Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

L’école et le rapport à la loi

Le rapport difficile des élèves à la loi nous semble aujourd’hui passer non par le retour incantatoire, inefficace et même dangereux à l’autoritarisme d’antan, mais par une reconfiguration aujourd’hui nécessaire de l’autorité éducative, que nous qualifierons de « participative », cohérente avec les aspirations d’une société démocratique,. Celle-ci…

doit selon nous trouver son fondement dans le développement de pédagogies coopératives, articulant pour les élèves un cadre structurant non négociable avec une co construction des règles de classe et d’école. Il est aussi nécessaire d’articuler ce rapport plus coopératif à la loi à un rapport au savoir plus signifiant, non dogmatique, impliquant les élèves dans les questions qu’ilsse posent. La discussion organisée est une des voies de cette articulation, car elle développe d’une part des compétences sociales, citoyennes, et une éthique communicationnelle ; d’autre part un accès aux apprentissages disciplinaires par l’instauration de conflits socio cognitifs en communauté de recherche.

Je me placerai successivement du point de vue des sciences de l’éducation et dela pédagogie.

I) LES APPORTS DES SCIENCES DE L’EDUCATION

Les sciences de l’éducation ont pour objet d’étude l’éducation, qu’elles essayent d’éclairer par une approche multiréférencée puisée à la philosophie, les sciences humaines, la biologie…L’école et ses acteurs est un domaine essentiel dans le champ del’éducation. Ses missions fondamentales sont de faire acquérir savoirs et compétences, de favoriser le développement des élèves, et de préparer à l’insertion sociale (socialisation) et professionnelle.

Après la famille, cette fonction de socialisation, dite secondaire, de l’école est fondamentale. Elle vise à poursuivre l’éducation au vivreensemble, par la civilité du lien social et la citoyenneté du lien polititique (socialisation démocratique dans nos pays). La socialisation est le processus par lequel un individu devient un « être social », c’est-à-dire peut s’insérer dans un groupe, un collectif, une société (Ce processus étant conçu comme allant de l’individu vers la société, comme chez Durkheim, ou aucontraire passant par la personnalisation d’un individu émergeant d’une indifférenciation originaire, comme chez Freud ou Wallon). Pour s’intégrer, celui-ci intériorise des normes collectives, acquiert des habitus, adopte des coutumes, respecte des lois. La socialisation démocratique construit un type de lien social fondé sur des principes d’égalité, de respect d’autrui, de sa liberté et de sesopinions, un sentiment d’appartenance à une société fondée sur la participation, co-construite par ses membres.

L’école doit y préparer, en la faisant déjà expérimenter. Mais elle rencontre présentement des difficultés dans cette tâche. Les sciences de l’éducation tentent d’analyser cette crise scolaire du rapport à la loi.

A) Approche psychologique

1) Psychanalyse

La loi, pour la psychanalyse c’est la condition d’émergence du sujet, en ce qu’elle inscrit dans l’ordre symbolique, c’est-à-dire borne la toute puissance de notre désir, rendant possible par le refoulement de nos pulsions notre socialisation, notre civilité, la civilisation. C’est la fonction symbolique du père de nousséparer de la fusion d’avec la mère, coupure qui permet à la fois de nous inscrire dans une filiation et de nous tourner vers les autres.

Or des tendances sociétales lourdes parasitent ce pouvoir symbolique du père instituant : l’idéal démocratique républicain a détruit politiquement le mythe du roi de droit divin père du royaume, en faisant des citoyens des frèresémancipés ; la philosophie des Lumières de la Raison, la « mort de Dieu » des philosophes du soupçon (Nietzsche, Marx, Freud), le positivisme scientifique et le matérialisme du marché ont sécularisé la société, sapé la transcendance divine du « père tout puissant » ; l’émancipation féminine a dénoncé le machisme del’homme et son monopole d’autorité parentale ; la télévision, la maîtrise précoce des nouvelles technologies et internet concurrencent l’ancien monopole éducatif de la famille ; les droits de l’enfant bordent tout abus de pouvoir familial, désormais irrigué par le style éducatif « discussionnel » ; l’idéologie jeuniste (« plus jeune que moi tu nemourras jamais »), l’individualisme contemporain (« c’est ma vie, c’est mon choix ») et le « déclin de l’institution » (F. Dubet ») anachronisent la figure paternelle du pouvoir. Certains parlent alors de crise du symbolique dans notre société : perte de sens par crise du « re-père », décrédibilisant lalégitimité de la loi, comme instance antérieure, extérieure et supérieure à l’individu, qui forçait au respect, par admiration et/ou par peur…

Quelles retombées sur l’école ? Le maître apparaissait comme la figure scolaire du pouvoir, la continuation du père, parfois son substitut, dans une autre institution qui passait le relais pour une socialisationplus large. Son autorité était assise sur son pouvoir d’adulte, et sur son savoir, spécificité de l’école, fonction d’enseignant socialement déléguée pour instituer l’enfant en élève au sein d’une communauté scolaire, interface transitionnelle entre la famille et la société.

Avec la crise sociétale du père, c’estla figure paternelle du maître (comme ailleurs celle du législateur, du juge, du policier, du pompier…), qui est ébranlée : dans son pouvoir instituant de séparateur de la famille ; de modèle adulte d’identification ; d’instructeur en culture et citoyenneté ; de représentant de la loi (au sens psychanalytique mais aussi juridique) dans l’institution école ; etmême de détenteur du savoir (dont l’obsolescence est de plus en plus rapide).

2) Psychologie de l’apprentissage

Apprendre dit Freud, c’est investir sa pulsion sur un objet de savoir. Investissement souvent renforcé par un transfert positif sur le maître, et entravé si le transfert est négatif. Ce sont les modalités de ce transfert qui seraientaujourd’hui remaniées avec la crise du père (-maître), et la forte féminisation du primaire et du collège…

Autre élément reconfigurant le type de pouvoir du maître et sa place dans l’enseignement : la montée du modèle socio-constructiviste de l’apprentissage. Le modèle transmisssif, expositif de connaissances à écouter-retenir-restituer aprogressivement cédé la place, malgré les incantations actuelles à un « retour au savoir et à l’autorité », à un modèle où l’apprenant est au centre du processus d’apprentissage, développe des compétences et construit lui-même son savoir avec d’autant plus d’efficacité qu’il confronte à d’autres ses représentationspremières. Le maître est alors engagé dans un processus de co-activité avec les élèves, d’interactions où il favorise leur co-construction du savoir. Son travail ne réside plus dans sa seule relation à un savoir qu’il clarifie et simplifie pour le transmettre, mais dans la prise en compte de la façon dont les élèves peuvent se l’approprier, par des situations et des dispositifs oùl’on tient compte du profil des apprenants, individualise les parcours, provoque des conflits sociocognitifs entre pairs, introduisant ainsi un processus analogiquement démocratique au cœur de l’apprentissage, par opposition à une verticalité transmissive. Ce modèle participatif, où la discussion disciplinairement régulée et didactisée peut être un moyen d’approriation du savoir, change chez lesélèves la perception du maître comme autorité.

B) Approche socio-historique de l’évolution du système éducatif

Sous la triple pression, économique d’une augmentation des qualifications, politique d’une idéologie démocratique d’accès au savoir, sociale d’une demande parentale d’éducation, on assiste, dans ladeuxième partie du XX siècle, à un processus de massification des systèmes éducatifs européens, de « démographisation » (Langouet), certains hésitent à dire « démocratisation » à cause de la sélection par des filières. De plus en plus de jeunes poursuivent des cursus plus élevés d’étude. L’accession d’une nouvelle populationà des normes scolaires, linguistiques et culturelles, étrangères à leur milieu socioculturel d’origine, ne va pas sans poser problème à des systèmes reproduisant largement des modèles adaptés à un public plus traditionnellement sélectionné, et qui promettent de moins en moins d’ascension sociale voire d’emploi vu les tensions du marché du travail.

On constate quele sens des savoirs scolaires faiblit pour nombre d’élèves démotivés, qui dès lors se dissipent : les connaissances apparaissent trop décontextualisées, dans une période où s’allonge la scolarité, où la télévision fascine de longues heures, où le consumérisme triomphe (A quoi ça sert, qu’est-ce que ça me rapporte ?). L’échec debeaucoup d’élèves ne semble plus avoir pour cause la fatalité à laquelle on se résigne, mais le fonctionnement de l’école, contre laquelle on retourne son agressivité, parce qu’on veut de plus en plus être respecté dans sa personne (Bourdieu parle des « exclus de l’intérieur »). Le maître peut représenter pour certains élèves une cultureétrangère qui érode leur estime d’eux-mêmes et trahit leur milieu familial, à laquelle ils résistent par la passivité, la fuite ou l’affrontement.

Le modèle français d’intégration républicaine et laïque des individus un à un dans la nation par l’école et le travail s’est essoufflé, avec la montée du chômage et del’exclusion, la ségrégation géographique et sociale des banlieues, le racisme et le repli communautariste, les violences urbaines et les incivilités scolaires. La « passion de l’égalité » démocratique (Tocqueville) a cédé le pas à l’égocentrisme individualiste.

Sur fond de délitement du lien social, une classe d’élèves estsouvent aujourd’hui dans certains établissements une juxtaposition d’individus sans consensus sur la finalité d’apprentissage de l’école, en souffrance dans son rapport au savoir et à la loi, qu’il faut constituer en groupe psychosociologiquement cohésif et cognitivement motivé. Il y a bien économiquement le règne d’une loi, celle du marché, qui voudrait faire del’éducation un produit de consommation, cherche la concurrence et se moque des inégalités sociales. Et les élèves, reflet de l’individualisme ambiant, soit jouent par intérêt le jeu scolaire (chez les classes sociales favorisées), soit considèrent le règlement et la loi plutôt comme ce qui interdit à chacun que ce qui permet à tous de tenir ensemble. De leur côté leséducateurs peinent à construire, entre eux d’abord, et avec les élèves, des références communes, des valeurs partagées. La socialisation des individus et groupe-classes devient problématique, l’ordre et le calme nécessaires à l’apprentissage, la sécurité des personnes et des biens apparaissent parfois comme prioritaires et préalables à l’enseignement (« on fait dela discipline »).

Les sciences de l’éducation tentent donc d’analyser, par des éclairages psychologiques, sociologiques, historiques, économiques etc. la crise scolaire du rapport à la loi. Les pédagogues, eux, tentent de faire des propositions sur le terrain.

II) QUELQUES PROPOSITIONS PEDAGOGIQUES

A) Reconfigurerl’autorité éducative

L’autorité du maître semble aujourd’hui mise en question, la loi et le règlement sont souvent transgressés, ses représentants se sentent mal reconnus, parfois méprisés, les incivilités scolaires se multiplient : comment réagir ?

Il serait illusoire de croire que l’on peut revenir en arrière, restaurer lemode traditionnel de l’autorité. La « pensée 68 », qui s’est construite dans un élan libertaire de révolte contre les formes de domination sexuelle, économique, institutionnelle, étatique, même si elle a dans ses excès de dénonciation (« il est interdit d’interdire »), sous estimé le caractère structurant de la loi pour se construire en tant que sujet et fairetenir ensemble un groupe, a modifié en profondeur les mentalités. Il sera difficile de revenir par exemple sur la critique du machisme de l’homme ou de l’autoritarisme passé du père et du maître, peu compatibles avec l’idéal démocratique de la modernité. Il n’est pas sociologiquement crédible de penser que, sortis d’un processus de socialisation primaire dont le modèle libéral s’estpeu à peu diffusé dans les familles des classes moyennes, aujourd’hui majoritaires, les jeunes pourraient accepter un modèle de socialisation scolaire plus rigoureux, ne faisant aucune place à la discussion et la négociation.

Il vaut mieux penser la problématique en terme de recomposition de l’autoritééducative plutôt que de décadence, pour échapper à uneidéologie conservatrice sécuritaire qui n’aurait que peu de prise sur la réalité, mais serait grosse de danger pour les libertés et les droits de l’enfant.

Il nous faut penser le concept et la pratique d’une « autorité participative, voire coopérative », qui discute et négocie dans un cadre en partie coélaboré, en partie non négociable.Cela suppose :

- de bien délimiter le non négociable éducatif, celui dont on explique la source et le fondement pour qu’il soit connu et compris, mais qui n’est pas soumis à décision commune, et auquel le maître lui-même est l’obligé : au niveau de la civilité, l’interdiction de la violence physique ou de la blessure verbale dans une communauté éducative commemodes de relation entre élèves et avec les adultes, qui tire éthiquement son sens du respect des droits de l’homme et de la personne ; au niveau de la légalité et de la citoyenneté, le respect du règlement actuel de l’établissement et des lois du pays (normes juridico-politiques), quitte à discuter de leur légitimité pour agir en vue de leur évolution ; au niveau du rapport au savoir, lecontenu des programmes, la vérité des connaissances dispensées, parce qu’elles sont, même provisoirement, validées rationnellement par la communauté scientifique.

- de cerner ce qui peut être, c’est affaire de pédagogie dans le champ d’autonomie du maître, de l’ordre de la discussion et de la négociation, de l’explicitement contractuel au sein de la classe ou del’équipe éducative : les règles de vie de classe, tant qu’elles ne contredisent pas le règlement de l’établissement ou de la loi ; l’organisation du travail individuel et collectif ; le règlement de l’école par le biais des délégués. Le débat peut être en classe ou dans la vie scolaire une modalité psychosociologique de régulation des conflits, oud’échanges démocratiques pour éclairer des décisions collectives, ou d’appropriation intellectuelles de connaissances et de compétences disciplinaires ou transversales (« conflit socio-cognitif »), avec des règles précises et différenciées selon les objectifs et les domaines.

L’autorité participative vise à sa reconnaissance comme accompagnementnécessaire pour grandir. Elle « propimpose » des valeurs, amène à les co construire par l’expérience et la discussion, cherche une adhésion à la fois sensible et rationnelle à leur légitimité, fondant une culture commune à la fois instruite et démocratique.

B) Développer les pédagogies coopératives

La pédagogie coopérative mise en avant par le courant de l’Education nouvelle et des méthodes actives au XX siècle, par exemple celle de C. Freinet ou des mouvements pédagogiques, apparaissait subversive dans une société à dominante patriarcale, car elle semblait mettre en question le pouvoir vertical et le savoir du maître. Elle est aujourd’hui en phase avec la période, scientifiquement avec les théoriessocio constructivistes de l’apprentissage, politiquement avec les exigences démocratiques de notre société.

La pédagogie institutionnelle nous semble particulièrement adaptée au nouveau contexte, car elle articule en même temps :

  • la responsabilisation et l’autonomisation des élèves, génératrices de démocratieparticipative, par des pratiques actives dans les tâches, déléguées dans des fonctions et coopératives dans l’esprit ;
  • le souci d’un cadre structurant et structuré, qui prend en compte la nécessité psychanalytique et politique de la loi face à la toute puissance du désir et à la velléité individualiste des libertés, par la mise en placed’«institutions » régulatrices des conflits, décisionnelles sur la vie de classe et l’organisation des apprentissages, comme le conseil, les ceintures de comportement, le « quoi de neuf ? » etc.

C) Lier étroitement chez l’élève un rapport exigeant, confiant et non dogmatique au savoir, avec un rapport constructif, coopératif à la loi

Dans l’école traditionnelle depuis Condorcet puis la troisième République, l’autorité du maître et l’autorité du savoir se confortaient mutuellement. La première tenait en grande partie son pouvoir éducatif, délégué par l’institution, du savoir acquis en formation pour transmettre inter générationnellement le patrimoine del’humanité. Le savoir en effet « faisait autorité », depuis que la raison apparaissait comme productrice de connaissances, au sein d’une communauté scientifique qui ne faisait plus de la transcendance une vérité incontestable, mais demandait l’administration rationnelle de la preuve en la soumettant à débat. Et le maître tenait son autorité en grande partie de celle d’un savoir que lepositivime présentait comme évacuant les croyances, dans un progrès indéfini, linéaire et cumulatif.

Mais avec l’épistémologie du XX siècle, qui a désabsolutisé la connaissance scientifique (sans la rendre pour autant arbitraire), la prolifération des sources d’information hors l’école, la résistance de certaines croyances à la science (ex : lathéorie évolutionniste), le relativisme démocratique où la légitimité d’une opinion prend racine dans sa simple expression et amène à confondre croire et savoir, l’autorité du savoir du maître ne suffit plus aujourd’hui pour que ce savoir soit respecté.

Celui-ci n’est respecté par l’élève comme savoir scientifique, c’est-à-dire commeforme rationnelle et universalisante de rapport à la vérité, que s’il est reconnu comme tel, et non considéré comme un point de vue parmi d’autres. Il est respectable et désirable surtout s’il prend sens, c’est-à-dire :

  1. s’il répond à des questions que je me pose, au lieu de répondre à des questions que je ne me suis pasposé, mais dont il faut que je mémorise le résultat (A quoi ça sert alors, sinon à passer dans la classe supérieure et réussir des examens ?). Le rapport signifiant au savoir, c’est qu’il tente de répondre à des questions. C’est la dimension anthropologique des savoirs qui doit être restaurée à l’école : les réponses rationnelles que l’humanitése forge progressivement par rapport aux problèmes pratiques qu’elle rencontre et aux questions théoriques qu’elle se pose. S’épanouir dans et par l’intelligence…
  2. si j’engramme personnellement le pouvoir du savoir sur moi et le pouvoir d’intelligibilité et d’action qu’il me donne, si j’éprouve sa consistance rationnelle par une démarched’appropriation, au lieu de croire le maître sur parole : élaborer des hypothèses par rapport à une énigme, les confronter, observer, analyser, expérimenter…

Au fond les élèves revendiquent une exigence : que le savoir fasse sens pour eux, qu’on leur montre son intérêt pratique et théorique, non par des discours, mais des situations, desdémarches. La perte de sens du rapport au savoir mène à l’incivilité scolaire. Pour une bonne part, et souvent sous-estimée, on transgresse la paix scolaire si ce que promet l’école, un rapport désirable au savoir, n’est pas tenu. Une partie du respect de la loi repose sur la refondation du rapport scolaire au savoir. Il faut donc étroitement articuler chez l’élève rapport au savoir et rapportà la loi.

D) Promouvoir la discussion comme axe pédagogique et didactique fort du processus enseignement-apprentissage

C’est cette articulation que nous semble particulièrement travailler le développement actuel des pratiques de discussion en classe, dès lors qu’elles sont pédagogiquement réfléchies ou didactiquement informées :

1) La« discussion scolaire », comme interaction sociale verbale rapprochée entre pairs organisée et/ou animée par le maître, implique en effet une « éthique communicationnelle » (Habermas). Qu’il s’agisse en classe d’un « conseil coopératif » de régulation et/ou de prises de décisions, d’un débat scientifique en mathématiques ousciences expérimentales (type « la main à la patte » de Charpak), d’un débat sur des questions « socialement vives » en sciences économiques et sociales ou en éducation civique, d’un débat d’interprétation en littérature ou argumentatif en français, d’une discussion à visée philosophique…, il s’agit d’une modalité du vivreensemble scolaire dans l’interaction.

Ce rapport suppose des comportements civils, des « compétences sociales », finalisés par des valeurs démocratiques et éthiques : droit d’expression et pluralité des opinions, attendre son tour pour parler, respecter le distributeur de parole et les règles pour échanger, écouter la parole d’autrui sans le couper ou semoquer, admettre sa différence…L’acceptation du pouvoir de l’animateur, des règles du débat, des personnes des discutants sont d’une part des objectifs pédagogiques, porteurs de civilité scolaire et sociale, de citoyenneté politique, puisque le débat est historiquement et structurellement constitutif de la démocratie, vécue ici en acte, et non comme une injonction moralisante ou un contenu de savoirhistorique ou civique ; et d’autre part comme des outils et des supports pédagogiques, en tant que ces habitus scolaires sont dans le groupe-classe une base de relation favorisant des apprentissages cognitifs.

2) La psychologie sociale et les travaux des didactiques ont désormais mis en évidence l’intérêt du « conflit socio cognitif » pour les apprentissages disciplinaires. La discussion est unemodalité didactique propice à ces conflits, et intellectuellement constructif dès lors que le celui-ci ne dérive pas socio affectivement (voir le point précédent), se centre sur un objectif et un objet de travail partagés par le groupe, et met en œuvre des démarches et processus de pensée spécifiques. Il s’agit d’instaurer une « communauté de recherche » (Pierce, Dewey, Lipman),où l’on part d’une question ou d’un problème que l’on va collectivement approfondir par la réflexion.

Par exemple, dans une discussion à visée philosophique, à partir d’une question existentielle dont se saisit la classe, partie d’un élève ou du maître, suscitée par exemple après une lecture, chacun va pouvoir exprimer sa pensée en la confrontant auxautres, mais avec des exigences intellectuelles de conceptualisation de notions, de distinctions conceptuelles, de problématisation d’évidences ou de questions, d’argumentation rationnelles de thèses ou d’objections, dans un esprit de recherche et non d’affrontement.

Mots clefs : Ecole – Loi – Autorité – Pédagogie coopérative – Rapport au Savoir – Discussion

Bibliographie

Quelques articles et ouvrages où je développe ces idées :

  • "De la citoyenneté politique à la citoyenneté dans l’acte d’apprendre", Cahiers Pédagogiques n°340, janv. 1996.
  • "Le modèle socio-constructiviste et lacitoyenneté", Clé à venir n°13, CRDP Nancy, 1997.
  • "Articuler différenciation pédagogique et socialisation des comportements", Cahiers Pédagogiques, supplément n°3 sur l’Education à la citoyenneté (Coord. C. Crémieux), oct-nov. 1997.
  • "Peut-on appliquer les catégories du droitaux relations éducatives et pédagogiques ?", Cahiers Pédagogiques n°364, mai 1998.
  • "La "socialisation démocratique" à l’école : un concept pour une pratique ?", Vers une socialisation démocratique (Coord. JB Paturet), Editions Théétète, Nîmes, 1998.
  • « Apprentissage etsocialisation » (Coord. F. Castincaud, M. Tozzi), Cahiers Pédagogiques n° 367/368, oct.-nov. 1998.
  • "Définir un mode scolaire de socialisation démocratique" et "Apprentissage et socialisation : équilibrer l’individualisme par un impératif socialisateur", Les cahiers du CERFEE n°15 (coord. M. Tozzi), Université de Montpellier 3,1998.
  • "Elaborer et respecter la règle à l’école", La règle … il faudrait peut-être qu’on m’explique, (Coord. M. Amiel), CRDP de Créteil, 1999.
  • “ Réfléchir sur la justice en perspective citoyenne ”, brochure de 120 p. pour la Fondation Baudouin(Belgique), 2000.
  • « Apprentissage et socialisation » (Coord. M. Tozzi, J.Y. Rochex), CRDP Languedoc-Roussillon-CNDP, 2000.
  • “ Pourquoi débattre en classe ? ” (Coord. H. Eveleigh, M. Tozzi), Cahiers pédagogiques n°401, février 2002.
  • “ Education à la citoyenneté et discussion à visée philosophique à l’écoleprimaire ”, Les Cahiers du CERFEE n°18 (Coord. R. Monjo), Université de Montpellier 3, 2002.
  • "Qu’entendre par démocratie dans la classe ?", La démocratie à l’école (Coord. M. Amiel, R. Etienne, M.C. Presse), Crap-CRDP Créteil, 2003.
  • “ Débat démocratique et discussion philosophique ”,diffusé sur liste www.pratiques- philosophiques.net
  • « La discussion en éducation et formation ”, introduction au colloque du même nom, in Revue du CERFEE n°19 (Coord. M. Tozzi), Université de Montpellier 3, 2003.
  • “ Débat scolaire, les enjeux anthropologiques d’une didactisation ”, Tréma (Coord. M.L. Martinez), IUFMMontpellier, à paraître en 2004.
  • La discussion en éducation et formation, (Coord. M. Tozzi, R. Etienne), L’Harmattan, à paraître en 2004.
  • On trouvera d’autres références sur mon site : www.philotozzi.com

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