Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Diversifier les formes d’écriture philosophique

Cette communication s’inscrit dans le cadre de nos recherches sur l’élaboration d’une didactique de l’apprentissage du philosopher . Après avoir défini trois capacités philosophiques de base (problématiser, conceptualiser, argumenter), à développer par des dispositifs spécifiques et interdépendants , et à travailler sur des notions philosophiques ; puis tenté d’articuler ces trois processus de… pensée sur des tâches complexes : lire, écrire et discuter philosophiquement, nous approfondissons actuellement la didactique de l’écriture philosophique.
La dissertation apparaît, avec la leçon de philosophie et l’étude des grands textes, comme l’un des trois piliers du paradigme organisateur de l’enseignement philosophique français. Et plus spécifiquement comme la forme canonique écrite del’apprentissage du philosopher, à la valeur éminemment formatrice.
Il ressort cependant de rapports commandités par le Ministère (Derrida-Bouveresse en 1989, Beyssade en 1993), et de l’avis du président du CNP L. Ferry, que celle-ci est fort difficile pour nombre d’élèves (en particulier les " nouveaux lycéens), ce dont témoignent les praticiens par une moyenne des notes à l’examen entre 7 et8/20.
La dissertation philosophique apparaît par ailleurs comme un genre didactisé par le système éducatif (cf. Chervel) : elle n’a pas toujours existé en France, et d’autres modes d’apprentissage du philosopher sont pratiqués à l’étranger (ex : un texte argumentatif développant une thèse dans le premier cours québécois).
Mais surtout les philosophes eux-mêmes ont trèsrarement utilisé la forme dissertative pour s’exprimer, sauf à passer des concours, comme Kant en 1770 ou Rousseau avec ses deux discours. Il ont par contre écrit sous des formes très diversifiées : le dialogue (Platon), le poème (Lucrèce), la lettre (Epicure), l’aphorisme (Epictète), la méditation (Descartes), l’essai (Leibniz), le conte (Voltaire) etc.
Notre recherche consiste à didactiser cesdiverses formes d’écriture philosophique, soit comme alternatives (avec des adultes), soit comme préparatoires à la dissertation (en classe).
Nous avons expérimenté depuis 1997 plusieurs genres dans des ateliers d’écriture philosophique. Nous avons ensuite formé des professeurs de philosophie en France, et de morale en Belgique ( qui vient d’introduire en première et terminale un programme de philosophie), puisproposé un protocole :
à partir d’un sujet en rapport avec le programme mais choisi par les élèves,
– écriture d’aphorismes personnels, puis influencés par des pairs et des philosophes
– expansion en dix lignes d’un de ces aphorismes
– réaction écrite en binome au texte de chacun, et échange de lettres philosophiques
– discussion en plénière conduite par leprofesseur, puis écriture personnelle de stabilisation
– écriture, après ces confrontations écrites et orales à l’altérité, d’un dialogue intérieur avec soi, intégrant les objections rencontrées
– écriture finale d’une dissertation, avec problématisation de l’introduction, et effacement des marqueurs linguistiques du dialogue.
Il s’agit donc de renouveler l’approche de ladissertation par des formes diversifiées d’écriture philosophique, et plus généralement d’apprendre à philosopher par l’expression confrontée de sa pensée dans des genres variés. Cette recherche sera publiée fin 1999 par le CRDP de Montpellier.

Michel TOZZI, Maître de conférences habilité à diriger des recherches
Département des Sciences del’Education – Université Montpellier III

Laisser un commentaire


google

couk