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L’émergence de pratiques à visée philosophique à l’école primaire et au collège : comment et pourquoi ?

Posted By admin On 30 novembre 2004 @ 8:11 In L'école primaire (de la maternelle au CM2) | No Comments

Résumé  : La demande sociale de philosophie est forte en France depuis quelques années, en sont témoins une activité éditoriale philosophique dont certains titres ou auteurs font des succès de librairie, la médiatisation dans la presse de problématiques ou de doctrines philosophiques prenant en compte, avec la montée de l’individualisme, la crise sociétale du sens, des valeurs et des…

repères, le développement depuis 1996 de « cafés philo » dans la cité, ou l’apparition de nouvelles pratiques qui se réclament de la philosophie à l’école primaire ou en collège, où cette discipline n’est pourtant pas une matière enseignée… C’est sur l’émergence de ces dernières que porte cet article, qui dans un premier temps décrira,d’après les informations forcément partielles de son auteur, l’histoire récente de cette innovation dans le système éducatif, et dans un second proposera quelques éléments d’analyseNote1.

Mots-clés : philosophie, didactique de la philosophie,discussion à visée philosophique, philosophie à l’école primaire, innovation, histoire d’une innovation.

Summary : For some years now, the social request for philosophy has been strongly growing in France. We can take for evidence, an active philosophical edition, which some titles an/or authors has made some real best-sellers; some philosophical doctrines or questioning has been brought up by the mass medias,questions taking into account, with  the rise of individualism, the social crisis on the loss of meaning, of values of references; the rise, since 1996, of philosophical cafés within the City, or the birth of new practices, which claime to be philosophical, at the primary and college school, places where this discipline has never been part of the curriculum. This article will discuss more specifically on the rise of this last phenomenon. First, it will describe, based on the on theauthor’rs informations, which are imevitably incomplete, the recent history of this innovation within the educational system. Secondly, it will propose some elements of analysis.
Key words: philosophy, philosophical didactics, philosophically aimed discussions, philosophy at the primary school, innovation, history of an innovation.

I) Histoire d’une innovation

1) Des tentatives, des précurseurs ?

Concernant le premier degré, les pédagogies coopératives du 20 ième siècle (mouvement Freinet, pédagogie institutionnelle, OCCE…), parce qu’elles s’intéressaient avec leurs méthodes actives aux démarches des élèves, ont laissé émergeren classe les questions des enfants, souvent existentielles, que le maître pouvait prendre en compte dans son enseignement. Mais il n’y a pas eu de traitement ou d’institution spécifiques pour les traiter, comme le « quoi de neuf ? » ou le « conseil » : le premier aborde, sur le mode narratif-descriptif et non réflexif, l’expression d’un vécu personnel écouté par legroupe ; le second traite bien de questions ou de problèmes soulevés par les élèves, mais soit dans une perspective psychosociologique de régulation de conflits, soit dans un objectif démocratique de décisions collectives, activités sans approfondissement problématisé et conceptuel.

C’est pourquoi Gérard Auguet parle de « la discussion à viséephilosophique » comme d’un « nouveau genre scolaire »Note2, et Sylvain Connac de « nouvelle institution » dans les pédagogies coopérativesNote3. Mais cettesystématisation du traitement ne veut pas dire que la dimension réflexive ait été absente des pratiques orales ou écrites (ex : le texte libre) se réclamant du mouvement de l’éducation nouvelle. A titre d’exemple, on peut citer Danielle EmoNote4, qui explique qu’elle a institué un momentnommé « le libre-propos », où l’on peut dire « tout ce qui n’a pas sa place dans les autres lieux de parole »Note5, en discutant par exemple sur « le bébé, le sexe, …l’armée, le travail, la mort, « pourquoi on est là », lafolie… ».

Pour des membres connus de l’ICEM (René Laffitte, André Matthieu ou Bernard Collot), cette préoccupation serait même inhérente à l’esprit de cette pédagogie, rendant superfétatoire toute nouvelle institution sur la questionNote6.Nicolas Go, professeur de philosophie à l’IUFM de Nice, ancien instituteur Freinet, tente de formaliser, dans une thèse en cours, une pratique à visée réflexive à partir des « événements » se produisant dans la classe, sorte de « méthode naturelle » (selon l’expression de Freinet) en philosophie.

Lejournal photocopié de l’ADEREQ (Association pour le développement des relations enfants-école-quartier) de Jacqueline Azémar en 1978-1979 donne un exemple de pratiques réflexives en classe. La page de couverture du journal est illustrée d’un dessin d’enfant et annonce : « J’ai presque six ans et je pense aux choses de la vie ». J.Azémar travaillait avec le CIEP de Sèvres. Ce livret estla copie de conversations d’enfants en groupes, qui ont lieu en présence de Mme Azémar et du magnétophone… Les quelques extraits suivants méritent l’attention :

Comment naît un débat ?

Les enfants des grandes sections savent que le bureau, le magnétophone et Jacqueline sont à leur disposition quand une « idée » ou une« question » sur la vie les tracasse ou les attire. Dans ce cas ils viennent sur leur propre décision, pour débattre en groupe. La seule limite est de n’être pas plus de six…on insiste aussi sur le fait d’avoir « déjà réfléchi » avant le débat, d’être tous intéressés par la même idée, et d’avoir jugé cette question« importante ». Le groupe se réunit autour du magnétophone et le débat se déroule entre enfants…Tous les thèmes sont admis ; toutes les opinions ont le droit de s’exprimer. Les interventions des adultes essaient de rester neutres, en consistant essentiellement à demander un éclaircissement, souligner les contradictions, les accords et les désaccords…

Quedevient un débat ?

…Quand les enfants sont d’accord, il peut être transmis à la classe et repris soit en grand groupe soit en petits groupes. Chacun termine par une prise de position personnelle, exprimée dans un dessin commenté. Chaque bande est recopiée, relue aux enfants (qui souvent rediscutent) ; elle n’est diffusée aux parents que si les enfants le souhaitent.

Pourquoi ces débats ?

Parce que les problèmes d’existence habitent fortement les enfants de cinq ans, qu’ils demandent à en parler et à rencontrer la position des autres, que leur joie est visible quand ils peuvent le faire… Pas d’enseignement versé par l’adulte, mais seulement l’enseignement que donne la rencontre des autres. L’opinion adulte a la mêmeplace que celle des enfants…Les différents points de vue, introduits sur un mode d’égalité, déclenchent un travail intérieur, et c’est ce qui compte…

Beaucoup de parents se sont montrés étonnés de découvrir que les enfants sont « déjà capables de penser »…à quels point les enfants sont sous-estimés »(extraits des pages 1 et 2).

Suit l’exemple de réflexions d’enfants sur les comportements innés et acquis à partir de lapins qui vivent dans la classe et s’y reproduisent. Puis dans une autre grande section les réflexions sur « Qu’est-ce que penser ? », avec des illustrations sur « Est-ce que tout peut penser ? », « Comment fonctionne lapensée ? ». En page 15, il y a une liste de questions posées par les enfants en grande section : pourquoi on dit que Doudou (un poupon) n’est pas humain, pourtant il peut nous parler ? Pourquoi on dit que les anglais sont humains, on les comprend pas ? Si on a que des mots, comme Doudou, c’est parler ou pas ? Dieu, c’est plus qu’un homme ou pas ? Pourquoi des parents le connaissent, et d’autres parentsle connaissent pas ? Pourquoi on mange la viande des animaux et pas celle des humains ? Peut-on se marier avec Françoise la chèvre et manger Françoise la dame ? Quand on est mort, on peut continuer à rêver ? Est-ce que les parents peuvent dire des choses fausses ? Est-ce qu’on peut être heureux sans argent ? Pourquoi les grands battent les petits au lieu de leur expliquer ? Pourquoi les garçons nous claquentquand on les embrasse ? etc.

Plus tôt encore, on pourrait évoquer Germaine Tortel, Inspectrice des écoles maternelles de 1932 à 1962, qui a impulsé une pédagogie qui alliait « le socratisme et l’analyse psychologique », en proposant une « activité de recherche, le « connais toi toi-même », puisqu’elle vise à faire émerger dansun milieu conscientialisé, chaudement accueillant, capable de dialectique interprétative ouverte et toujours remise en question, ces raisons qui expriment nos attitudes et nos vouloirs afin de voir combien « tels qu’en eux-mêmes » la pensée les change ». Dans le N° 63 de décembre 1994 du « Bulletin de l’association pour la défense et l’illustration de la pédagogie d’initiationet de prise de conscience » (CRDP de Lille), elle se demande « comment envisager une initiation à la conscience (morale) ? », en s’appuyant « sur la discussion constructive du groupe conscientiel », où il y a « prise de conscience de la conscience ». Dans cette « école maternelle, école de philosophie » (titre d’un des articles du journal del’école de la rue Frank Nohain dans le 13 ième, où il « n’est pas de question trop profonde à condition de partir de l’enfant », on travaillait la réflexion sur le juste et l’injuste. Paule Duquenne cite dans le bulletin mentionné ci-dessus, des propos d’enfants demandant : pourquoi c’est juste ou pas juste ? Qu’en est-il de l’éducation de l’animal domestiquequand il fait ce qu’il veut ? Si tout le monde était libre de faire ce qu’il veut est-ce que cela serait bien ? A quoi servent les gendarmes, sont-ils nécessaires ? La liberté du renard qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est « être intelligent », la confiance, la responsabilité ?… Et de préciser « combien est importante dans cette pédagogie,l’écoute attentive de l’enfant. La maîtresse intervient à bon escient, au moment précis où sa question va permettre l’approfondissement de la réflexion. Elle saisit au vol l’argument enfantin pour le renvoyer à son auteur et au groupe, élargir le débat et permettre une progression… ». Lise Toupet précise : « Les thèmes de discussion touchent souvent à desproblèmes essentiels : les enfants parlent de la naissance, de la vie, de la mort, de l’injustice, de la violence, de la guerre et de la paix, de la pauvreté, de la joie… »Note7, elle rapporte l’exemple d’une discussion sur « Pourquoi la guerre ? ».

Tournons-nousmaintenant du côté de l’institution philosophique. La doctrine officielle de l’Inspection Générale, par le biais de la présence de professeurs de philosophie nommés dans les écoles normales formant les futurs instituteurs sur des chaires de psychopédagogie, fut (et demeure) de considérer que la République, l’école et la philosophie, comme conceptuellement liées dans la même idée deraison universelle, constitueraient un seul et même combat : « C’est le métier même d’instituteur qui est philosophiqueNote8 », tant dans la visée de transmission d’un savoir émancipateur organiquement lié par sa polyvalence, nécessitant une formation épistémologiquedes maîtres, que par sa mission d’éducation des enfants aux valeurs, justifiant la formation des enseignants aux conceptions philosophiques de l’éducation, à l’éthique et à la philosophie politique… Remarquons qu’une telle conception englobante dispense, par le fait même, la pratique des maîtres du primaire de toute activité spécifiquement philosophique, celle-ci étantrepoussée en classe terminale des lycéesNote9.

C’est contre cette conception d’un « âge du philosopher », puisée chez le Platon de la République et chez Descartes (l’enfance, lieu et moment des préjugés dont il faut se libérer), que vas’élever le GREPH (Groupe de Recherche sur l’Enseignement de la Philosophie), fondé par Derrida en 1975. Face au double argument du manque de maturité psychique des jeunes, et de la nécessité d’enseigner la philosophie en terminale seulement pour réfléchir sur tout le savoir acquis jusque là (selon la métaphore du couronnement philosophique de l’enseignement secondaire), Roland Brunet a tentél’explication de l’Allégorie de la caverne de Platon à des élèves de sixièmeNote10… Bien des expériences suivront au lycée, d’où la revendication du GREPH de commencer (c’est le cas en Italie, Espagne, Portugal), la philosophie en seconde. Aux Etats Généraux de laphilosophie tenus à la Sorbonne les 16 et 17 juin 1979, lors de comptes rendus d’expériences, une philosophe d’origine travaillant dans une bibliothèque pour enfants déclare : « J’ai cru que j’étais séparée de la philosophie, puis je me suis aperçue que la pratique philosophique était nécessaire là aussi, notamment dans le choix des livres ou pour répondre aux questions desenfants ». Et les actes de mentionner : « La philosophie est donc possible dans d’autres lieux que les lycées ; à d’autres âges qu’à celui des élèves de terminale » Note11.

C’est dans le contexte de cette réflexion que PierreBelaval, professeur agrégé de philosophie, traduisit, chez Vrin en 1978, HarryStotle-meier’s Discovery, La découverte de Harry, le premier roman philosophique (pour les 10-12 ans) écrit par Matthew Lipman, le fondateur aux Etats-Unis dans les années 1970 d’une véritable méthode de philosophie pour enfants. Ce roman reste le seul des sept romans lipmaniens, aujourd’hui édité en France. Dans une« note du traducteur », on peut lire : « A l’heure où la question de la progressivité de l’enseignement philosophique, et la détermination de l’âge naturel pour apprendre à philosopher sont mis en avant, notamment par les travaux de recherche du GREPH, nous apportons cette petite contribution de la Régionale de Lille de l’Association des Professeurs de Philosophie de l’EnseignementPublic, qui nous l’espérons, trouvera dans le public français les mêmes intérêts que dans le public américain ainsi que celui de tous les pays où cet ouvrage a déjà été traduit ».

C’est un professeur de philosophie français, Patricia Sustrac, qui introduisit la méthode de philosophie pour enfants en France. Diplômée de la Faculté dephilosophie de l’université de Montclair (USA), où siège l’Institute for the Advancement of Philosophy for Children de M. Lipman, elle a organisé un séminaire au Collège international de philosophie en décembre 1984 et janvier 1985, fondé à Orléans en septembre 1985 l’IREPE (Institut de recherche pour l’Enseignement de la philosophie aux enfants), proposant à ses collègues dans une lettredu 16/09/85 de « participer au travail de groupes de travail, soit à l’Institut, soit à Paris, au Collège International de philosophie… ; participer au travail de traduction et de diffusion ; participer au travail d’adaptation de la méthode à la scolarité française… acquérir une formation ». Elle proposera ensuite des stages à la Mafpen d’Orléans-Tours en 87 et88, interviendra aux journées d’études du CIEP en janvier 1987, on trouve trace d’un de ses exposés dans le bulletin intérieur du GREPH de décembre 1988…Mais, s’adressant essentiellement à des professeurs de philosophie, il n’y eut guère de retombées dans le premier degré.

B) Les premières réalisations significatives

Ce n’est qu’à la fin de la dernière décennie du 20 ième siècle que plusieurs initiatives, d’abord indépendantes les unes des autres, vont aboutir et s’étendre.

On sait que Marc Sautet, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, a lancé en 1992 le premier « café philo »Note12, inaugurant un mouvement qui inspirera les pratiques nouvelles de discussion à visée philosophique dans le système éducatif. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a lui-même animé pendant trois ans, de 1993 à 1996, à la demande de parents qui travaillaient la philosophie avec son aide, desdiscussions avec un groupe d’enfantsNote13.

En 1996, Agnès Pautard, professeur d’école maîtresse formatrice à l’école maternelle Gerson de Lyon, expérimente un protocole : dix minutes de prises de parole des élèves sans intervention du maître, qui enregistre laséance après avoir lancé une question forte ; puis réécoute de la bande et réactions des enfants. Une supervision est assurée par Jacques Lévine, psychologue développementaliste (il a été l’assistant d’Henri Wallon) et psychanalyste d’enfants, qui anime des groupes Balint d’institutrices de maternelles, notamment au sein de l’Association des Groupes de Soutien au Soutien (AGSAS)qu’il a fondée.

Ce protocole permet à l’enfant « une expérience inouie : autorisé à penser, il se découvre à la source de sa pensée…il peut oser une parole dite « vraie » de là où il en est…en un langage oral interne »Note14. C’est selon J. Lévine l’expérience par l’enfant du cogito dans un groupe cogitansNote15. « L’atelier philo » se dote en 1997 d’un comité de pilotage avec un Inspecteur du premier degré, Dominique Sénore. Le protocole, diffusé par leréseau de l’AGSAS et son colloque annuel, va alors se développer, d’abord dans les régions lyonnaise et parisienne.

Indépendamment de ce qui précède, Marc Bailleul, maître de conférences en mathématiques à l’IUFM de Caen, organise en 1997-1998 le premier stage de formation continue pour instituteurs sur la méthode LipmanNote16 (« Découverte de la philosophie pour enfants »), avec l’aide de Richard Pallascio, professeur de mathématiques québécois qui travaille interdisciplinairement la méthode au CIRADE (université de Montréal), rencontré dans un colloque internationalNote17 : un R4, quatre semaines de regroupement, alternées avec des expériences sur le terrain reprenant ce qui a été vécu en stage. On y expérimente des séances Lipman : lire un chapitre de ses romans, en faire émerger des questions, en choisir une par le vote, la traiter dans une discussion, puis faire l’analyse de la situation proposée; on analyse aussi lesexpériences faites en intersession. On s’essaye même à écrire des supports pour les enfants. Ces stages furent renouvelés (trois semaines en 2003, quatre semaines articulées avec un stage Freinet en 2004), incluant des apports par des professeurs de philosophie. Une formation fut aussi organisée en 2001-2002 de deux fois deux jours pour des professeurs de collège, avec des retombées l’année suivante (ateliers depratique philosophique dans les projets d’établissement). De la première promotion est sorti Gilles Geneviève, instituteur en ZEP qui allait former ses collègues, créer deux sites, animer l’atelier pour enfants de l’Université Populaire de Caen fondée par Michel OnfrayNote18

Tout à fait indépendamment et sans concertation avec M. Bailleul, Emmanuelle Auriac-Peyronnet, maître de conférences en psychologie sociale à l’IUFM de Clermont-Ferrand, organise des stages de formation continue pour les instituteurs, après sa rencontre dans un colloque avec Marie-France Daniel, de la même équipe du CIRADE que R. Pallascio à MontréalNote19.

C’est en 1997, encore, que Anne Lalanne, professeur d’école maîtresse formatrice ayant eu vent de la méthode Lipman, et titulaire d’une maîtrise de philosophie, commence de sa propre initiative une expérience dans son CP de l’école Baudelaire de Montpellier, et suit sa promotion jusqu’au CM2, réalisant le premier cursusd’élèves ayant suivi au primaire un atelier philosophiqueNote20. Elle rencontre en 1998, pour une collaboration, Michel Tozzi, alors maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Montpellier 3, qu’elle connaît pour ces travaux en didactique de la philosophie.

De son côté Alain Delsol, instituteur, docteur en sciences de l’éducation et chargé de cours à l’université de Toulouse Le Mirail, qui participe au café philo de Narbonne lancé par M. Tozzi en 1996, va reprendre dans son CM1, en 1998-1999, le dispositif de celui-ci (avec des fonctions de président de séance, reformulateur et synthétiseur) qui, affiné, va constituer le « dispositifDelsol » (repris ensuite par S. Connac), qu’il allègera lorsqu’il sera nommé en grande section de maternelleNote21.

M. Tozzi, qui depuis 1988 travaille sur la didactique de la philosophie en terminaleNote22 oriente alors ses recherches vers ce nouveau terrainNote23. Il anime sur ce thème en novembre 1998 puis septembre 1999 des stages de formation de deux jours pour les conseillers pédagogiques premier degré du GardNote24, organise un groupe de travail universitaire avec des praticiens intéressés en 1999-2000. Celui-ci comprend, outre A. Lalanne et A. Delsol, notamment Michèle Daumas-Raoux, qui soutiendra sa maîtrise sur « Discussion philosophique et citoyenneté» en Juin 2000, Johanna Leroy-Treiber, qui obtiendra son DUEPS (université de Perpigan) en Novembre 2000 à partir d’observations dans laclasse d’A. Delsol. Un pôle de recherche universitaire s’ébauche alors à Montpellier 3, des maîtrises aux DESS, DEA et thèses. La même année, une option de cinq journées est proposée aux professeurs d’école de 2 ième année en formation au Centre de Formation Pédagogique de Montpellier : un premier mémoire professionnel « Vers une maïeutique scolaire »est soutenu par Roland Cadros (2 le seront en 2001, 8 en 2002, 6 en 2003). En 2000-2001, dans le cadre de parcours personnalisés à l’IUFM de Montpellier, ce sera un stage de 15 heures pour les PE2, suivi par une action innovante en 2001-2002Note25

Indépendamment, Jean-Luc Cousquer, ancien professeur dephilosophie, Inspecteur Académique adjoint de l’Hérault, crée un groupe de travail pour les collèges en 2000-2001.

Dès 1996, Alain Berestetsky, directeur de la Fondation 93-Atelier des sciences, Centre culturel, scientifique et technique de Seine Saint-Denis, avait lancé une opération « Carré de nature carré de culture », permettant à onze classes de Segpa, quatre rencontresannuelles ainsi qu’une visite dans un lieu susceptible de dynamiser la discussion,  avec un intervenant en philosophie sur un thème commun choisi chaque année (« Apprendre » en 1996-1997, puis « La violence », « L’amour »…), donnant lieu en fin d’année à une synthèse sur un carré de bois de trois mètres sur trois26. C’est à partir de cette expérience qu’il sera à l’initiative du premier colloque sur les nouvelles pratiques philosophiques ouvert à l’INRP en avril 2001.

De son côté et sans lien avec ce qui précède, un ex-instituteur spécialisé de Segpa, Jean-Charles Pettier,passionné par le Programme d’Enrichissement Instrumental de Feuerstein (méthode de diagnostic et de remédiation des capacités cognitives), titulaire d’un DEA de philosophie politique, va tenter des expériences dès le début de sa thèse, en 1995-1996, et avec le suivi de M. Tozzi, soutenir en oct. 2000 la première thèse en France sur les nouvelles pratiques philosophiques27. Devenu professeur de philosophie à l’IUFM de Créteil, il se spécialisera dans l’apprentissage du philosopher avec les élèves en difficulté et la formation à ces activités en AISNote28, ilmènera avec Thierry BourNote29, à l’origine instituteur spécialisé en IMPro, des recherches sur l’impact de cette pratique en matière de compétences transversales et disciplinairesNote30.

Signalons encore le travail effectué depuis 2001, à l’initiative de H. Sadoun, C. Oliviérie et B. Magret, par la MGIEN (Mission Générale d’Insertion de l’Education Nationale) de l’Académie de Créteil, auprès de jeunes de 16 à 21 ans en situation de décrochage scolaire, sortis sans projet de formation de l’Education Nationale, à partir de discussionsà visée philosophique.

François GalichetNote31, directeur-adjoint de l’IUFM de Srasbourg, qui a dirigé la thèse de J. C. Pettier et suit les développements de la didactique du philosopher depuis les années 90, est alors le seul professeur d’université habilité enphilosophie à s’intéresser à ces pratiques. Il deviendra un intervenant sollicité pour nombre de colloques. Il va impulser à l’IUFM d’Alsace un GRF (Groupe de Recherche Formation) : il est instructif de noter que comme au Québec et en Belgique, l’introduction de ces pratiques s’est faite au départ dans le cadre du cours de morale laïque (statut particulier de l’Alsace-Lorraine).

Il sera bientôt suivi par Sylvie Queval, maître de conférences en sciences de l’éducation à Lille 3 et philosophe de l’éducation, ancienne directrice de Centre de Formation AIS (Adaptation et Intégration Scolaire) de Lille. Elle dirige le premier mémoire de maîtrise cohabilité en philosophie et sciences de l’éducationNote32 et organise pour la première fois dans une université française, en 2002-2003, une unité d’enseignement semestrielle consacrée à la philosophie avec les enfants, dans le cadre d’une licence de sciences de l’éducationNote33.

Deuxsorbonnards les suivront bientôt : Michel Puech, qui a travaillé avec Brigitte Labbé sur la collection des Goûters philo chez Milan, et Yves Michaud, organisateur de l’Université de tous les savoirs, contacté par Okapi pour travailler avec des adolescents (voir son ouvrage : La philo 100°/° ado, Bayard Jeunesse, 2003) puis par Michel Onfray dans son université populaire, où se déroule un atelier dephilosophie pour enfants…

L’évolution de la didactique du français vers une didactique de l’oral et du débat (Cf Dolz et Schneuwly à Genève), l’intérêt attaché à un oral dit réflexif, le développement même du concept de réflexivitéNote34, les nouveaux programmes du primaire préconisant des débats d’interprétation à partir de la littérature, rapprochent aussi les pratiques et les recherches des didactiques du français et de la philosophieNote35.

Signalons enfin certaines recherchesinternationales ou programmes européens qui ont facilité des synergies : la France a ainsi choisi l’entrée de la philosophie avec les enfants dans le programme européen Daphne de prévention de la violence, suivi par Sylvie Brel, psychologue, au BICE (Bureau International Catholique de l’Enfance). Pascal Chevalier, de l’académie de Rouen, mène une expérimentation dans le cadre d’une formation« Europhil », organisée avec le soutien du programme SocratesNote36. La division « Philosophie et Ethique » de l’UNESCO suit d’ailleurs le développement de la philosophie pour enfants dans le monde.

C) La dissémination

La diffusion de ces nouvelles pratiques s’est appuyée sur l’organisation d’un premier colloque à Paris les 25 et 26 avril 2001 par la Fondation 93, qui sollicita M. Tozzi et J.C. Pettier pour constituer un comité de pilotage. Il s’ouvrit symboliquement à l’INRP pour insister sur leur caractère innovant. C’est à l’issue de cette manifestation que J.F. Chazerans, professeur dephilosophie, animateur de café philo, chargé de mission pour les TICE au rectorat de Poitiers, proposa d’ouvrir un siteNote37, qui s’est enrichi depuis d’une centaine de documents divers, et une liste de diffusion pour les participants, très active.

A ce comité de pilotageinformel s’adjoignirent pour les colloques suivants deux personnes:

- Oscar Brenifier, éditeur alors du Vilain petit canard, docteur en philosophie et animateur de cafés philoNote38, qui va se spécialiser dans la formation à la philosophie avec les enfants, développant une méthodemaïeutique inspirée de Socrate et une activité éditoriale sur ce terrainNote39 ;

- et Jean-Pierre Gabrielli, ancien professeur de philosophie, coanimateur du café philo de Vannes, et directeur du CRDP de Rennes. Celui-ci proposa d’organiser le second colloque, les 22 et 23 mai 2002, dans son CRDP,donnant ainsi une caution institutionnelle (avec subvention ministérielle) à la réunion, puis obtint par son réseau la participation du CDDP de Nanterre (4 et 5 juin 2003), du CRDP de Caen (26 et 27 mai 2004), et de celui de Poitiers (1 et 2 avril 2005). Ces colloques consacrés aux nouvelles pratiques philosophiques, prirent en compte majoritairement des expériences du premier degré et de SEGPA, mais d’autres activités, telles lescafés philoNote40, ne furent pas oubliées.

La diffusion s’est faite aussi par des publications : dans un premier ouvrage, en 2001, L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire (le mot philosophique avait été supprimé par leséditeurs, le CNDP et Hachette !), M. Tozzi catégorisa empiriquement les quatre courants qu’il observait : * « psychanalytique » (il dirait plus aujourd’hui « psychologique », le cogito de J. Lévine étant plus cartésien que freudien ; A. Pautard parle de « courant préalable à la pensée ») ; * langagier (l’oral réflexif desdidacticiens du français) ; * citoyen, ancré dans la discussion démocratique des pédagogies coopératives ; * philosophique (Lipman notamment) : les différents précurseurs s’y exprimaient.

Dans un deuxième ouvrage, La discussion philosophique à l’école primaire, Pratiques-formations-recherche (CRDP Montpellier, avril 2002), le mot est lâché. Ildeviendra plus modestement, sur la proposition de J.C. Pettier, discussion « à visée philosophique ».

A. Lalanne publia son expérience de cinq ans dès 2002, avec une préface sympathiquement étonnée du très antipédagogiste Lucien Dagognet, ancien président du jury de l’agrégation de philosophieNote41.

Suivront les actes des colloques, publiés par le CRDP de Rennes.

Diotime l’Agora, revue de didactique de la philosophie du CRDP de Montpellier, allait diffuser dès son premier numéro, en mars 1999, nombre d’articles de praticiens, formateurs ou chercheurs, avec des dossiers spéciaux sur ces pratiques au primaire, aucollège, avec des élèves en difficulté…

Quant aux éditeurs privés, ils s’étaient déjà lancés pour la terminale dans d’autres productions que les manuels. Le monde de Sophie de Gaarder, par son succès, amena le Seuil en 1996 à proposer une collection, Philo Seuil, alliant le récit fictionnel ou quotidien à la réflexion philosophique. Nathanlança en 2001 la collection L’apprenti philosophe, dirigée par Oscar Brenifier, sous forme de dialogues philosophiques accessibles aux élèves. Les éditeurs comprirent vite le créneau qui s’ouvrait dans le primaire. Une certaine littérature de jeunesse s’infléchit donc de l’eau de rose à des sujets à forte teneur anthropologique, comme chez Actes Sud Junior (ex : Marguerite et lamétaphysique) ou Albin Michel (ex : Les philofables), créant même des collections ad hoc : Les goûters philo chez Milan, Brin de philo chez Audibert, Philozenfants chez Nathan, La philo des Filous chez Labor (Belgique) etc.

Du côté de la formation, on vit se développer dans les circonscriptions et les IUFM des formations continues, et même initiales, essaimant peu à peu suivantl’intérêt des responsables. L’information démarre souvent par une conférence plénière de sensibilisation d’un étranger à l’académie dans les amphis d’IUFM (j’ai été personnellement sollicité par une dizaine), ou lors de regroupements pédagogiques, suscitant des « vocations » individuelles, des groupes de travail amenant des formations plusconsistantes l’année d’après. L’intérêt suscité progressivement auprès de professeurs de philosophie d’IUFM crédibilisa la démarcheNote42. Jean-Marc Juret, de formation philosophique, a soutenu le premier mémoire professionnel sur la philosophie en Segpa (CAPSAIS) en 1999 àAngers. Ces mémoires professionnels vont se multiplier chez les PE2, en lien souvent avec la maîtrise de l’oral, le débat ou la citoyenneté.

L’enseignement privé n’est pas en reste, puisqu’au cours de ses Assises Nationales du 1 er décembre 2001, une de ses actions prioritaires fut de « développer le questionnement philosophique à l’école primaire et aucollège », ce qui amènera l’UNAPEC à diffuser les expériences sur son site (www.sitecoles.com), à organiser pour les régions volontaires un stage national en 2002-2003 et 2003-2004, et des DDEC ou des CFP (ex : Montpellier, Toulouse, Angers) à en proposer, et à financer des recherchesNote43

Pour accompagner l’innovation, émergea un pôle de recherche universitaire à Montpellier 3, au sein du Centre de Recherches sur les Formes d’Enseignement et d’Education (CERFEE-IRSA), animé par M. Tozzi : de juin 2000 à octobre 2004, 16 maîtrises sur les nouvelles pratiques, 3 DESS, 7 DEA, 2 thèses (7 sont en cours), avec, coorganisés avecl’IUFM de Montpellier, un colloque sur « La discussion en éducation et formation » les 23 et 24 mai 2003, introduit par Jean-Marc Ferry en référence à HabermasNote44, et un symposium sur « Les outils d’analyse d’une discussion à visée philosophique » les 4 et 5 juin2004. Un corpus considérable de scripts, d’enregistrements a été réuni, banque de données à enrichir, mais déjà supports possibles de nombreuses autres recherches…Des praticiens, formateurs, doctorants, chercheurs furent encouragés à faire des communications dans les Biennales de la Formation et de l’Education, et dans des colloques universitaires (ex : symposiums sur ces nouvelles pratiques auxCongrès de l’AECSE de Lille en septembre 2002 et de Paris en septembre 2004).

Le colloque de Balaruc, du 26 au 28 mars 2003, coorganisé par les pôles académiques « innovation » des académies de Montpellier, Caen et Créteil, et le bureau des innovations de la Division des enseignements scolaires (DESCO) du Ministère de l’Education Nationale, dont le responsable scientifique était M.Tozzi, est considéré comme historique, car les Inspections de philosophie générale et régionale, jusque là officiellement absentes sur un champ, le premier degré, qui ne relevait pas de leur discipline, imposèrent leur présence, firent changer l’intitulé du colloque, furent très présentes dans les débats et obtinrent une diffusion d’actes allégés, et réduite auxparticipants. Mais elles durent prendre connaissance des expériences, convenir que c’était réflexivement formateur (tout en trouvant que c’était peu philosophique), et entendre les arguments de leurs partisans, tout en donnant les leurs : le débat sur ces pratiques, jusqu’ici ignorées voire méprisées par la philosophie institutionnelle, put enfin avoir lieu sur la double question de leur caractère formateur etde la légitimité de leur visée philosophique (alors que la pratique de M. Lipman n’est guère contestée par exemple au Québec ou en Belgique par les philosophes eux-mêmes).

Celui des 24 et 25 novembre 2004, à l’IUFM de Caen, organisé par Isabelle Olivo, professeure agrégée de philosophie dans cet institut, s’attachait clairement, en présence de l’Inspectiongénérale de philosophie et de départements universitaires de philosophie et de sciences de l’éducation, à déterminer quel type de programme et quelle formation seraient souhaitables en cas d’institutionnalisation dans le premier degré.

Les mouvements pédagogiques valorisèrent ces expériences, qui leur semblaient un pas de plus vers la formation à l’autonomie de penséedes élèves : le CRAP dans les Cahiers pédagogiques Note45(Kristel Godefroy à Nantes, Françoise Carraud à Châlons, Odile Sotinel à Paris, Christophe Roiné à Bordeaux ; Christine Vallin, professeur de musique au collège de Chauffailles46). L’OCCE a intégré cette préoccupation dans son travail sur la parole de l’enfant (Animation et éducation n°166 de janvier/février 2002). L’ICEM a consacré un dossier spécial à « La philosophie à l’école » dans le n°137 du Nouvel éducateurde mars 2002, et Sylvain Connac a beaucoup alimenté le débat dans le mouvement sur ce terrain. On a assisté dans la région lyonnaise à un croisement original entre la pédagogie coopérative et le courant Lévine, et à Caen avec le courant Lipman. Le GFEN a publié des articles dans Pratiques de la philosophie n°9 (janvier 2004) etc. Des associations spécifiques se sont créées, commeD’Phi à l’initiative de S. BrelNote47, Philomômes à Rouen à l’initiative de S. Morisse…

Les pratiques se diffusèrent plus facilement dans les maternelles, en l’absence de programmes contraignants, et parce qu’on y est très attentif à la parole et àl’éveil de l’enfant à la vie (rôle ici de l’AGIEM). La diffusion fut aussi accélérée avec les nouveaux programmes du primaire en 2002 : d’une part parce que le débat était très valorisé dans toutes les disciplines, prenant figure d’activité transversale, et que sa demi-heure hebdomadaire obligatoire donnait un point d’ancrage réglementaire à ces nouvellespratiques ; d’autre part parce que l’importance donnée, pour la première fois au primaire, au-delà de la lecture, à la littérature, permettait d’articuler les débats d’interprétation sur des textes avec des discussions à visée philosophique. Ce fut moins facile dans les collèges, où règnent le découpage et l’identité disciplinaires ; mais le débat enfrançais, et plus largement recommandé dans d’autres disciplines (éducation civique, débat scientifique), ou l’heure de vie de classe purent fournir des opportunités. On vit aussi des clubs philo émerger, et la problématique de l’intérêt de la philosophie pour les adolescents en quête de sens apparaître. D’où le succès en Segpa, classe avec moins d’enseignants, plus polyvalents,moins stressés par les programmes…

II) Quelques ÉlÉments d’analyse

On ne peut qu’être frappé par l’apparition au même moment, dans les années 96-99, dans différents points du territoire français, portés par des acteurs différents (enseignants, formateurs) qui ne se connaissaient pas alors, de pratiques qui se nomment d’embléephilosophiques, et de leur développement rapide. Pourquoi cette émergence soudaine, et pourquoi cette montée en puissance, alors que certaines tentatives antérieures n’avaient pas essaimées ? On peut tenter quelques hypothèses.

Le développement de la pratique d’A. Pautard a certainement bénéficié d’une heureuse conjonction à cause de sa formalisation dans unprotocole simple, stabilisé et aisément transposable de la moyenne section de maternelle à la troisième de collège, du soutien et la théorisation de J. Lévine, de sa diffusion par le réseau de l’AGSAS (bulletins, journées d’études, groupes de travail), de l’appui institutionnel de l’IEN D. Sénore, des formations organisées par l’association et l’Education Nationale. C’estune initiative originale, française, qui a transmuté l’intérêt psycho-existentiel pour les enfants de l’expression orale à l’école en processus « philogénétique » d’émergence du sujet parlant (le parlêtre de Lacan) en être qui pense (en « pensêtre »). Aucun rapport avec Lipman, car on travaille ici en amont du raisonnement, surl’attitude de recherche comme préalable problématisant de cet être problématique qu’est l’homme, le fondement (plus que l’origine) où un sujet s’autorise (« s’autheurise » dit Ardoino), devient la source, l’auteur de sa propre pensée (ce qui est valable aussi bien en Segpa, où il y a réparation narcissique de l’élève qui se vit nul, qu’enmaternelle).

Toutefois, le fil sous terrain et conducteur de nombre d’initiatives, venu des Etats-unis par l’aire francophone (Québec, Belgique), est la connaissance de bribes de la méthode de Lipman (dont les ouvrages, et surtout les livres du maître, étaient très difficiles à trouver), qui avait osé ce qui paraissait incongru dans la tradition française, mais qui avait créé leprécédent : philosopher avec les enfants. La dynamique à Caen, impulsée au départ par une formation longue, a été par exemple favorisée par l’épaulement lipmanien québécois de R. Palascio, comme à Clermont-Ferrand avec le soutien de M.F. Daniel (alors que ces initiatives n’émanaient pas dans les deux cas de philosophes). Elle a pu s’appuyer à Caen sur la reconnaissanceofficielle de ces pratiques par le pôle académique innovation, avec des moyens accordés aux équipes et des décharges pour sa valorisation/diffusion, et sa crédibilité par l’association aux formations de professeurs de philosophie.

Le pôle montpelliérain provient d’une troisième source. Il bénéficiait d’un chercheur en sciences de l’éducation, M. Tozzi, depuisdix ans spécialisé dans la didactique de la philosophie, qui a choisi de faire de ce champ émergeant de pratiques son nouvel objet de recherche, et a utilisé le temps et la logistique de sa fonction de professeur d’université à des conférences, communications, formations et recherches…Son élaboration d’une matrice didactique articulant de façon spécifique les processus de problématisation, deconceptualisation et d’argumentation nécessaires à l’apprentissage du philosopher, élaborée d’abord pour les élèves de terminale, a fourni une approche nouvelle par rapport à la définition de Lipman d’une pensée d’excellence, à la fois critique (le critical thinking des anglo-saxons), créatrice et « attentionnée » (de carry, prendre soin)Note48. Avait aussi de l’importance, dans son entreprise de didactisation, l’affinement de dispositifs de débat, issus dans la cité de la pratique de cafés philo (une spécificité là aussi française), et à l’école de la tradition de la pédagogie institutionnelle : la discussionà visée philosophique prenait alors, de cette double influence, la forme d’un dispositif de débat démocratique avec de fortes exigences intellectuelles. Le pôle innovation du rectorat a relayé ces recherches, en reconnaissant des expériences de terrain et organisant le colloque de Balaruc.

A contribué à coup sur, de façon plus générale, à la popularisation de toutesces pratiques l’organisation d’un réseau informel efficace de mutualisation d’expériences, d’expérimentations in situ (ateliers de mise en situation avec comparaison entre méthodes vécues) lors de colloques annuels organisés par des personnalités dynamiques attachées à cette innovation, avec l’édition de leurs actes : plus de cent à cent cinquanteparticipants représentant les diverses sensibilités – ou eux-mêmes – confrontaient leurs pratiques et analyses dans l’intérêt réciproque et sans exclusive.

Internet a joué un rôle important dans cette diffusion : site des participants aux colloques où l’on trouvait des analyses, articles de praticiens (donnant à voir leur pratique et la formalisant parécrit), site de l’AGSASNote49, de M. Tozzi (articles de recherches)Note50 ou de praticiens eux-mêmes (ex : G. Geneviève…) ; liste de diffusion de J.F. Chazerans où se confrontaientlibrement, parfois polémiquement, différentes positions sans aucune normalisation possible, et listes d’autres réseaux…

Il y eut, comme pour toute innovation, de fortes résistances : normales pour les praticiens (thèmes non inscrits au programme, sujets sensibles avec de jeunes enfants et pour les familles, absence de formation, déplacement de l’identité du maître dans sa relationà la parole, au pouvoir, au savoir…), significatives dans l’institution (activité hors programme, prématurée, voire dangereuse) : des dossiers d’entretien pour entrer en IUFM furent découragés au débutNote51. L’institution et les corps philosophiques étaient hostiles : on usurpaitle mot, dévalorisait la discipline, instrumentait sa viséeNote52…Il fallut dans la période initiale cacher le mot philosophie, et employer les mots programmatiquement corrects, dire qu’on faisait du français, de la langue, de l’oral, du débat ou de la citoyenneté…

Mais ily eu vite des soutiens dans l’institution : ces pratiques convergeaient en effet avec les missions de l’école primaire (maîtrise orale de la langue, éducation à la citoyenneté), et même donnaient des moyens inédits de les atteindre. Elles pouvaient pacifier certaines classes, l’intérêt des élèves à aborder les problèmes existentiels qui les taraudaient renouantl’écoute et le dialogue entre eux et avec leur enseignant, et apparaissaient comme une voie pour prévenir la violence. D’où leur succès dans les zones sensibles, ou avec des élèves en difficulté comme dans les Segpa, alors que la philosophie est paradoxalement dans les têtes une discipline ardue…

L’innovation, dont la logique apparaissait comme subversive jadis dans un systèmetrès bureaucratisé (C. Freinet avait dû créer sa propre école privée !), est devenue aujourd’hui un des moyens de pilotage du système éducatif : certaines cellules académiques « inno-valo », mandatées pour les détecter, valoriser, diffuser, furent sensibles à ces pratiques, qu’elles reconnurent, encouragèrent et firent connaître… Les tensionstraversaient donc l’institution elle-même, renvoyant à des arbitrages de plus en plus positifs (ex : la position favorable du Ministre Luc Ferry, par ailleurs professeur de philosophie à la Sorbonne). Ces soutiens institutionnels et fonctionnels (conseillers pédagogiques de circonscription et inspecteurs du premier degré, pôles académiques innovation, formateurs d’IUFM avec certains professeurs de philosophie, réseau des CRDPpour les colloques et les publications, Ministre), ont pesé dans le processus et les stratégies d’extension de l’innovation.

Il y a là donc, dans cette drôle d’innovation rompant avec la tradition de l’enseignement philosophique français, et redéfinissant l’identité professionnelle des maîtres, la conjonction complexe :

- de personnalités dynamiquespuisque les premiers praticiens ne se sont autorisés que d’eux-mêmes ;

- de supports actifs de réseaux associatifs et informatiques divers ;

- de la connaissance d’expériences crédibles à l’étranger de philosophie avec les enfants ;

- d’impulsion ou/et d’accompagnement de ces pratiques par des formations innovantes et desrecherches, en particulier sur la didactique de l’apprentissage du philosopher ;

- d’une institution au départ surprise, voire réticente, mais peu à peu gagnée par l’intérêt langagier (oral et débat argumentatif), citoyen (la civilité restaurée, la parole et le débat démocratiques), psycho-existentiel (instauration et restauration de la dignité del’élève – enfant ou adolescent – comme être pensant) et réflexif (développement de capacité cognitives) de ces expériences.

Dans un contexte sociétal où la panne des utopies alternatives, la montée de l’individualisme et des incertitudes économiques et relationnelles posent avec radicalité la question du sens de son existence, la réflexion philosophique devientl’un des recours de la personne face à l’étourdissement dans le divertissement pascalien d’une société de consommation. Dans le contexte éducatif d’une école massifiée où la crise de l’autorité des adultes et du savoir engendre chez nombre d’élèves une interrogation sur le sens de l’école, et où celle-ci peut être entendue depuis qu’avec la conventioninternationale des droits de l’enfant, on a placé l’élève au centre du système éducatif (loi d’orientation du 10 juillet 1989), la discussion à visée philosophique (la DVP) semble une contribution en phase avec la période pour construire un rapport motivé et non dogmatique au savoir, un rapport plus coopératif au pouvoir et à la loi, deux des figures de la crise de ce sens. On y cultive dans la classeinstituée en « communauté de recherche » le sens du problème et l’exigence intellectuelle du « meilleur argument », selon la formule d’Habermas, tout en y développant une éthique communicationnelle favorisant l’écoute et le respect, les valeurs démocratiques d’expression et de confrontation.

Les innovateurs, toujours en quêted’expériences pour résoudre les difficultés du terrain que leur posent les dysfonctionnements du système éducatif, à un moment où les chercheurs ne les ont pas encore problématisés, tentent l’expérience de cette voie. L’institution semble y voir un intérêt formateur, même si est contesté par les gardiens du temple son caractère « philosophique ».C’est cette synergie qui peut expliquer son développement. C’est elle aussi qui fait surgir une ambivalence. Ira-t-on jusqu’à une institutionnalisation de la philosophie à l’école primaire ? Une innovation qui ne dérange plus arrange le système, déclare la sociologie critique : la DVP, dissolution du pouvoir corrosif de la philosophie par l’édulcoration de ses pratiques, dernière astucenéolibérale pour pacifier les banlieues sensibles ? Ou contribution formative au développement de l’enfant, à un homme réfléchissant sa vie, à un « citoyen réflexif » ?

Brève bibliographie

  • Penser par soi même, initiation à la philosophie, Chronique Sociale, Lyon,1994.
  • Eléments pour une didactique de l’apprentissage du philosopher, Thèse d’habilitation à diriger des recherches, Lyon 2, 1998.
  • Tozzi et al, L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, CRDP Montpellier-CNDP-Hachette, 2001.
  • Tozzi et al, Discuter philosophiquement àl’école primaire. Pratiques, formations, recherches, CRDP Montpellier, 2002.
  • Tozzi et al, Nouvelles pratiques philosophiques en classe, enjeux et démarches, CNDP-CRDP de Bretagne, 2002.
  • Lalanne A., Faire de la philosophie à l’école primaire, ESF, 2002.
  • Tozzi et al, Les activités à visée philosophique en classe :l’émergence d’un genre ?, CNDP-CRDP de Bretagne, 2003.
  • Chatain J., Pettier J.C., Textes et débats à visée philosophiques au cycle 3, au collège, SCEREN-CRDP Créteil, 2003.
  • Philo à tous les étages, CRDP Bretagne, 2004.
  • Galichet F., Pratiquer la philosophie à l’école, Nathan2004.

Notes
(Cliquez sur les pour revenir au texte)

1 – Un autre éclairage pourra être donné par l’ouvrage de J.F. Chazerans en préparation, où sont recueillis les textes de témoignages des principaux acteurs de la philosophie avec les enfants.

2 – Auguet G., La discussion à viséephilosophique en cycle 2 et 3 : un genre nouveau en voie d’institution ?, Montpellier 3, déc. 2003. Dans son DEA, Approche linguistique de la philosophie pour enfants, Montpellier 3, oct. 2000, il a dégagé les instruments linguistiques, notamment pragmatiques, qui permettent d’analyser des corpus de discussions.

3 – Connac S., Discussions à visée philosophique et classes coopératives en ZEP, Montpellier 3, juin 2004. L’auteur, professeur d’école de cycle 3, analyse un corpus de 2000 à 2003, articulant les apprentissages de la démocratie et du philosopher.

4 – De la pédagogie institutionnelle à la formation des maîtres (dir. J. Pain), Matrice, 1994, p. 79-80.

5 – Rappelons qu’en pédagogie institutionnelle, toute institution répond à unbesoin éducatif.

6 – Voir sur ce point les p. 25 à 27 de la thèse de S. Connac.

7 – Toupet L.,Les méthodes innovatrices dans le système des écoles associées, UNESCO, 1988, p. 31.

8 – Jean-Yves Château, dans son intervention au colloque de Balaruc des 26, 27 et 28 mars 2003 : « Des expériences de débat à l’écoleet au collège : discussion à visée philosophique ou pensée réflexive ? » (Actes publiés par la DESCO en juin 2004, p. 47).

9 – Christiane Meynasseyre, doyenne de l’IG, déclarait à ce même colloque que, face à lademande de philosophie, ce n’est pas « explicitement, spécifiquement et d’emblée à la philosophie de répondre à ces attentes,…(mais) à l’école elle-même, dans ses missions essentielles » (actes, p. 96).

10 -GREPH, Qui a peur de la philosophie, Flammarion, Paris, 1977.

11 – Etats généraux de la philosophie (16 et 17 juin 1979), Flammarion, Paris, 1979.

12 – Cf Un café pour Socrate, R. Laffont, 1995.

13 – Un article de C. Lupu rend compte de cette expérience dans le n° 24 de Diotime (à paraître en 2005).

14 – On peut lire le compte rendu de ces expériences dans les n° 6,7 et 9 de Je est un autre, revue de l’AGSAS, ainsi que dans son numéro hors série de février 2001. Ou le témoignage d’A. Pautard dans les Actes du colloque de Balaruc (op. cit.). Ou consulter le sitehttp://ateliers.philo.free.fr

15 – Pour comprendre ces principes, voir l’article de J. Lévine « Les ateliers de philosophie de l’AGSAS : spécificité, pratiques et fondements », in GFEN, Pratiques de la philosophie n°9, janv. 2004. Ou monintervention au colloque de Bruxelles du 14 février 2004 : « Lipman, Lévine, Tozzi : différences et complémentarités », in Leleux C. (coord .), Apprendre à penser dès 5 ans, De Boeck, Bruxelles, à paraître en 2005.

16 – La méthode Lipman a été introduite au Québec dans les années 1985, par le biais du cours de morale (travaux de Pierre Lebuis), comme en Belgique (par l’association Phare, créée à Mons par Marie-Pierre Doutrelepont). Elle intéressera très vite des philosophes universitaires, comme Michel Sasseville à la faculté de Laval (Cf son rapport à l’UNESCO de 1999 sur la philosophiepour enfants dans le monde).

17 – Cf les articles : – M. Bailleul, C. Barbier, R. Pallascio, 1998, « Une formation à la démarche Philosophie pour enfants », in Bulletin de l’Association Québécoise de Philosophie pour enfants, Québec.

– M. Bailleul, 2002, « Former à la philosophie pour enfants », in Diotime – L’Agora n°14, juin 2002, CRDP Languedoc-Roussillon.

– M. Bailleul,2002, « Former des professeurs d’école, dans le cadre de la formation continue, à la pratique des ateliers de philosophie à l’école primaire : effet de mode outentative de refondation ? », in Actes du Colloque international AFIRSE : Formations initiales et continues au regard des recherches et de la philosophie de l’éducation, Pau : AFIRSE.

– M. Bailleul,2003, « La discussion à visée philosophique à l’école primaire et au collège : enjeux, démarche et recherche », in Forum de larecherche de la HEP – Béjune, Cédérom, Bienne : HEP, Suisse.

18 – Voir le site www.chez.com/gillg14. Ou ses articles dans Diotime l’Agora, CRDP Languedoc-Rousillon : n° 17, mars 2003 sur l’aspectinnovant de ces pratiques ; n° 22, sept. 2004 sur sa fonction académique de personne-ressource.

19 – Auriac-Peyronnet E. (dir.), Je parle, tu parles, nous apprenons. Coopération et argumentation au service des apprentissages, De Boeck, Bruxelles, 2003.

- « Discussion philosophique : la prise en compte d’une opposition », Diotime l’Agora n° 17, mars 2003.

- « Les composantes d’une pensée réflexive : les compétences d’une pensée argumentative », in Daniel M.F., Lafortune , Pallascio R., Education et réflexivité, Presses universitaires du Québec, 2004.

20 – Voir son ouvrage : Faire de la philosophie à l’école élémentaire, ESF, Paris 2002.

21- Voir par exemple : "Philosopher à l’école primaire", Diotime l’Agora n°8, déc. 2000 ; “ Articuler des exigences intellectuelles sur un dispositif démocratique ”, in L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire , CNDP / Hachette, Paris, 2001 ; “ L’importance du dispositif ”, in Nouvelles pratiquesphilosophiques en classe : enjeux et démarches, CRDP de Bretagne, Rennes, 2002 ; « La discussion philosophique en maternelle »,Diotime l’Agora n°17, mars 2003 ; « La pensée provisoire en maternelle », in Les activités à visée philosophique en classe, CRDP de Bretagne, 2003 ; « Fonctions déléguées et discussion àvisée philosophique en maternelle », Les cahiers du CERFEE N°19 (Montpellier 3), 2003 ; « Un atelier en cycle 2 », in Philo à tous les étages, CRDP Bretagne, 2004.

22 – «  Contribution à une didactique del’apprentissage du philosopher », thèse soutenue avec Philippe Meirieu en 1992 à Lyon 2.

23 – Editeur du bulletin photocopié confidentiel de l’ARDAP (Association pour la Recherche en Didactique de l’apprentissage du Philosopher, douze numéros de mars1993 à octobre 1998), il crée en mars 1999, encouragé par Oscar Brenifier, une revue internationale de didactique de l’apprentissage du philosopher, Diotime-L’Agora, éditée par le CRDP Languedoc-Roussillon, qui va diffuser toutes les innovations à visée philosophique en France et à l’étranger, à l’école et dans la cité (dix-huit numéros papier jusqu’en juin 2003, etdepuis tous les numéros depuis l’origine sur le site www.ac-montpellier.fr/ressources/agora ).

24 – C’est par une conseillère pédagogique qu’il apprend que le projet de l’école à classe unique de Monteils repose sur la philosophie avec les enfants.Pascal Sonzogni, qui a pu faire des photocopies de livres du maître de Lipman, et qui pratique la méthode dans son coin, témoignera dans L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, CNDP/Hachette, 2001.

25 – Voir le compte rendude ce stage avec A. Lalanne en 2001-2002 : « Discussion philosophique en classe et identité professionnelle du professeur débutant, in Tréma n°20-21 (IUFM de Montpellier), avril 2003.

26 – Cf le rapport de Stoly Paschos et Gilles Pérez pourl’INRP (1998-2000), et celui de Jean-Charles Pettier et Thierry Bour de 2000-2001. Pour un exemple de pratique, voir le mémoire professionnel pour le Capsais de Marie-Cristine Nevoux : La philo au fil de l’eau, IUFM Créteil, 2001.

27 – La philosophie enéducation adaptée : obligation ou nécessité ?, Strasbourg 2, 2000. Elle est publiée aux Editions Septentrion de Villeneuve d’Ascq, et résumée dans l’ouvrage : Philosopher, un droit et des pratiques pour tous, Chronique sociale, Lyon, 2004.

28 – Voir par exemple « Philosophie et adolescents de Segpa en difficulté scolaire : huit ans de réflexion et de recherches », in Drouin-Hans A.M. (dir.), La philosophie saisie par l’éducation, CNDP, 2vol., à paraître. Ou son ouvrage avec Jacques Chatain, Textes et débats à visée philosophique au cycle 3, au collège (en SEGPA etailleurs …), CRDP de l’académie de Créteil, avril 2003.

29 – Celui-ci a mené une action dans une classe d’Institut médico professionnel dont on trouve un écho dans la cassette vidéo publiée par le CNDP Petit atelier de philosophie enIMPro.

30 – Les pratiques à viseé philosophique en AIS facilitent-elles l’acquisition des compétences transversales et disciplinaires ?, site de l’IUFM de Créteil. T. Bour a ouvert aussi le champ de l’AIS en animant dès 1999 des DVP dansune classe d’IMPro : voir sa cassette vidéo publié par le CNDP « Petit atelier de philosophie en IMPro».

31 – « Philosopher à l’école élémentaire – GRF de l’IUFM d’Alsace», Diotimel’Agora n°14, juin 2002. Voir ses interventions aux colloques de Paris (2001), Balaruc (2003), Caen (2004), dans les symposiums de l’AECSE…Il a publié en 2004 chez Nathan Pratiquer la philosophie à l’école. 15 débats pour les enfants du cycle 2 au collège.

32 – Camille Vasseur, Philosopher avant le lycée?, Lille 3, Juin 2001. Celle-ci a soutenu le premier DEA en philosophie sur la question.

33 – Diotime l’Agora n° 23, sept. 2004. Voir aussi « Philosopher en Segpa, pourquoipas ? », Diotime l’Agora n°21, Avril 2004.

34 – Chabanne J.C., Bucheton D., Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire. L’écrit et l’oral réflexif, Puf, 2002.

35 – Voir les témoignages de Jacky Caillier dans L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, op. cit., ou au colloque de Balaruc. Ou Decron A., « La coactivité maître-élèves au cours du débat, une nouvelle expertiseenseignante », in La discussion dans l’enseignement et la formation, Les cahiers du CERFEE (Montpellier 3) n°19, 2003. Et sur le rapprochement Bucheton D., Tozzi M., Littérature et débats réflexifs à l’école primaire, Collection Argos du CRDP de Picardie (à paraître).

36 – Site www.ac-rouen.fr/ecoles/bernanaost/htlm/philo.htm

On peut consulter aussi le travail d’A. Taurisson : www.educreuse23.ac-limoges.fr/projets/

37 – http://pratiquesphilo;free.fr/index.htm Il a établi une sitographie significative in Les activités à visée philosophique en classe, CRDP Bretagne, 2003.

38 – Sitewww.brenifier-philosopher.fr.st/

39 – Voir ses articles dans Diotime l’Agora, en ligne au CRDP de Montpellier, et ses collections chez Nathan (« L’apprenti philosophe » et « Philozenfants »).

40 – Plusieurs leaders du mouvement, comme O. Brénifier, J.F. Chazerans ou M. Tozzi sont impliqués sur les deux terrains, dont l’intersection commune est la pratique de la discussion.

41 – Extraits : « Bien que peu favorable – le mot est faible – à la dispersion de l’enseignement de la philosophie qu’en conséquence je réserve au lycée…Qui ne gagne à observer ou à connaître son inverse ?…Celui qui entrera dans l’examen de cette audace sans pareille – philosopher avec les enfants – en sortira ébranlé dansses convictions, voire même électrisé ».

42 – Par exemple Jean-marc Lamarre ou Edwige Chirouter au Mans, Alain Trouvé ou Nadia Lamm à Rouen, Anne-Laure le Guern ou Isabelle Olivo à Caen, N. Bliez à Lille, Annick Perrin à Paris, Pascal Bryfà Lyon, N. Go à Draguignan etc.

43 – Ex : Discuter philosophiquement à l’école primaire : quelles pratiques pour des professeurs d’école débutants, CFP/IFP de Montpellier, 2001-2003, 82 p.. Ou L’introduction de pratiquesà visée philosophique dans des collèges, idem, 2003-2005 (Pilotage des recherches M. Tozzi).

44 – Cd rom des 110 communications au service des publications de l’université Montpellier 3. Symposium sur « Le rôle du maître dans les discussionsà visée philosophique », in Tozzi M., Etienne R. La discussion en éducation et formation, L’Harmattan, Paris, 2004.

45 – Voir le n°402, Débattre en classe, fév.2002.

46 – Voir sa remarquable maîtrise Philosophie et nouvelles pratiques philosophiques : entre ruptures et continuités, Lille 3, 2003.

47 -Site http://Dphi.ifrance.com

48 – Voir la seconde édition de Thinking in Education, Cambridge University press, Cambridge, 2003.

49 – www.marelle.org/users/philo/

50 – www.philotozzi.com

51 – Unexemple issu de la préparation par le CNTE : « Votre choix est pour le moins original, mais il est discutable : peut-on sérieusement amener des enfants à « débattre » de ce qu’ils ne peuvent comprendre parce qu’ils n’en sont pas encore instruits ? Comme l’immense majorité de mes collègues professeurs de philosophie, je crains que ce type d’expériencesgénéreuses ne confonde expression d’opinions et argumentation rationnelle, sens commun et pensée, et pour tout dire démagogie et philosophie… Est-ce un bon choix pour aller subir une épreuve de concours ? Vous sentez-vous prête à affronter éventuellement les très fortes résistances du jury ?…N’oubliez pas qu’il s’agit d’une épreuve professionnelle (pas d’unconcours d’originalités) ».

52 – « Il ne faut pas que se répande l’idée simpliste que « philosopher c’est discuter » ; cela se retournerait contre nous » (Bureau national de l’APEPP du 29/03/03).Même l’ACIREPH, association progressiste des professeurs de philosophie, a refusé au départ d’intégrer cette préoccupation dans son Manifeste de 2001. Sa position a évolué : atelier de philosophie pour enfants et invitation de Y. Michaud en plénière sur ses pratiques avec les adolescents au colloque des 23 et 24 octobre 2003, dossier « Philosopher avec les enfants ? » dans sa revueCôté philo n°3 de novembre 2003…


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