Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

La laïcité comme « espace public de discussion »

« L’affaire du voile » a rabattu la laïcité sur sa dimension historiquement datée : celle de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, pour que celle-ci n’impose pas ses croyances à l’école publique. D’où l’interprétation : ne pas exprimer publiquement ses croyances à l’école , pour éviter toute polémique, tout…

prosélytisme, toute propagande ; celles-ci doivent être considérées comme de l’ordre du privé, réservé à la famille et l’extra scolaire. Au fond, ne parlons pas de nos différences, encore moins de nos divergences, de tout ce qui pourrait fâcher. La laïcité implique dans l’institution la neutralité, tant des élèves que des enseignants, condition de la paixscolaire.

Mais l’aspect positif, et pas seulement défensif de la laïcité, dans un régime démocratique qui garantit en son sein le droit d’expression et la pluralité des opinions, c’est le respect de toutes les opinions, par exemple politiques, religieuses, sexuelles. On pourra dire alors : toute opinion a droit de cité à l’école, dès lors qu’elle n’entrave passon fonctionnement (programmes, assiduité, civilité…), et respecte les valeurs de l’idéal républicain (liberté, égalité…). On peut alors penser qu’une laïcité ouverte, bien loin d’interdire en son sein l’expression de la diversité des opinions, pourrait au contraire les favoriser dans « un espace public scolaire ». Ce pourrait être le rôle de discussionsrégulées, où le maître, sans chercher à influencer sur le fond les élèves, garantirait :

- une éthique discussionnelle, qui permettrait à chaque élève d’exprimer et de confronter ses positions à celles de ses camarades ou d’auteurs, afin de s’entraîner à l’écoute et au respect des idées d’autrui, etd’évoluer au contact de la différence dans ses propres idées, au sein d’une classe devenant une « communauté de recherche » (Lipman ») ;

- des exigences intellectuelles, pour que chacun prenne conscience de l’origine familiale, sociale, médiatique de ses opinions, afin d’apprendre à penser par lui-même.

C’est le sensdémocratique et laïque que nous attribuons au développement dans le système éducatif de « discussions à visée philosophique » : une laïcité de confrontation régulée dans un espace public scolaireNote1 .

M. Tozzi, professeur àMontpellier 3


Notes
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1 – Tozzi M., « Débatscolaire : les enjeux anthropologiques d’une didactisation », Tréma n°23 , mai 2004, IUFM de Montpellier.
Tozzi M., Etienne R ., La discussion en éducation et formation, L’Harmattan, 2004.

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