée en jeu (pour cerner
les " moments philosophiques ") ;
- Des débats entre nous sur des sujets choisis, à expérimenter
en classe pour les volontaires, qui servaient de préparation conceptuelle,
problématisante et argumentative ;
- Des analyses des pratiques effectuées, avec les questions soulevées,
difficultés rencontrées et points d'appui.
La constitution d'un réseau de praticiens, formateurs, chercheurs, lui-même
en liaison avec le Québec et la Belgique, où ces pratiques se
sont développées, nous a par ailleurs semblé fondamentale
pour étayer les innovateurs, mutualiser les pratiques, mettre celle-ci
dans une dynamique de formation et de recherche22 .
Ce livre en est un premier écho.
Nous y avons parlé surtout de la discussion. Mais peut-on rabattre l'apprentissage
du philosopher sur la seule discussion ? On sait que l'apparition de l'écriture,
par son objectivation, sa précision, sa trace, les ratures possibles,
la cohésion et la cohérence nécessaire aux processus rédactionnels,
a permis l'émergence de la raison dans l'humanité (cf. les ouvrages
de Goody). Comment donc combiner, dans l'apprentissage d'une pensée réflexive
à l'école, l'oral et l'écrit ?
Cette question intéresse la didactique du français. J. CAILLIER,
(ou B. SEWERYN, dans la lignée de D. BUCHETON), montre comment on peut
faire précéder et suivre la discussion d'un écrit. Allons
plus loin : quelle utilisation de l'écrit réflexif à l'école
primaire ? Pourquoi se cantonner au descriptif et au narratif ? Comment articuler,
dans les productions écrites, la métaphore et le concept, tenter
des reprises réflexives de mythes, de contes etc. ? On mesure la difficulté
avec certains élèves ! Ici s'ouvre peut-être un autre chantier.
Car une recherche en cache toujours une autre23 .
Des ambassadeurs de la " philosophie pour enfants ", notamment québécois,
ont plusieurs fois essayé, ces dernières années, d' "
importer " cette pratique en France. Ils se sont heurtés à
une franche hostilité de l'institution philosophique, et au scepticisme
de l'école primaire. La situation a évolué. A l'aube de
l'an 2000, le terrain semble plus accueillant, et " le coup est parti ".
" Introduire la philosophie à l'école primaire interroge
nos pratiques de classe " (K . GODEFFROY). Comme toujours dans les périodes
instituantes ,des innovateurs foncent, et d'autres crient au danger. D'où
l'intérêt d'accompagner ces nouvelles pratiques par la formation
et la recherche. Heureusement, les praticiens s'intéressent plutôt
au bébé qu'à l'eau du bain
Par Michel Tozzi
Notes
(Cliquez sur les
pour revenir au texte)
1
- Dans Qui a peur de la philosophie ?, Flammarion, Paris, 1997.
2
- Ex. CUADROS R., Vers une maïeutique scolaire ?, CFP de Montpellier.
3
- A Montpellier 3, Strasbourg 2, Lille 3
4
- Traduction enfantine de la magnifique phrase de M. BLANCHOT : " La réponse,
c'est le malheur de la question ".
5
- " Les enfants sont spontanément philosophes : ils posent des questions.
Les adultes sont spontanément idiots : ils donnent des réponses
". Freud dans Le Visiteur, de V.E. SCHMITT.
6
- cf. les travaux de l'équipe Escol à Paris 7, en particulier
E. BAUTIER, D. BUCHETON, J.Y.ROCHEX, B.CHARLOT.
7
- cf. l'article de J. LEVINE et al
8
- DOLZ et SCHNEUWLY, Pour un enseignement de l'oral, ESF, Paris, 1998.
9
- Exemple de manuel Maîtriser l'oral Cycle 3. Champ lexical : l'objection
vise à " dénigrer ", " détruire ",
l'interlocuteur est " adversaire ", le débat un " affrontement
". C'est une conception guerrière (débattre, c'est abattre),
et non heuristique (débattre c'est chercher ensemble) , où l'on
convoque explicitement le débat télévisé comme pratique
sociale de référence, où l'on veut développer des
compétences " communicationnelles et linguistiques ", jamais
réflexives, solliciter une rationalité purement instrumentale
(accroître son pouvoir sur autrui) et non herméneutique (co-construire
un sens avec lui). On appréciera l'enjeu existentiel et anthropologique
des sujets proposés : " pour ou contre le carnaval ? VTT ou escalade
? Cartable classique ou sac à dos ? Tapette à mouche ou bombe
insecticide ? "
10
- S. CONNAC, DEA en cours : La discussion philosophique comme institution de
la pédagogie institutionnelle, Montpellier 3, 2000-20001.
11
- Voir les exemples d'Anaïs et Rémy dans l'article de J. LEROY.
12
- cf. aussi le protocole de J. LEVINE et al
13
- On trouve cette dominante de l'entretien philosophique à l'état
" pur " chez J. DUEZ. Celui-ci, professeur de morale non-confessionnelle
en Belgique, a filmé depuis trente ans des entretiens individuels, ou
à deux-trois, qu'il mène dans ses classes peu nombreuses du primaire
sur des sujets existentiels, surtout éthiques. Nous possédons
là des documents exceptionnels sur la capacité réflexive
de jeunes enfants (cf. la thèse de M. HOUX sur leurs représentations
sociales, Université de Mons, 1994).
14
- " Trente ans de pratiques et de recherches en philosophie pour enfants
", Congrès de Brasilia, juillet 1999. Voir l'article de F. GALICHET
in Diotime-L'Agora, n°4, déc. 1999.
15
- Penser par soi-même. Initiation à la philosophie, Chronique sociale,
Lyon, 1994.
16
- Contribution à une didactique de l'oral philosophique, in L'oral argumentatif
en philosophie, CRDP Montpellier, 1999.
17
- Le café philosophique : un défi pour la pensée ?, idem.
18
- " Philosopher à l'école primaire ", Pratiques de la
philosophie, n°7, GFEN, juillet 1999.
19
- " Poser des questions qu'aucune réponse ne pourra endormir "
(C. BOBIN).
20
- " Trouver des raisons qui vaillent aussi pour autrui " (L. FERRY).
21
- Nombre d'instituteurs engagés dans l'opération " la main
à la patte " verront des analogies avec la démarche du "
débat scientifique " : émergence des représentations
et confrontation des hypothèses explicatives entre pairs. La différence,
c'est que le " réel " arbitre, dans la démarche expérimentale,
et que le maître reste le garant de la " vérité "
trouvée, compatible avec l'état (provisoire) de la science. Alors
qu'en philosophie, nous n'avons pour penser que le langage, et la pensée
du maître reste elle-même une " hypothèse " discutable.
22
- Une séance d'A. LALANNE en CP " Qu'est-ce que penser ? "
a ainsi été analysée par trente cinq personnes différentes
par leur fonction, leur formation, leurs intérêts.
23
- Pourquoi ne pas tenter d'opérationnaliser, au cycle 3, les recherches
menées en classe terminale sur cette question, adaptées à
l'âge des enfants ? cf. TOZZI M. et al, Diversifier les formes d'écriture
philosophique, CRDP Montpellier, 2000.
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