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Les pratiques de discussion à visée philosophique à l’école primaire

Posted By admin On 28 février 2003 @ 12:02 In L'école primaire (de la maternelle au CM2) | No Comments

Ce colloque est un moment important de la réflexion collective sur une innovation française récente : des pratiques nouvelles d’échanges qui se réclament de la philosophie à l’école primaire et au collège.

•  Important par sa signification institutionnelle , qui montre l’intérêt que lui portent des responsables de l’Education Nationale : lancé…

à l’initiative du Recteur de Montpellier, ce colloque interacadémique a été organisé en partenariat entre le Bureau des Innovations de la Direction de l’Enseignement Scolaire et les coordonnateurs académiques des académies de Montpellier, Caen et Créteil. L’Inspection Générale de Philosophie a tenu à assister à ses travaux et à y intervenir, à partir du moment où les promoteurs de cetteinnovation revendiquent le qualificatif de « philosophie ». Une des conditions de possibilité de la tenue de ce colloque a été la lettre du six juin 2002 que le Ministre de l’Education Nationale m’a adressée : « J’attache beaucoup d’importance aux expériences d’introduction, dès l’école primaire, de pratiques pédagogiques qui se réclament de la philosophie et qui constituent, à mesyeux, une innovation majeure pour le système éducatif ».

•  Important aussi par le questionnement adressé aux expériences menées, qui vise à éclairer leur sens, en particulier du point de vue philosophique.

D’où les objectifs du colloque :

  1. Questionner en préalable le caractère philosophique de cespratiques, en particulier les conditions                                    auxquelles une discussion en classe peut être ou devenir philosophique.
  2. Cerner les spécificités et les enjeux des différentes pratiques d’un débat àvisée philosophique à l’école primaire et au collège. Interroger le sens de ces pratiques innovantes.
  3. Identifier la diversité de ces pratiques, sur le terrain et en formation.  
  4. Analyser ces pratiques, repérer les obstacles et les difficultés, mais aussi les réussites, et les mettre en perspective avec les travaux actuels de la rechercheuniversitaire en ce domaine.
  5. Identifier et mutualiser les ressources disponibles en vue de leur diffusion.

En tant que responsable scientifique du colloque, j’ai été chargé de présenter la problèmatique du travail commun, et différentes pistes possibles de réflexion.

Je développerai trois points :

•  le premier, très factuel, pour mettre tousles participants au même niveau d’information, vise à faire un bref état des lieux en matière de pratiques de classe, de formation et de recherche ; celui-ci, partiel, devra être complété par les praticiens présents, et par des accompagnateurs académiques de cette innovation, ou des universitaires ;

•  une seconde partie traitera des enjeux multiples soulevés parces activités dans le système éducatif français actuel. Ceux-ci seront repris dans le travail en ateliers, et discutés dans la table ronde de demain ;

•    j’aborderai enfin la question de la spécificité de ces pratiques. Elles me semblent notamment faire émerger à la fois un nouveau « genre scolaire » (Schneuwly), et un « paradigmeorganisateur » (M. Develay) renouvelé de l’apprentissage du philosopher en contexte scolaire.   

I) ETAT DES LIEUX   PROVISOIRES (FEVRIER 2003)

  J’ai rassemblé nombre de témoignages et tenté une première typologie de la diversité des pratiques de terrain dans plusieurs ouvrages 1  :

•  courant des ? préalables à la pensée ?, centré sur l’expérience existentielle du cogito comme démarche structurante de la construction identitaire du sujet Note2 (A. Pautard, J. Lévine?) : l’élève s’y éprouve dans l’échange entre pairs comme un « parl’être » (Lacan) se constituant en « pens’être », se dotant d’un langage intérieur (A. Perrin) ;

•  courant de la maîtrise de ? l’ oral  réflexif  ? (D. Bucheton), pour ? apprendre, penser et se construire ? à travers des productions langagières interactives (J. Caillier) ;

•  courant de l’éducation à une ?  citoyenneté réflexive  ?, où l’on s’appuie sur les habitus démocratiques de discussion des élèves en pédagogie institutionnelle, pour amener dessujets à forte teneur existentielle (ex : S .Connac, Doridant et Fort à Strasbourg?) ;

•  courant proprement philosophique : ? philosophie pour enfants ? de M. Lipman, entretien philosophique de groupe d’ A. Lalanne, Note3 ? discussiondémocratique avec des exigences intellectuelles ? de M. Tozzi, A. Delsol, N. Go)?

Il s’agit là d’une typologie empirique, à partir de la diversité des expériences connues, instituantes parce que non institutionnalisées, qui vise plus à décrire le type de préoccupation, d’angle d’entrée dans l’activité des praticiens, qu’à discerner par une échelle normative ledegré de « philosophicité » des activités en vue de prescrire (nous sommes là, pour reprendre les catégories de J.L. Martinand, dans une didactique plus descriptive que normative ou prospective).

Nous avons affaire à une innovation, lancée de manière significative en France dans les années 1997-1998 (il y a eu des tentatives antérieures), par des enseignants du premier degré quiavaient une formation philosophique (ex : A. Lalanne, P. Sonzogni ou J.C. Pettier) et ne se sont autorisés que d’eux-mêmes dans un premier temps ; ou qui travaillaient dans un réseau associatif (ex : A. Pautard, D. Sénore, et le réseau de l’AGSAS de J. Lévine) ; de professeurs d’IUFM qui avaient rencontré lors de colloques internationaux des québécois lipmaniens (ex : M. Bailleul à Caen, E.Auriac-Peyronnet à Clermont-Ferrand)  et ont commencé à animer des actions de formation continue d’enseignants ; de diplômés de philosophie intéressés (ex : les intervenants philosophes dans les SEGPA travaillant avec la Fondation 93 d’A. Beretetsky), parfois animateurs de cafés-philo (ex : J.F. Chazerans à Poitiers, O. Brénifier à Paris) ; d’enseignants de philosophie ou et de sciences del’éducation à l’université (F. Galichet à Strasbourg, Solère-Queval à Lille, M. Tozzi à Montpellier).

Elle a rapidement pris de l’ampleur, s’est organisée en réseau informel avec sites internet Note4, listes de diffusion et colloques(avril 2001 à   l’Inrp, mai 2002 au Crdp de Bretagne, juin 2003 à Nanterre avec le Cddp des Yvelynes et le Crdp de Bretagne). Elle se diffuse dans les collèges (ex : C. Vallin), a trouvé un écho très favorable dans les publications des mouvements pédagogiques ( Cahiers pédagogiques avec F. Carraud, K. Godefroy, C. Roiné etc . , ICEM, OCCE, GFEN), dont nombre de militants se sont lancés dansl’expérience ; elle est répercutée dans la revue internationale de didactique de la philosophie Diotime L’Agora (CRDP Languedoc-Roussillon), dans des ouvrages de CRDP (Montpellier, Rennes) relayés par le CNDP, chez des éditeurs privés qui ont infléchi leur littérature de jeunesse vers la philosophie (ex : Acte Sud Junior), avec des collections ad hoc (ex : les ? goûters philosophiques ? chezMilan, « L’apprenti-philosophe » chez Nathan etc.).

Des formations initiales et continues ont été petit à petit organisées dans plusieurs IUFM (Caen, Rouen, Montpellier, Nantes, Le Mans, Strasbourg, Lille, Lyon, Créteil, Châlons, Cddp des Yvelynes), avec des mémoires professionnels sur la question ; des stages et regroupements pédagogiques dans des circonscriptions.

Un secteur de recherche s’estdéveloppé, avec des communications (huit à la Biennale de l’Education en 2002, douze au colloque de Montpellier sur la discussion de mai 2003), des symposiums ( Colloque de Lille de l’AECSE en septembre 2001 ; de Montpellier en mai 2003). J.C. Pettier a soutenu le premier sa thèse à Strasbourg 2 en octobre 2000 sur ? La philosophie en éducation adaptée ?. Il y a maintenant un certain nombre de maîtrises et Dea en sciencesde l’éducation soutenus, et six thèses sont en cours à Montpellier 3 en 2003 (S . Connac,, G. Auguet, L. Bulhman-Galvani, Y. Pilon, N. Boudou-Roux, J. Leroy). Des professeurs de philosophie de la Sorbonne sont intéressés (Michel Puech, Y. Michaud).

Les correspondants innovations de certaines académies ont reconnu comme telles certaines actions, des moyens de diffusion ont été dégagés (ex :deux mi-tempsd’instituteurs dans l’académie de Caen en 2002-2003). Le programme européen Daphné de lutte contre la violence a choisi en France l’entrée de la discussion philosophique à l’école primaire (S. Brel). L’Université populaire de M. Onfray à Caen à ouvert un atelier de philosophie avec les enfants (G. Geneviève).

L’intérêt des praticiens et de l’institution converge donc pour développer de tellespratiques. De son côté les Assises de l’enseignement catholique de décembre 2001 ont fait du ? développement du questionnement philosophique à l’école primaire et au collège ? une de leur huit orientations prioritaires, et l’impulsion est donnée par des formations nationales ( Unapec) et régionales (ex : Cfp-Ifp de Montpellier et Toulouse).

Le moment semble venu, pour des enseignants qui sontdésireux de se lancer mais ne savent comment s’y prendre, de fournir, outre de la formation, des supports pédagogiques et didactiques. D’où l’ouvrage de J.C. Pettier et J. Chatain avec des textes accessibles (Crdp Créteil 2003), et le travail en cours des équipes de Caen (CD-Rom), et de Montpellier( travail sur Yakouba, sur le jugement esthétique et sur le mythe de la caverne).

II     LES ENJEUX DE CES PRATIQUES

Par enjeu, nous entendons ce qui se joue d’important et d’urgent, à différents niveaux et pour divers acteurs, dans une activité humaine. Un enjeu éducatif peut être par exemple d’ordre éthique ou politique, psychologique ou social, individuel ou groupal, affectif ou cognitif, pédagogique ou didactique, mettre en jeu le rapport au savoir ou à la loi, avec un gain(ex : l’apprentissage ou la socialisation) ou une perte(ex : l’échec scolaire) etc. Il peut concerner l’enfant, l’élève ou l’apprenant, l’instructeur ou l’éducateur, le parent, l’usager ou le client, les responsables du système éducatif etc .

Il y a au moins six enjeux selon moi dans les nouvelles pratiques à visée philosophique à l’école primaire et au collège.

Un enjeu langagier

La lecture (dumaître ou des élèves, en fonction de l’âge des enfants), constitue souvent un support de départ dans ces activités (romans de Lipman, littérature de jeunesse, contes et mythes, brefs passages de philosophes?). Mais elle a pour objectif spécifique, non d’étudier le texte en lui-même, mais d’en dégager des questions à teneur anthropologique afin de les traiter en classe. De même, dès qu’elle estpossible (CE2), l’ écriture de l’élève (à la maison ou en classe) est parfois utilisée avant, pendant (ex : notes du synthétiseur), ou après le débat. Mais elles ne sont pas systématiques : on peut partir directement d’une question d’élève ou du maître, et s’en tenir à l’échange verbal.

Car c’est sur l’ oral  que repose fondamentalement ces pratiques. Ellesrejoignent ainsi une des missions essentielle de l’école, la « maîtrise orale de la langue ». Et plus particulièrement l’oral dans son genre débat , qui est devenu l’une des activités transversales des programmes (débat d’interprétation en français, débat scientifique, débat pour « vivre ensemble »?).

D’où l’intérêt de certains didacticiens dufrançais pour cette innovation. Tout un courant travaille sur « l’oral réflexif » (E. Bautier, D. Bucheton?), en parlant plutôt d’activité langagière que linguistique , d’oral pour parler, mais aussi « apprendre et se construire ». Il analyse l’activité verbale dans ses dimensions affective (s’exprimer), pragmatique et sociale (communiquer), cognitive (penser). Il tente d’articuler dansl’oral et le débat le langage comme apprentissage en soi, moyen d’apprendre et apprentissage de soi. Parler pour apprendre à parler, être écouté, se faire comprendre (ex : le « quoi de neuf ? »), mais aussi parler pour argumenter, convaincre, objecter et répondre, et enfin,   par et dans l’interaction sociale verbale, développer sa personnalité. La « discussion à viséephilosophique » (que nous appellerons désormais DVP), est une activité privilégiée dans cette perspective. Et c’est pourquoi nombre de praticiens et de formateurs, confortés par les orientations ministérielles et les recherches didactiques en français, tentent d’orienter l’oral et le débat vers une activité « réflexive », aussi bien méta-langagière que discursive, tremplin pourqui veut donner à l’échange une dimension philosophique. Infléchir l’oral vers une pensée explicitement réflexive (c’est le but de la DVP), actualise donc une sensibilité à la fois institutionnelle et didactique. Tel est le premier enjeu du débat réflexif : favoriser l’apprentissage d’activités langagières à l’école, comme base d’un rapport médiatisé au langage, ausavoir, à autrui et à soi-même.

Nous tentons quant à nous, avec D. Bucheton, dans un GER (Groupe d’Elaboration de Ressources) de l’Iufm de Montpellier, d’articuler le « débat d’interprétation » sur la littérature de jeunesse (Yacouba est-il courageux ?) avec la DVP (Qu’est-ce que le courage ?), esquissant ainsi une synergie entre didactiques du français et de laphilosophie.

1  Un enjeu psychologique

L’enjeu de la construction identitaire, qui est un des éléments de l’approche précédente, est au centre de l’atelier philo de l’AGSAS (Association des Groupes de Soutien au Soutien) : « L’enfant y fait une expérience particulière de lui-même, en tant que lieu du cogito. Il découvre, plus nettement que dans d’autresactivités, qu’il est porteur d’une dimension fondamentale de l’être : la pensée dont on est soi-même la source » (J. Lévine, psychanalyste de l’éducation). Par le retrait total de l’intervention du maître, néanmoins présent derrière une vidéo, par la confrontation verbale avec ses pairs, par le visionnement ultérieur de la vidéo, il prend conscience en acte et par sa représentation deson activité cognitive en contexte social.

« Dans un cadre collectif, il s’entend émettre des hypothèses sur des problèmes majeurs (expérience du groupe cogitans)?il est implicitement invité à faire partie du club de ceux qui cherchent à rendre la vie plus vivable?il est confronté au défi de mettre de l’ordre dans ses pensées sur le monde?il découvre que sa parole se double d’un travailinvisible de la pensée, le « langage oral interne », dont la conscientisation est un facteur important d’enrichissement de l’image de soi et de l’expérience de sa pensée » (idem).

Ce n’est donc pas l’apprentissage du débat ou d’une méthodologie de la pensée qui sont fondamentalement visés, mais leurs conditions existentielles de possibilité, l’expérience de la pensée. A. Pautard parlede « courant des préalables à la pensée ». Le protocole est né historiquement en maternelle, là où il s’agit, psychogénétiquement, de poser des bases réflexives, de développer des compétences qui deviennent invisibles pour ceux qui se les sont appropriées. Mais il ne faut pas croire qu’il s’agit d’un préalable purement développemental. Le protocole est repris jusqu’à lafin du collège.

Car la confiance en sa propre possibilité de pensée doit être périodiquement réasssurée. L’adolescent en quête de certitude qui doute en son fort intérieur de ce qu’il est et va devenir doit refaire cette expérience valorisante pour être conforté dans son identité d’être pensant. L’élève en échec scolaire qui ressent la nullité de sa personne àtravers la faiblesse de ses résultats peut éprouver une restauration narcissique à se sentir capable d’exprimer une idée sur les problèmes existentiels de tout homme, qui lui font réintégrer cette communauté de destin d’une humanité fragile. Les instituteurs spécialisés de Segpa de collège qui ont tenté des DVP témoignent souvent d’une pacification de la classe lors de cette activité :peut-être parce que la mutualisation des énigmes humaines crée un espace public d’échange où chacun a intérêt à connaître les tentatives de l’autre ; parce que personne n’a le dernier mot et ne peut conclure sur ces questions par le rapport de force physique ou verbal?

A une période où la loi d’orientation de 1989 a promulgué de mettre l’élève au centre du systèmeéducatif, le deuxième enjeu de ces pratiques, plus psychologique, est de contribuer à la construction identitaire de l’enfant et de l’adolescent par la conscience de ses possibilités réflexives, l’épreuve (le sentiment éprouvé et la preuve) de sa pensée, et de sa dignité d’être pensant.

Un enjeu politique

Depuis la rentrée 2002, les nouveaux programmesde l’école primaire ont institutionnalisé en cycle 2 et 3 une ½ heure de débat hebdomadaire en classe. Beaucoup d’enseignants, qui n’ont été formés eux-mêmes ni au débat entre eux ni à la pédagogie du débat, s’interrogent pour savoir comment procéder. Cette obligation est instaurée dans le cadre du « vivre ensemble », suite à la crise du lien social et politique dansnotre pays, qui se traduit à l’école par une crise du rapport à la loi, de l’autorité magistrale, qu’on désigne notamment par « incivilité ». C’est pourquoi l’on se tourne aujourd’hui vers des méthodes longtemps critiquées comme subversives pour le système, parce qu’elles avaient mis au centre la réflexion politique sur le pouvoir dans la classe et dans l’école.

Les praticiens del’éducation nouvelle se réclamant notamment de C. Freinet ou de la pédagogie institutionnelle ont en effet depuis longtemps mis en place des « institutions », comme le « conseil de classe » ou « conseil coopératif », structure de débat « démocratique » avec règles de fonctionnement co-construites, ordre du jour établi en commun, président etsecrétaire de séance élèves, procédures de tours de parole, processus de régulation des conflits et votes majoritaires pour décider de sanctions ou de projets. Cette « démocratie scolaire » préfigurerait la « démocratie citoyenne ».

La démocratie comme régime politique implique en effet l’espace public du débat comme lieu d’égale expression et depluralité des opinions, y compris minoritaires, des citoyens. L’école républicaine se donne explicitement comme mission de préparer par son enseignement le futur citoyen. Un des moyens, outre l’instruction, consiste à faire vivre des situations qui entraînent les élèves à construire des compétences de débat dans un « espace public scolaire ».

On constate que nombre de praticiens qui ontinstauré dans leur classe des « habitus démocratiques » se lancent aujourd’hui dans la DVP, notamment à partir de sujets sur la violence, la loi, les règles, le pouvoir, la justice, la liberté?De la pratique du « conseil » à la DVP il y a un tremplin possible, dans la mesure où une structure qui facilite le débat est un socle qui va permettre, moyennant d’autres exigences intellectuelles, unediscussion sur des questions philosophiques. L’éducation à la citoyenneté, objectif crucial du système éducatif dans la période, pourrait donc s’étoffer de cette nouvelle « institution », au sens de la pédagogie institutionnelle, que constitue la DVP, qui contribuerait donc à former un  « citoyen réflexif » 5  : tel est le troisième enjeu.

4 Un enjeu éthique

Il ne peut y avoir de débat sans un certain nombre de règles (ex : on ne parle pas tous en même temps sinon on ne peut physiologiquement s’entendre ; un seul ne monopolise pas la parole sinon il n’y a plusd’échange ; pour que chacun puisse s’exprimer on ne l’interrompt pas quand il parle etc.). Certaines sont d’ordre technique (un seul parle à la fois pour éviter la cacophonie, il parle assez fort pour se faire entendre, sinon on répète ce qu’il dit pour le rendre audible ou on utilise un micro). Beaucoup impliquent une idéologie démocratique (chacun peut et doit demander la parole plutôt qu’il ne la prend, pourassurer un droit égal d’expression, permettre une pluralité des opinions, garantir un point de vue minoritaire dans le groupe?).

  D’autres encore, articulées souvent avec les précédentes, sont d’ordre éthique (ex : on ne se moque pas de celui qui parle) . Nous entendons ici par éthique , dans un contexte scolaire, l’appel à des valeurs hiérarchisées pourinspirer des pratiques qui leur donnent sens afin qu’elles aient une finalité éducative. L’intérêt de la DVP est d’instaurer dans la classe une « éthique discussionnelle ».Cette éthique dépasse une finalité purement démocratique, en ce qu’elle met en jeu un rapport au savoir, et pas seulement au pouvoir (voir les enjeux suivants), et engage un rapport aux personnes, et pas seulement aux opinions.

Respecter un citoyen, c’est respecter un individu qui a des droits (il a le droit de s’exprimer donc il ne faut pas le couper) ; respecter une personne, c’est prendre en compte sa dignité d’être humain. L’attaque ad hominem tente de disqualifier dans un débat les idées de quelqu’un en s’en prenant à sa personne. Elle transforme le conflit socio-cognitif en conflit socio-affectif. Elle est une atteinte à l’intégrité psychiqued’un sujet et détériore le climat collectif d’un groupe : certains participants, sous la peur du jugement négatif d’autrui, vont se taire, des leaders vont s’affronter, l’attitude de recherche va s’estomper dans une logique d’opposition ou l’on perd le sens des problèmes, de l’autoquestionnement, de la perplexité.

La « communauté de recherche » dont parle Lipman ne peut fonctionner en situation éducative qu’entravaillant sur ses émotions personnelles, en ne prenant pas une objection contre son idée pour une attaque contre sa personne, en pouvant être intellectuellement d’accord avec qui nous est antipathique, et en désaccord avec son copain. C’est très difficile de travailler à un niveau cognitif, car toute interaction sociale (sans compter sa propre pensée) est imprégnée d’affect. Une des conditions, avec les enfants et les adolescents,dont la pensée est toujours à fleur de peau ? mais tout formateur sait que c’est important aussi avec des adultes ? est d’instaurer un climat individuel et collectif de confiance , où chacun s’autorise à parler sans se sentir immédiatement jugé sur sa personne. Où le cerveau cortical n’est pas inhibé par le cerveau reptilien qui a besoin de sécurité, et le cerveau limbique qui a besoin de reconnaissance.

Cette exigence de confrontation cognitive sans affrontement passionnel est psychologiquement et psychosociologiquement déterminante au niveau de l’élaboration intellectuelle et de la participation groupale des individus, dont le seuil de tolérance à l’agressivité d’autrui est variable (un timide sera terrorisé et se sentira stigmatisé, alors qu’une « grande gueule » sera dynamisée et confortée dans unrôle viril de leader ? ce sont d’ordinaire plutôt des hommes). Elle nuit quantitativement à la démocratie (le nombre de participants baisse), et qualitativement à l’avancée sur la question posée, parce les idées se rigidifient dans une dynamique d’opposition, n’intègrent plus les nuances, toujours traces de l’altération de ma pensée par autrui et de la complexité des problèmes.

C’est uneéthique discussionnelle qui peut prévenir ces dérives, par le respect de la personne quelles que soient ses  idées. On touche plus ici aux processus qu’aux procédures. On sent bien que demander : « On ne se moque pas » n’est pas du même registre que : « On lève la main pour demander la parole ». Dans une DVP, on « cherche avec », on ne lutte pas contre.

L’autre est moins un adversaire qu’un partenaire, mieux, un coopérateur. C’est pourquoi cette pratique éducative est en rupture avec les pratiques sociales médiatisées du débat (par exemple le débat électoral), qui ne se conçoit que sur le mode du pour et du contre, où le débat est un combat (dans débat il y a « battre », c’est pourquoi je préfère« discussion »), où l’on cherche à convaincre au sens de vaincre, à tuer l’autre, parce que déjà à deux il y en a un de trop !

On le voit, le quatrième enjeu de ces pratiques est de développer en classe la pratique éducative d’une éthique discussionnelle fondée sur le respect d’autrui dans sa personne .  

Ethique qui, en développant le sens del’humanité chez l’enfant, constitue une base du lien social, et partant politique.

5 Un enjeu cognitif, d’ordre réflexif

C’est un point central des activités proposées, puisqu’elles se revendiquent « à visée philosophique ». Leur finalité est d’apprendre aux enfants à « penser par eux-mêmes ». Certains parlent d ?« apprentissage duphilosopher », d’autres, qui trouvent ces activités intéressantes en elles-mêmes, préfèrent l’expression « pensée réflexive », mais récusent le qualificatif de « philosophiques » pour les caractériser. Cette distinction, au c?ur du colloque ainsi qu’en témoigne son titre, doit être problématisée et approfondie. Il y aura facilement accord si l’onaffirme que philosopher implique la mise en oeuvre d’une pensée réflexive, mais l’on objectera que toute pensée réflexive n’est pas forcément philosophique (par exemple une démarche scientifique), a fortiori chez les enfants, dont on peut douter de leur capacité à « philosopher ».

On s’accordera cependant pour dire que philosopher, c’est une rupture avec la caverne de l’opinion, empêtrée dansl’émotion psychologique et le conformisme social de l’environnement familial, des copains ou des médias ; que c’est mettre en question et à la question ses certitudes spontanées, tenter de définir ce dont on parle et de valider rationnellement ses propos ; penser ce que l’on dit, ses présupposés et conséquences, au lieu de se contenter de dire ce que l’on « pense », c’est à dire ce que l’on a dans latête. Les pratiques convoquées essayent dans cette perspective de développer, en partant souvent du questionnement des enfants sur les grandes énigmes humaines, des capacités réflexives.

Nous avons pour notre part dégagé empiriquement dans les années 1990, avec des enseignants de philosophie, et dans un objectif didactique (voir bibliographie), leurs réquisits vis à vis des élèves de terminale, quipourraient témoigner de la trace d’une pensée réflexive. Cette « matrice didactique du philosopher » esquissait une définition à usage didactique, en l’absence d’un consensus philosophique, du philosopher : «Tenter d’articuler, sur des notions et des questions posant problème à la condition humaine, dans l’unité et le mouvement d’une pensée impliquée, des processus de problématisation deces notions et questions ; de conceptualisation de ces notions, à partir notamment de distinctions conceptuelles ; et d’argumentation rationnelle d’objections et de thèses, pour chercher une réponse à ces problèmes ». C’est cette « idée régulatrice » (au sens kantien) du philosopher, qui peut finaliser des pratiques à visée philosophique à l’école primaire et au collège. Etc’est ce que des praticiens tentent d’expérimenter, en testant ce qui est possible lors qu’on tient compte de l’âge des enfants.

Le cinquième enjeu consiste donc à éveiller les élèves à la pensée réflexive, à penser par eux-mêmes pour qu’ils se situent mieux par rapport au monde, à autrui, à eux-mêmes.

6 Un enjeu pour la philosophie elle-même etson enseignement

Ces pratiques posent enfin des questions à la philosophie elle-même, et à sa didactique.

•  Comment penser le rapport de la philosophie à l’enfance et à l’adolescence  ?

L’enfance a-t-elle le droit de philosopher ? Voire le devoir, pour cultiver son humanité (ce pourrait être souhaitable, tout en étant néanmoins impossible). Si elle a ce droit, surquel(s) principe(s) éthique et politique le fonder ? Est-ce un droit de l’homme ? du citoyen Note6 ? de l’enfant (cf Convention internationale des droits de l’enfant Note7 )? Vaut-il mieux parler de « droit à la philosophie » (J. Derrida), ou de «  droit de philosopher  » (G. Berger) ? Dans ce cas une école républicaine n’a-t-elle pas comme mission de permettre l’exercice de fait de ce droit formel ? Ce que n’a pas prévu aujourd’hui en tout cas l’école françaiseinstitutionnellement, mais qui pourrait être le sens de cette innovation, sa philosophie politique.

Ou y a-t-il pour l’enfance un interdit de philosopher (ce pourrait être possible, mais non souhaitable) : comment alors le fonder philosophiquement ?

•  Ces pratiques étant généralement à base de discussions avec des dispositifs qui se veulent « démocratiques », qu’impliquent-ellesde la relation entre démocratie et philosophie  ? Qu’en est-il historiquement et philosophiquement de cette relation ? Apprendre à philosopher peut-il être un garant intellectuel de l’exigence du débat démocratique dans l’espace public ? Apprendre à philosopher le plus tôt possible dans un « espace public scolaire » n’est-il pas alors souhaitable dans une perspective républicained’éducation à la citoyenneté ? N’est-ce pas l’une des voies d’un processus de socialisation démocratique des élèves ?

•  Ces pratiques discussionnelles posent aussi la question   didactique de la place de l’oral (de l’élève) et de la discussion dans l’apprentissage du philosopher à l’école. Peut-on apprendre à philosopher en discutant, et pas seulement par l’écoute d’unmaître, la lecture de textes ou l’écriture de dissertations ? A quelle(s) condition(s) dans ce cas une discussion (de façon générale, et plus particulièrement en classe), peut-elle être ou devenir philosophique ? Et si l’on commence à « philosopher » plus tôt, quelle progression, quel curriculum philosophique, pour développer quelles compétences, selon quelles modalités, et par quelleévaluation (et faut-il d’ailleurs évaluer ?)?

•  A ces questions d’ordre philosophique, éthique, politique, didactique, on peut ajouter une interrogation plus « épistémologique » : un enfant est-il capable de « philosopher » ? Ou est-ce pour lui un impossible  ? Quels sont les apports des sciences biologiques (neurophysiologie du cerveau par exemple) ou des scienceshumaines sur la question (ex : stades du développement de la psychologie piagétienne, zone proximale de développement de Vigotsky, plus généralement psychologie cognitive, de l’apprentissage?) ? Quels sont les positions de la tradition philosophique sur « l’âge du philosopher » Note8 ? Peut-on postuler « l’éducabilité philosophique de l’enfance » au point de vue scientifique, philosophique, didactique ? C’est en tout cas le présupposé de nombre d’enseignants.

Toutes ces questions ramènent inlassablement les praticiens et les philosophes de formation et de métier à la question principielle : qu’est-ce quephilosopher ? Car c’est de cette définition que dépendront en grande partie les réponses.   La « philosophie pour enfants » (M. Lipman) renvoie donc la philosophie à réfléchir son activité réflexive. Ce en quoi la didactique ramène bien à une réflexion sur les « contenus enseignés » ! Si philosopher comme le pense Deleuze c’est« créer du concept », ou élaborer une vision du monde, ou totaliser le réel (Hegel), rien de cette ambition en grande section de maternelle, comme d’ailleurs en terminale, ou dans un café philo, ou même dans une copie d’agrégation (Il est de bon ton de dire qu’Edgar Morin n’est pas lui-même philosophe !). Mais s’il s’agit plus modestement, mais radicalement, d’oser formuler les grandes questions anthropologiques et de s’yconfronter, de se mettre en recherche par rapport à ces énigmes pour chercher des réponses, et de s’y essayer en confrontant ses essais à d’autres humains, alors la question de savoir si les interrogations massives d’un enfant n’inaugure pas un geste philosophique, la question didactique étant alors de savoir comment l’accompagner?

Le sixième enjeu de ces pratiques à visée philosophique (il y en a certainement d’autres !),  c’est d’ interpeller la philosophie dans son rapport à l’enfance et à l’adolescence, et au delà sur ce qu’est le philosopher lui-même.

L’intérêt de la DVP est donc d’articuler par une activité langagière (enjeu 1), un processus de socialisation démocratique (enjeu 3), fondé sur une éthique communicationnelle de la personne (enjeu 4), avec l’apprentissage d’une penséeréflexive (enjeu 5), qui favorise l’élaboration identitaire de sujets en construction (enjeu 2) . Cette pratique interpelle la philosophie elle-même, ainsi que le paradigme classique de son enseignement (enjeu 6).

LA SPECIFICITE DE CES PRATIQUES

C’est bien la visée philosophique de ces pratiques qui fait leur spécificité. Innovation parce que la philosophie n’est au programme qu’en classeterminale de lycée, et que d’en parler dès l’école maternelle est une rupture profonde avec la tradition de l’enseignement philosophique français. Mais innovation particulière, car elle se distingue d’autres types de pratiques :

•  le moment de parole individuelle d’un élève devant ses pairs, sur le mode narratif-descriptif, du type «  Quoi de neuf  ?», dont la préoccupation estdavantage un exercice langagier de prise de parole en public, qu’un échange interactif où est convoquée, sur un objet conceptuel commun, la pensée de chacun, et non le récit de son vécu;

•    le débat argumentatif en français , parce qu’il ne s’agit pas seulement de défendre des positions pour et contre, « socialement partageables », de développer des compétencesrhétoriques en référence à des pratiques sociales de la langue (ce que G. Molière dans son DEA à Lyon II appelle « largumentation commune ») ; mais d’interroger et de se questionner sur des enjeux existentiels où l’on parle « pour de vrai »;

•  le débat d’interprétation en français, parce qu’il s’agit moins, au delà de lacompréhension d’un texte de littérature de jeunesse, de donner une interprétation à ce qui « résiste » dans le récit, que d’aborder les questions « universelles » abordées dans et par le texte : par exemple non plus en se demandant si Yacouba n’est pas un vrai guerrier parce qu’il refuse de tuer sans mérite un lion blessé, ou un pacifiste parce qu’il rompt le cycle de laviolence ; mais quel est le sens de la guerre et de la paix pour l’humanité, ou s’il y a des guerres justes?

•    le débat scientifique , même si on démarre de la même façon par une énigme, car on ne conclut pas la séquence par une « vérité » provisoirement admise dans la communauté scientifique, qui met tout le monde d’accord à partir d’uneadministration de la preuve (observation, expérience etc ;) ; chacun construit sa propre pensée, en tentant d’intégrer « la part de vérité » de l’autre dans son propre discours ;

•    le débat démocratique du « conseil coopératif », où l’on discute pour prendre des décisions collectives dans une perspective d’éducationcitoyenne ; parce que l’on vise non un vote sondage pour voir ce que pense la majorité, ou une décision qui déciderait de la « vérité des plus nombreux », mais un approfondissement de sa pensée dans et par l’échange ;

•    une séance de régulation psychosociologique en « heure de vie de classe », où l’on exprime des rancoeurs oudes malaises pour régler un conflit ou un problème de fonctionnement, car il s’agit moins d’une expression affective, interpersonnelle ou groupale, de type cathartique, que d’une élaboration cognitive par rapport à une interrogation intellectuelle dans une communauté de recherche.

Instituer la classe en « communauté de recherche » où tous se saisissent d’un problème crucial pour notre condition afin de« penser ensemble séparément », et de « vivre ensemble en réfléchissant » ne va pas de soi.

•  parce que du côté de l’élève l’on est dans un cadre scolaire, normé doublement par l’enseignant et le groupe de pairs, où s’autoriser à dire et à penser n’ est pas spontané, tiraillé entre le phantasme d’être dans le désir dumaître par la bonne réponse, et la peur de fayoter auprès de ses camarades ;

•  parce qu’il est périlleux de risquer sa « face » (Goffman) en dévoilant le « privé » de sa pensée intérieure (traduire prendre la parole en public), qui peut être critiquée, atteignant ma personne ;

•  parce qu’il est ardu de discuter à plusieurs,emporté par les affects de l’interaction sociale verbale, où l’on a tendance à se couper sans écouter, à vouloir avoir raison (de l’autre) ;

•  parce qu’il est difficile de douter de ses certitudes, de se mettre dans une attitude de recherche au lieu d’affirmation et d’opposition, de sortir du cadre égocentrique et limité de sa pensée, d’accepter des objections, de les intégrer de façon constructivepour nuancer sa pensée.

Le rôle du maître

Et le rôle du maître devient plus complexe.

•  Il est peu conforme à l’image d’une compétence fondée sur le savoir que d’avouer publiquement en classe que l’on ne comprend pas grand chose aux mystère de l’existence, du sens de la vie, de la mort, de l’amour? Et de se mettre en retrait sur le contenu des questions poséespar les élèves eux-mêmes, quand sa mission est d’apporter des connaissances, d’avoir l’initiative des questions et de répondre aux questions des élèves au moment qu’on décide, d’interroger ceux-ci pour vérifier s’ils savent?

•  Comme il est peu habituel, dans les habitus dominants de la profession, de se dessaisir du pouvoir magistral de sa parole et de sa fonction pour déléguer auxélèves des rôles de répartiteur de parole et de mémoire des idées.

On trouve cependant fréquemment de telles attitudes dans les pratiques de DVP. Car c’est cette recomposition du rôle du maître quand à son rapport au savoir et au pouvoir qui va développer chez les élèves une démarche de recherche responsable. La  culture de la question  et un  rapport non dogmatiqueau savoir, conditions de possibilité de l’apprentissage du philosopher, deviennent possibles quand le maître diffère son point de vue ou s’abstient de le donner : on arrête toujours de chercher quand le maître donne une réponse, et on ne peut commencer à penser par soi-même que lorsqu’on n’anticipe plus comme réponse celle que le maître attend, quand on ne peut se placer dans son désir ou faire alliance avec lui.C’est dans le vide de la réponse du maître ignorant des solutions existentielles que l’enfant s’autorise à chercher sa propre réponse. Mais non une réponse relative à chacun, puisque dans le travail en groupe, le droit démocratique d’expression a pour contrepartie philosophique le devoir rationnel d’argumentation. On échappe donc au relativisme.

Toute la question didactique est donc de savoir comment accompagner dans une classe desquestions fondamentales d’enfants pour que travaille une pensée réflexive en chacun. La diversité constatée des pratiques révèlent ici des différences qui impliquent peut-être des divergences : depuis le retrait total du maître d’A. Pautard dans l’atelier philo de l’Agsas dans les dix premières minutes, présente mais muette, ou l’attitude de J.F. Chazerans qui vise à la « disparitionprogrammée » de l’intervenant, jusqu’à la maiëutique très cadrée de O. Brénifier Note9 , qui prend un élève puis un autre en dialogue serré, ou fait interagir deux élèves en restant le tiers de l’interrogation, ou« l’entretien philosophique de groupe » d’A. Lalanne, qui sans apporter de solution guide la progression collective, en passant par la répartition démocratique de rôles entre élèves chez A. Delsol ou S. Connac avec phases métacognitives sur le débat, il y a un large éventail !

Un repère pour les élèves et l’enseignant me semble la mise en oeuvre de processus de problématisationoù l’on (s’) interroge, de conceptualisation où l’on précise le sens des mots et des notions pour cerner un objet commun de pensée, et de raisonnements pour savoir si ce que l’on dit est « vraiment vrai ». Mais comment s’assurer de ces moments « problématisants, conceptualisants et argumentatifs » ?

C’est là où le rôle du maître va être déterminant. Car J.Lévine pense que c’est le retrait total du maître qui permet à l’enfant d’entrer dans un processus où il s’autorise à penser par lui-même, quand A. Lalanne Note10 affirme que seule la guidance du maître, par sa vigilance intellectuelle, peut amenerl’élève à initier une démarche philosophique, qui n?est rien moins que spontanée?Je mène actuellement une recherche à partir d’une quarantaine de textes produits par des acteurs (enseignants et formateurs) de ces pratiques, pour déterminer ce qui, dans les représentations et les actes du maître, semble le socle commun à son rôle dans cette innovation (par exemple le postulat de« l’éducabilité philosophique de l’enfance », ou le retrait du maître sur une réponse immédiate aux questions existentielles posées par les élèves ). Et quel est le sens des différences constatées : en quoi ces variations ne sont-elles que des nuances de conceptions ou de modalités, ou en quoi reflètent-elles de vraies divergences au point de vue des finalitéspoursuivies, des dispositifs choisis, du type et du degré d’exigence visés etc. ?

Entrer dans ces pratiques par (ou mettre la dominante sur) l’activité langagière (J. Caillier en tant que didacticien du français), la construction identitaire (J. Lévine en tant que psychanalyste), l’éducation à la civilité et à la citoyenneté (S. Connac en tant que pédagogue institutionnel), ou l’apprentissage duphilosopher (A. Lalanne) par exemple ne produit pas les mêmes effets pédagogiques. Tenter d’articuler entre elles telle ou telle de ces finalités (démocratie et philosophie chez Tozzi, production langagière et rôles attribués chez A. Delsol), ou considérer que certaines ne sont pas visées par l’atelier philo (A. Lalanne pour laquelle il y a d’autres moments spécifiques pour l’éducation civique, J. Lévine pourlequel le moment philo ne vise pas une méthodologie de la pensée comme chez Lipman, ou un débat régi par des règles explicites comme dans la pédagogie institutionnelle), oriente différemment les pratiques.

Et c’est pourquoi l’on constate par exemple un degré de guidage du maître sensiblement différent : de l’absence totale d’intervention dans l’atelier Agsas, qui n’exclut pas cependant un cadre, auguidage hyperdirectif d’O. Brenifier. Et des dispositifs très différents : le pur échange informel sur une question entre pairs de l’Agsas (« débat implicite » selon J. Lévine),

l’entretien guidé d’A. Lalanne,  la « discussion démocratique à visée philosophique » de S. Connac comme nouvelle « institution » de la pédagogieinstitutionnelle, le débat en grande section de maternelle d’A. Delsol (avec « chef de la parole », reformulateur, responsable du micro, et dessinateur sur les échanges), la lecture d’un « roman philosophique » de Lipman avec cueillette des questions, vote et débat sur celle retenue par les enfants etc.

Un nouveau paradigme organisateur de l’apprentissage du philosopher ?

Mais qu’elles quesoient les formes que prend cette innovation, celle-ci se démarque du paradigme de l’enseignement philosophique des classes terminales. La « matrice didactique » (M. Develay) de celui-ci est problématisante (notions et oeuvres d’auteurs du programme doivent tourner autour de problèmes ), visant à développer chez l’apprenti-philosophe le ? penser par soi-même ?. Elle s’oppose ainsià un paradigme historique  : les professeurs ? d’histoire et philosophie ? italiens enseignent de la seconde à la terminale l’ histoire des idées , le patrimoine philosophique occidental. Mais aussi à un paradigme doctrinal , qui enseignerait une philosophie comme idéologie officielle (Le thomisme au Moyen-Age, où la philosophie est? servante ? de la théologie, ou en Espagne sous Franco ; le marxisme-léninisme-stalinisme dans les pays communistes d’avant 1989). Et enfin au paradigme praxéologique du cours de morale non confessionnelle belge, où il s’agit, dans une démarche de clarification et de hiérarchisation des valeurs, de décider pour l’action et de s’engager éthiquement dans sa vie.

Ce paradigmefrançais est structuré sur trois principes fondateurs : la leçon du professeur comme oeuvre, car celui-ci se définit comme philosophe avant d’être enseignant ou fonctionnaire ; les grands textes de la tradition comme exemples et modèles d’une pensée philosophique en acte, dont il faut s’imprégner de la démarche réflexive et de la profondeur doctrinale ; la dissertation comme exercice par excellence de l’apprentissage du philosopher, ? patrimoine incontournable de l’enseignement philosophique ?. Note11

Son discours dominant affirme vigoureusement :

•  une conception plus républicaine quedémocratique de la cité et de l’école (? Philosophie, école, République, même combat ?) ; une finalité du système éducatif dans un versus plus instruction qu’éducation ; un contenu essentiellement théorique et de haut niveau de la formation professionnelle (? L’agrégation est l’horizon incontournable de tout professeur de philosophie ?).

• la valeur formatrice du cours magistral (? Il suffit que la pensée apparaisse pour faire penser ?, Muglioni, ancien doyen de l’Inspection générale) ; le rôle central en classe du magister (opposé au dominus), maître à penser dont les élèves, selon la tradition, pourraient être les disciples.

•  un anti-pédagogisme  : le pédagogue quiaccompagnait seulement dans l’Antiquité l’élève à l’école aurait mieux fait de ne pas y rentrer, sa démagogie abaissant le niveau alors que c’est à l’élève de s’élever vers le maître.

•  un refus de didactiser la discipline (? La philosophie est à elle-même sa propre pédagogie ?), ou du moins de fonder cette didactisation autrement que parl’autoréférence, par exemple à partir de l’apport extérieur des sciences humaines (exemple : psychologie de l’apprentissage) et notamment des sciences de l’éducation (exemple : approche par la définition de compétences à acquérir).

•  un primat de l’écrit sur l’oral, relégué dans l’examen à l’épreuve de rattrapage, récusé dans son? insoutenable légèreté ?, qui assimile toute discussion au café du commerce, à la caverne des opinions. Note12

Or le développement de nouvelles pratiques « philosophiques » à l’école primaire et aucollège implique d’autres présupposés et conséquences. A tel point que G. Auguet soutient dans sa thèse que ces « discussions à visée philosophique » témoigneraient d’un nouveau ? genre scolaire ? (« genre » – second- au sens de Bakthine, et « genre scolaire » au sens de Schneuwly), en train d’émerger, au même titre que l’écolefrançaise a inventé la dissertation Note13.

Il interroge le trépied canonique du paradigme classique, plus radicalement encore que dans l’expérimentation de la philosophie en lycée professsionnel actuellement menée dans les académies deNantes, Montpellier, Reims et Nice Note14 . Car :

1) Il y a une émergence de la discussion comme activité privilégiée par rapport à l’écrit. On ne parle plus de dissertation. D’ailleurs les élèves ne savent pasécrire en maternelle et très peu en CP, font de courtes phrases en CE1, et de petits textes au cycle 3. L’impossibilité ou le faible développement des capacités scripturales laisse un espace à l’oral, dont la discussion révèle les potentialités pour apprendre à philosopher. Loin d’être considérée structurellement comme doxologique, celle-ci devient la voie royale de cet apprentissage, un identifiant dunouveau paradigme en gestation. Non qu’elle soit la tâche exclusive proposée : on peut articuler cet oral à l’écrit dès qu’il devient possible, avant (sur un cahier), pendant (en utilisant le tableau) ou après l’échange verbal. Elle peut aussi être précédée de formes diversifiées d’émergence des représentations (ex : photolangage, métaphores et allégories, mots clefs, Q-sort?) Note15. Mais elle est centrale dans les pratiques développées.

2) On constate un retrait sensible du maître sur les contenus.

C’est le contraire de la leçon du magister, centré sur sonrapport au savoir philosophique : les élèves discutent exclusivement entre eux dans le protocole Pautard-Lévine. Les interactions entre pairs l’emportent quantitativement sur celles avec le maître dans le courant de la pédagogie institutionnelle. Et même dans des formes plus directives (O. Brénifier ou A. Lalanne),   le maître questionne ou récapitule plus qu’il ne fait des apports, et ne donne jamais son point de vue. M.Tozzi intervient sur les processus de pensée comme exigences intellectuelles (problématiser, conceptualiser, argumenter), mais pas directement sur les idées elles-mêmes.

3) L’étude de textes n’est plus incontournable.

Non seulement parce que les élèves ne savent pas lire en maternelle, ou déchiffrent en cycle 2 (on peut toujours leur lire les textes), mais parce qu’on peut partir pourréfléchir de situations de classe, de récréation, de quartier, de famille ou de société qui posent problème, et pas forcément de textes, mais toujours de questions, et en particulier de questions que (se) posent (à) eux-mêmes les enfants. Dans la méthode Lipman, on part de romans philosophiques parce qu’ils ont été conçus ad hoc à partir des grandes problèmatiques de l’histoire de laphilosophie (sans d’ailleurs qu’on cite jamais un philosophe ou une doctrine), afin que les enfants s’en emparent par identification aus personnages, la discussion commencera à partir d’une question soulevée par le texte mais choisie par les élèves, après un vote à la majorité. Idem pour les «  goûters-philo » de Milan, ou pour les nombreux ouvrages puisés dans la littérature de jeunesse,à forte teneur anthropologique aujourd’hui : ce sont des supports, des pré-textes à se questionner pour débattre. Alors que dans le paradigme classique, les textes patrimoniaux valent par eux-mêmes, comme exemples et modèles de pensée et de doctrine, ici les textes ne sont pas nécessaires, et quand on les utilise, c’est pour apprendre aux élèves à se poser des questions et en discuter.

La leçon, legrand texte philosophique, la dissertation ne sont pas adaptés pour des enfants. Les praticiens ont donc d’eux-mêmes expérimenté de nouvelles pratiques qui leur semblaient propres à les faire penser. Comme la philosophie n’était pas au programme, qu’ils n’étaient pas normés dans leur activité libre et volontaire, ni tenus   par des instructions, des évaluations et des notations (comme l’enseignant de terminale), ils ontinnové, instituant des pratiques inédites.

Il est compréhensible corporativement, et légitime philosophiquement, que l’institution philosophique s’interroge sur la prétention de ces pratiques à se nommer ? philosophiques ?, et ce d’autant qu’elles dérogent radicalement du paradigme classique de l’enseignement philosophique français. Ne galvaude-t-on pas ainsi une discipline, en appelant philosophie ce qui n’estpeut-être qu’exercices langagiers, apprentissage du débat ou éducation à la citoyenneté ? Ne la rabat-on pas sur l’opinion quelle cherche à dépasser ? Même en concédant au mieux l’intérêt d’éveiller chez l’enfant une pensée réflexive, n’est-ce-pas abusif de parler à ce propos de ? philosophie ? ?

Evidemment, si l’on affirme a priori, sans analyse rigoureuseet honnête des pratiques en question, que les enfants ne peuvent de fait philosopher, et que de surcroît ils n’ont même pas le droit de revendiquer cette démarche, l’affaire est entendue. Mais si derechef, comme l’affirment certains philosophes, comme le constatent de nombreux praticiens, comme tentent de le confirmer les recherches actuelles en didactique de la philosophie, il s’agissait là, malgré les faiblesses d’inévitables tâtonnements,d’une mise en démarche philosophique, alors il faudrait prendre au sérieux l’émergence de ce nouveau paradigme, voire interpeller le paradigme actuel.

Car le paradigme émergeant repositionne la façon dont l’élève élabore un rapport non dogmatique au savoir par la culture de la question plutôt que de la réponse, et un rapport plus coopératif à la loi par la reconnaissance de règlesnécessaires aux échanges. Il reconfigure le rôle de la parole et du pouvoir du maître dans sa classe, moins prégnant. Il promeut le concept et la pratique de ? communauté de recherche ?, où maître et élèves co-construisent ensemble des questionnements et tentatives de réponses. Il met en avant une conception du philosopher comme démarche problématisante, conceptualisante etargumentative, plus proche du doute socratique ou cartésien, de l’étonnement aristotélicien, que de la philosophie comme ? création de concepts ? (Deleuze) ou sagesse de vie.

Sur les finalités de l’enseignement philosophique français, il est en total accord et continuité : apprendre aux élèves à ? penser par eux-mêmes ?. Mais il diverge sur lesmodalités . Pas seulement à cause de l’âge des enfants, auxquels on ne saurait imposer leçon magistrale, grands textes et dissertation. Mais plus profondément parce qu’il revisite le paradigme classique.

Dire qu’il s’agit de pratiques à visée philosophique suscite immédiatement le débat, compte tenu de la représentation de la philosophie et de l’enseignementphilosophique que l’on se fait en France traditionnellement. ? A visée philosophique ? signifie qu’elles ne sont pas philosophiques de fait , parce qu’on l’a décrété, ou que l’on nomme telles ces pratiques. Mais qu’elles peuvent l’être, à titre heuristique, d’ ? idée régulatrice ? disait Kant, comme intentionnalité qui finalise l’action à partir derepères structurants des processus intellectuels de pensée, sur lesquels peut s’exercer une vigilance.

CONCLUSION

Nous sommes en mars 2003 dans l’ instituant , et non l’institué. Il peut donc y avoir, à travers les tâtonnements du terrain, bien des dérives : par exemple prendre la parole narrative d’un ? quoi de neuf ?, ou les fonctions régulatrice etdécisionnelle d’un ? conseil ? comme une activité de fait réflexive ; confondre parler et penser, démocratie et philosophie ; instrumenter la philosophie en utilisant la question existentielle comme simple moyen d’intéresser l’élève en difficulté, ou en bénéficiant de l’effet de calme souvent produit par un échange à forte teneur anthropologique pour prévenir les incivilitéset pacifier les banlieues sensibles…

La démarche du philosopher est donc à instituer dans une classe par rapport à sa spécificité : l’apprentissage du « penser par soi-même », l’autonomie de l’exercice du libre jugement critique afin de clarifier le sens de son rapport au monde, à autrui, à soi-même. D’où l’intérêt d’une formation spécifique, tant initiale que continue,pour les enseignants qui se lancent dans une telle entreprise Note16.

Maintenir les mots philosophie et philosopher comme enjeu du débat public et universitaire sur ces pratiques a un double sens : montrer d’une part la portée d’une telle activité éducative dansle système éducatif et dans un régime démocratique ; et d’autre part réinterroger philosophiquement la démarche du philosopher, et la didactique de son apprentissage . Cela pourrait même contribuer à faire évoluer les représentations de la philosophie en France. Rendez-vous dans dix ans !

Par Michel Tozzi, professeur des universités à Montpellier 3,
directeur du Cerfee-Irsa

Annexe sur « l’Âge du philosopher »

? L’âge du philosopher ? a toujours fait problème dans l’histoire de la philosophie : Calliclès Note17, Epicure Note18, Montaigne Note19, Jaspers Note20, aujourd’hui M. Lipman Note21, M. Onfray Note22 et Luc Ferry Note23 d’un côté, de l’autre Platon, Descartes Note24, Kant Note25, Hegel Note26. S’opposent ainsi les philosophes qui pensent qu’il est possible et souhaitable que les enfants commencent à réfléchir le plus tôt possible, àceux qui proclament que philosopher c’est sortir de l’enfance, lieu et moment constitutifs de l’opinion, du préjugé et de l’erreur.

BREVE BIBLIOGRAPHIE

(On trouvera une bibliographie détaillée sur le site   www.philotozzi.com )

- Vers une didactique de l’apprentissage du philosopher , doctorat, Lyon II, 1992.

-Tozziet al, Apprendre à philosopher dans les lycées d’aujourd’hui , Hachette-CRDP de Montpellier, 1992.

-? Contribution à l’élaboration d ’une didactique de l ’apprentissage du philosopher ?, Revue Française de Pédagogie , avril-mai-juin 1993.

-Tozzi et al, Etude philosophique d’une notion, d’un texte , CRDP de Montpellier, 1993.

- Penser par soi même, initiation àla philosophie , Chronique Sociale, Lyon, EVO, Bruxelles, 1994.

-Tozzi et al, Lecture et écriture du texte argumentatif en français et en philosophie , CRDP de Montpellier,1995.

-? De la philosophie à son enseignement : le sens d’une didactisation ?,     Savoirs scolaires et didactiques des disciplines (coord. Develay M.), ESF,1995.

-? Peut-on didactiser l’enseignement philosophique? ?,L’enseignement philosophique , déc.1995.

- Eléments pour une didactique de l’apprentissage du philosopher , Thèse d’habilitation à diriger des recherches, Lyon II, 1998.

-Tozzi et al, L’oral argumentatif en philosophie, CRDP Montpellier, 1999.

-? Philosopher à l’école élémentaire ?, Pratiques de la philosophie n°6, GFEN, juillet 1999 .

-Tozziet al, Diversifier les formes d’écriture philosophique , CRDP Montpellier, 2000.

-Tozzi et al, L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, CRDP Montpellier-CNDP-Hachette , 2001.

- Tozzi et al, Discuter philosophiquement à l’école primaire. Pratiques, formations, recherches, CRDP Montpellier, 2002.

- Tozzi et al, Nouvelles pratiques philosophiques enclasse, enjeux et démarches, CNDP-CRDP de Bretagne, 2002.

- Tozzi et al, Les activités à visée philosophique en classe : l’émergence d’un genre ? , CNDP-CRDP de Bretagne, 2003.

- Coordination de tous les numéros de la Revue Diotime L’Agora , publiée par le CRDP de Montpellier depuis mars 1999, à raison de quatre numéros par an, comprenant de nombreux articles sur lespratiques philosophiques à l’école primaire, au collège, en terminale, dans la cité (cafés-philo, atelier d’écriture philosophique).


Notes
(Cliquez sur les pour revenir au texte)

1 – L’éveil de la pensée philosophique à l’école primaire, Cndp-Crdp Languedoc-Roussillon-Hachette, 2001 .

    La discussion philosophique à l’école primaire, Crdp Languedoc-Roussillon, 2002.

    Nouvelles pratiques philosophiques : enjeux et démarches, Crdp Bretagne, 2002.

   Les activités à visée philosophique en classe : l’émergence d’un nouveau genre ?, Crdp Bretagne, 2003.

    Diotime L’Agora n°9, 10, 12, 17, Crdp Languedoc-Roussillon.

2 – Voir le site de l’AGSAS : www.marelle.org/users/philo.

3 – Faire de la philosophie à l’école primaire, ESF, 2002.

4 – Ex : WWW .pratiques-philosophiques.net

5 – L’objet de la thèse en cours de S. Connac (Montpellier 3), est de montrer que la pédagogie institutionnelle est un cadre facilitant la mise en place d’une DVP dans une classe, et qu’inversement la DVP est une nouvelle « institution » qui enrichit historiquement cette pédagogie.

6 – Voir la thèse de J.C. Pettier sur cette question : La philosophie en éducation adaptée : obligation ou nécessité ? , Strasbourg 2, 2000.

7 – On y précise dans un article que « les enfants doivent être capable de bien penser et de s’exprimer clairement ».

8 – Voir quelques éléments en annexe.

9 – Cf Enseigner par le débat, CRDP de Bretagne, 2002.

10 – Voir son ouvrage Faire de la   philosophie à l’école élémentaire, préface de L. Dagognet,ESF, 2002.

11 – Programme de philosophie (par le Groupe Technique disciplinaire Renaut), arrêté du 31 mai 2001.

12 – ? On ne sedéfiera pas moins de la pratique du débat impromptu, voué fatalement à se transformer très vite en divertissement improductif, exutoire fourre-tout pour autant d’?avis ? en mal de reconnaissance dont, si l’intolérance ou la moquerie ne viennent pas s’en mêler, on ne peut attendre de toute manière qu’une joyeuse et informelle agitation, démagogiquement parée du titre fallacieux de ? cours vivant ? danslequel les élèves ? participent avec enthousiasme ? ( Enseigner la philosophie , Mafpen de Montpellier, 1995).

13 – Voir ici les travaux des historiens des disciplines scolaires (par exemple A. Chervel), et en particulier pour la philosophie ceux de B. Poucet ( De l’enseignement de laphilosophie, C. Bénard philosophe et pédagogue , Paris, Hatier, 1999), ou de P.H. Tavoillot ( « L’invention de la classe de philosophie », in Philosopher à 18 ans, op. cit.).

14 – Voir l’importance donnée à l’oral dans le rapport de l’Inspectiongénérale sur la question. Consulter les Actes du colloque : enseigner la philosophie au lycée professionnel (mai 2001), ou de l’Université d’été d’août 2002 au Crdp de Champagne-Ardennes. Ou mon article dans Diotime l’Agora n°18 de juin 2003.

15 -Voir les approches que je propose dans Etude d’une notion, d’un texte, Crdp Languedoc-Roussillon, 1993, ou Penser par soi-même, Chronique sociale, Lyon, 5 ème édition 2002.

16 – Nous ne partons pas de rien. Il y a toute la tradition de la formation philosophique donnée par lesprofesseurs de philosophie des ex-écoles normales, et la formation spécifique déjà donnée dans certains Iufm autour de M. Bailleul à Caen , E. Auriac-Peyronnet à Clermont-Ferrand, A. Lalanne et M. Tozzi à Montpellier, F. Galichet à Stasbourg, J.C. Pettier et A. Perrin à Créteil, N. Bliez et S. Solère-Queval à Lille, E. Chirouter et J.M. Lamarre à Nantes, A. Trouvé et N. Lamm àRouen, D. Senore à Lyon etc.

17 – Calliclès le sophiste soutient qu’il n’est jamais trop tôt pour commencer à philosopher, alors que pour Platon via Socrate, on ne peut vraiment philosopher que tard pour l’époque (Par exemple République 7, 540a) : ? Quandils finiront leur trentième année, tu les tireras du nombre des jeunes gens déjà choisis pour?rechercher, en les éprouvant par la dialectique, quels sont ceux qui, sans l’aide des yeux ou d’aucun autre sens, peuvent s’élever jusqu’à l’être même par la seule force de la vérité ?.

18 – ? Dans sa jeunesse, que personne n’hésite à s’engager en philosophie?car personne ne peut s’engager trop tôt ou trop tard dans l’activité que procure la santé de l’âme?L’activité philosophique s’impose à celui qui est jeune comme à celui qui est vieux. ( Lettre à Ménécée , 10, 122).

19 – ? La philosophie?on a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants?Puisque la philosophie est celle qui nous instruit à vivre, et que l’enfance y a sa leçon, comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique-t-on pas ? ?Un enfant en est capable, au partir de sa nourrice, beaucoup mieux qued’apprendre à lire ou à écrire ? ( Essais, I, chap. 26).

20 – Introduction à la philosophie. ?  Un signe admirable du fait que l’homme trouve en soi la source de la réflexion philosophique, ce sont les questions des enfants. On entend souvent,de leur bouche, des paroles dont le sens plonge directement dans les profondeurs philosophiques?ils ont souvent une sorte de génie qui se perd lorsqu’ils deviennent adultes?. Grothuisen affirme d’ailleurs que ? la métaphysique est la réponse aux questions des enfants ?. Et J.F. Lyotard, dans Le postmoderne expliqué aux enfants appelle à ? renouer avec cette saison d’enfance, qui est celle des possibles de l’esprit ?(Plon, 1969, p.9).

21 – A l’école de la pensée , De Boeck, Bruxelles, 1995.

22 – ? Je croisnécessaire d’envisager un enseignement de la philosophie dès le primaire ?, Libération du 18/06/2001.

23 – ? Je me demande parfois s’il ne faudrait pas, dès l’école primaire, enseigner en tant que tel l’art de l’argumentation ? ( Philosopherà 18 ans , p. 14). A. Comte Sponville déclare de son côté : « Ces enfants qui font des mathématiques, de la physique, du solfège, pourquoi seraient-ils interdits de philosophie ? » ( Pensées sur la sagesse, carnet de philosophie, A. Michel, 2000 p. 9) ; et il écrit chez T. Magnier un petit opuscule pour enfants : Pourquoi une chose plutôt que rien ?

24 – ? Nous avons été enfant avant que d’être homme ?. Pour Descartes l’enfance est le temps et le lieu de l’erreur et du préjugé (? ?dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables?) et il fautdonc atteindre la maturité pour être capable de philosopher (? ?j’ai attendu que j’eusse atteint un âge qui fut si mûr? Méditations métaphysiques, 1).

25 – Kant rappelle, dans la première préface de la Critique de la raison pure, queson travail de philosophe ne « pouvait en aucune façon être mis à la portée du public ordinaire » (p. 9, PUF, 1963).

26 – Pour Hegel, cela n’a aucun sens d’apprendre à philosopher sans « apprendre la philosophie », entendez   lesdoctrines des philosophes.


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