Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Un atelier philosophie autour de la laïcité au cycle 3 de l’école primaire et au collège 

Séquence pédagogique Cycle 3 Collège

Atelier-philo autour de la laïcité

 

1 Objectifs poursuivis

• Débattre en classe

Présentation • On peut avoir une conception de la laïcité réduite à la neutralité de l’enseignant : « Ne pas dire ou laisser dire en classe,…

disait Jules Ferry, quoi que ce soit qui pourrait froisser ou choquer l’oreille d’un seul des parents de vos élèves ». • Mais l’éducation à la citoyenneté, pour laquelle l’enseignant comporte l’obligation d’apprendre aux élèves à débattre, donc à exprimer leurs opinions dans les programmes de 2002 de l’école primaire, c’est l’objectif dela demi-heure hebdomadaire de « débat réglé » ; et c’est l’un des objectifs de l’éducation civique au collège. • Comment donc articuler en classe le droit d’expression des idées avec l’interdiction d’exprimer certaines idées politiquement, religieusement ou sexuellement « incorrectes » ? D’autant que les élèves du primaireou du collège sont en apprentissage de citoyenneté, avec le droit à l’erreur nécessaire à tout apprentissage. • C’est quand on infléchit le débat démocratique vers une visée philosophique, pour travailler à l’éducation d’un « citoyen réflexif », que la tension entre neutralité et expression des idées devient forte.L’apprentissage du « penser par soi-même » suppose en effet une « communauté de recherche », une discussion avec des exigences intellectuelles, pour que le futur citoyen tombe moins facilement dans les dérives toujours possibles de la démocratie : la doxologie (dire ce que l’on pense sans vraiment penser ce que l’on dit, alors que tout droit d’expression a pour contre-partiele devoir d’argumentation) ; la sophistique (dé-battre en tentant de con-vaincre l’autre pour avoir raison – de lui) ; ou la démagogie (se rallier à l’opinion de la majorité, pour qu’elle vote pour vous, et fasse nombre). • Nous proposons donc ici des discussions à visée à la fois démocratique et philosophique sur la laïcité : débaten français, en éducation civique, en heure de vie de classe ; discussion démocratique, par la forme même des discussions, parce que la confrontation réglée des opinions dans l’« espace public » de la classe construit le champ d’une laïcité ouverte ; discussion philosophique, par les exigences intellectuelles de problématiser, deconceptualiser et d’argumenter la notion de laïcité.

 

2 Dispositif pour dÉbattre (visÉe dÉmocratique)

• Des rôles différents pour les élèves et des procédures pour débattre

Déroulement • Les séances se déroulent en classe plénière ou endemi-groupes. Des discutants sont assis en forme de U ; face à eux est assis l’enseignant, avec à ses côtés un président, un reformulateur et un synthétiseur. Au centre du cercle un élève distribue le micro. • Le président de séance n’intervient pas sur le fond, mais gère la forme du débat. Il donne la parole dans l’ordre de ceux qui lèvent la main,avec priorité à ceux qui ne se sont pas exprimés. Il peut tendre la perche aux muets. Il doit rappeler à l’ordre ceux qui se dissipent et gère le temps. Son pouvoir n’est pas seulement un droit, c’est aussi le devoir d’être impartial. Il est le garant des règles. • Le reformulateur n’intervient pas dans la discussion, il écoute, note l’essentiel etle restitue périodiquement. Ce travail nécessite une décentration de son propre point de vue, un effort d’objectivité, et facilite une éthique communicationnelle. • Le synthétiseur (secrétaire de séance) n’intervient pas sur le fond, il écoute, note l’essentiel et, à mi-parcours et à la fin, fait une synthèse. La fidélité aux propos tenuscaractérise un reformulateur ou synthétiseur juste. • L’élève micro donne le micro à l’élève désigné par le président. Le micro met démocratiquement à égalité en amplifiant des voix parfois inaudibles.

• Les discutants débattent sur la question proposée en s’impliquant personnellement. Ils ont pourmission de construire leur pensée au contact de celle des autres, et de faire avancer collectivement le débat. • Il peut y avoir aussi des observateurs des différentes fonctions, que ceux-ci tiendront ultérieurement. • L’enseignant, après avoir rappelé les objectifs de la séance, institue les élèves dans leur fonction (ceux-ci reformulent le« cahier des charges » de leur rôle), et rappelle les règles de fonctionnement. Il lance la question qui sera débattue. Après avoir délégué une partie de son autorité aux co-animateurs, il s’efface notablement sur le fond. Il reste garant du bon déroulement, en étayant si nécessaire le président, le reformulateur ou le synthétiseur, et peut recadrer, relancer ladiscussion, demander une précision. • Les fonctions donnent à chacun une place précise. Utiles à tous, elles autonomisent et responsabilisent. Les règles sont dites, sont évolutives selon la vie du groupe. Comprises parce qu’en partie coélaborées, analysées dans leur aspect fonctionnel et idéologique, elles développent un rapport plus coopératif à la loi, et régulent le débat par un travail de maîtrise des affects.

Les phases du débat • On peut distinguer : la phase de démarrage, où l’enseignant met en place le dispositif ; la phase de discussion proprement dite, où les élèves échangent entre eux, et pas seulement avec le maître, qui se clôt par le rapport du synthétiseur, avec le« plus » éventuel du maître ; la phase métacognitive, conduite par le maître, qui demande à chacune d’analyser la façon dont il a tenu sa fonction et mobilisé sa pensée en sollicitant aussi les observateurs. • On peut aussi articuler dans la réflexion l’écrit avec l’oral, avec les avantages des processusrédactionnels pour la précision d’une pensée, et pour des élèves plus réflexifs, qui ont besoin de temps, ou pourront lire au cours de la discussion ce qu’ils ont écrit sans avoir à trouver sur le coup des idées. Écriture avant la phase de discussion de ses idées personnelles, puis après la discussion.

 

3 Exigences intellectuelles (visÉephilosophique)

Favoriser des processus de pensée

• La problématisation. Le maître dévolue le questionnement au groupe et aux élèves, qui posent des questions à leurs camarades, mieux encore se posent à haute voix des questions à eux-mêmes. Il développe une « culture de la question », et pas seulement de la réponse (comme dans lesmoments où il transmet le patrimoine scientifique) car ce sont les questions que « je » me pose qui me mettent en situation de recherche, et donne sens au désir de savoir. La problématisation, c’est l’émergence de questions qui font problème, donc exigent discussion, parce que différents points de vue peuvent légitimement être développés. • La conceptualisation.Il s’agit de savoir de quoi on parle. D’où la nécessité de définir les mots (de la langue), c’est-à-dire les notions (de la pensée), de les distinguer d’autres. • L’argumentation rationnelle. Une question problématique cherche une réponse (thèse ou antithèse), doit être rationnellement justifiée pour savoir si ce qu’on dit est vrai.• Cet entraînement au doute, ce sens du questionnement, du besoin de définir, d’argumenter, d’objecter, cette capacité à se décentrer de son point de vue, bref cette démarche de recherche développent un rapport non dogmatique au savoir.

 

Des questions autour de la laïcité (dans une perspective de réflexion, et non ici, de« moralisation »). Il y a une tension : quand la loi a juridiquement tranché, elle doit être dite et appliquée dans l’école républicaine. Le futur citoyen qu’est l’élève doit la connaître et ensuite s’y conformer, sous peine de sanction. Mais d’autre part cette loi peut et doit aussi être interrogée par la réflexion de l’élève entant que futur citoyen (c’est le champ de la philosophie politique ou de l’éthique), en vertu de la distinction conceptuelle fondamentale entre le légal (la loi actuelle, telle qu’elle existe en fait), et le légitime (la loi telle qu’elle « doit », ou devrait exister pour être « juste »). Car une loi en cours peut être considérée commepolitiquement injuste ou moralement mauvaise (exemple des révolutions contre les dictatures).



Questions pour faire réfléchir sur le sens de la laïcité à la française, qui feront écho ou contrepoint au travail fait en histoire ou en éducation civique sur des textes (qui sont des réponses à ces questions) :

– Peut-on parler en classe de religion ? Si non,pourquoi ? Si oui, comment ?

Quelles sont les différentes façons de réagir devant la foi en la divinité ?

– Y a-t-il des religions plus vraies que d’autres ?

– Peut-on changer de religion ?

– Vaut-il mieux être croyant ou athée ? Que penser de ceux qui ont une religion quand on est athée, et inversement ? De ceux qui ont une autrereligion que la mienne ?

– Peut-on discuter entre athées et croyants ? Par exemple entre catholiques et musulmans ? Sinon, pourquoi ? Si oui, comment ?

– La foi est-elle opposée à la raison ?

– Doit-on tenter de convaincre les autres de la vérité de sa religion ? De son athéisme ? Si non pourquoi ? Si oui,comment ?

– Faut-il considérer la loi de Dieu (s’il existe), comme supérieure aux lois des hommes ? Aux droits de l’homme et du citoyen ?

– Doit-on garder la (sa) religion pour la (sa) vie personnelle, privée, ou l’exprimer en public ? Si oui dans quelles limites ?

– Que faire si la pratique de la (ma) religion s’oppose aux lois du (de mon) pays ? Aux droitsde l’homme et du citoyen ?

– Quelle doit être l’attitude d’un gouvernement (de l’État) vis-à-vis de la (des) religion(s) ? Doit-il combattre toutes les religions ? Ou seulement les groupes qu’il considère comme des « sectes » ? Respecter toutes les croyances? En favoriser une par rapport aux autres?

• Mêmes types de questions pour lapolitique, la sexualité, etc.


4 Distinctions conceptuelles utiles

• Clarifier les notions, opérer des distinctions conceptuelles

 

Des repères • Toutes ces questions comportent des notions (Dieu, religion, secte, croyance, athéisme, loi, droit, foi, raison, gouvernement, pays, privé, public…). Dans une discussion, ce sont les représentations de ces notions qui s’expriment et sont confrontées. Il faut donc que chacun explicite ce qu’il met sous les mots (notions), et donc précise son idée pour que les individus se comprennent, et que le groupe construise progressivement des concepts communs. Car pour penser, on a besoin de se poser des questions sur le lien entre des notions (Dieu/religion), leur rapprochement(croyance/foi), leur opposition (croyant/athée), leur ressemblances/différences (catholique/musulman), et surtout de faire des distinctions conceptuelles (foi/raison, savoir/croire, loi de Dieu/loi des hommes, légal/légitime). • Le concept français. La laïcité repose en France sur le principe de séparation des sociétés civile et religieuse (loi de 1905) : la dernièrene peut avoir de pouvoir politique. L’école publique est non confessionnelle, mais il peut exister des écoles privées qui le sont, avec leur caractère propre. On distingue la vie privée, avec sa liberté de conscience, le droit d’avoir ou pas une religion, et la vie publique, où certaines limitations sont prévues par l’État (ex : le port de signes ostensiblement religieuxà l’école publique). • Des clarifications nécessaires. Beaucoup d’élèves confondent citoyenneté (appartenance à un État dont on est citoyen, avec des droits politiques) ; nationalité  (appartenance à une nation, renvoyant socio-historiquement à un peuple ; il peut y avoir dans un pays plusieurs nations (ex : ex-Union Soviétique) ou plusieurs peuples) ; ethnie (groupe d’appartenance historique, linguistique et culturel, souvent infra ou transétatique (ex : berbère) ; religion (ensemble de croyances et de rites relatifs au rapport avec une transcendance sacrée) ; cultures (ensemble de manières de penser, de se comporter, de vivre propre à certains groupessociaux) ; et langue (modalité du langage humain propre à une communauté).

 

Des difficultés. Certains élèves, notamment de ZEP, identifient souvent marocain et musulman (on peut être marocain et juif) ; algérien et arabe (on peut avoir la citoyenneté algérienne, tout en étant berbère) ; arabe et musulman (on peut-être arabe et chrétien, musulman et perse). Beaucoup d’élèves de parents algériens sont français parce que nés en France (droit du sol), mais ne se croient pas français, et identifient français et catholique. On les identifie souvent comme « arabes », donc « non français » ! D’où la difficulté à comprendre les questions reliant État et religion : parce que le lien État-religion n’est pas le même en France et ailleurs (par exemple au Maghreb, où la religion imprègne la vie publique : le roi du Maroc est « commandant des croyants ») ; et parce que la laïcité est très spécifique en France, à cause du poids de l’Église catholique dans l’histoire du pays, et assez incomprise en Europe : nos voisins trouvent la loisur le voile peu tolérante ; les anglo-saxons, valorisant les particularités, s’étonnent de notre rejet du « communautarisme » (que nous définissons comme une crispation identitaire sur une appartenance communautaire au détriment de l’égalité républicaine).

Quelques concepts-clés • Une opinion, en philosophie, est uneidée au mieux vraisemblable, mais insuffisamment fondée en raison, qui relève souvent du préjugé, réponse non réfléchie empruntée au milieu ambiant (famille, quartier, médias). • La croyance est synonyme d’opinion en tant que certitude (sentiment subjectif d’évidence ; l’évidence est une impression qui se prend pour le vrai), mais sans preuvescientifique. Dans son sens religieux, elle est l’assentiment de l’esprit à une vérité transcendante (Dieu), et appelle à la foi, adhésion spirituelle à des vérités révélées (dogmes) et, pour les religions monothéistes, confiance en la personne divine. Un texte révélé peut être compris littéralement : c’est le fondamentalismereligieux, qui revient aux fondements textuels de la foi. Le texte peut être aussi interprété dans son esprit, donnant lieu à de l’exégèse, pour éclairer son sens caché, symbolique. L’utilisation politique de la religion peut entraîner le fanatisme, conscience d’être dans la vérité absolue qui doit être imposée à tous et leterrorisme, utilisation de moyens violents pour aboutir à une cause jugée juste. La tolérance au contraire admet l’expression d’idées ou de comportements que l’on ne partage pas. • Par opposition à la croyance ou la foi, la vérité, d’ordre scientifique ou philosophique, implique l’accord logique de la pensée avec elle-même (la non-contradiction est un critère formel de la vérité) et surtout avec le réel. Le réel est ce qui est. La vérité est ce que notre jugement parvient à établir du réel par l’usage de la raison. Celle-ci est la faculté humaine de raisonner logiquement, de problématiser, de connaître par la conceptualisation abstraite, d’argumenter avec une visée d’universalité. Une véritéscientifique est un consensus issu de la discussion dans la communauté internationale des experts, provisoire et relatif, car la science évolue, mais non arbitraire, car il s’appuie sur l’administration de la preuve entre spécialistes. La raison prétend à l’universalité, à ce qui s’applique à tous les cas. Le propre de l’universalité est de pouvoir être partagé par lacommunauté rationnelle des esprits, et donc admis par tous les hommes. La vérité s’oppose épistémologiquement et logiquement à l’erreur ou à l’illusion, éthiquement ou moralement au mensonge. • Savoir s’oppose à croire dans son rapport exigeant à une vérité rationnellement établie. Le savoir est une connaissance rationnelle. L’écoleà une mission de transmission de ces savoirs, insistant sur les démarches pour les établir. • La religion est un sentiment intime du sacré (ce qui transcende l’homme), renvoyant à son salut moral (d’où les interdictions), par opposition au profane (ce qui est immanent, sans verticalité) ; un ensemble de pratiques rituelles qui lui rendent hommage ; et une institution qui garantit ces rites etobservances. Une secte est en France une communauté de croyants jugée dangereuse par l’Etat pour ses membres et la société. Un croyant peut être ou non pratiquant. Un athée ne croit pas en Dieu, tandis qu’un agnostique pense que l’on ne peut trancher la question de son existence.

 

Distinguer le fait et le droit, le légal et le légitime • Lefait, c’est ce qui est ou a été, ce qui existe (je pratique ou non une religion) ; le droit, au sens juridico-politique, c’est ce que la loi d’un pays autorise ou interdit, sous peine de sanction (ne pas mettre un foulard sur sa tête, sous peine de se faire exclure de l’école publique). Mais une loi votée existe : c’est un fait juridique, la légalité. Or lalégalité comme fait peut être éventuellement contestée par un autre droit, que l’on juge plus légitime : celui de Dieu, ou des droits de l’homme. La légitimité, c’est ce qui fonde une loi au nom de valeurs suprêmes : pour un croyant la révélation, pour un athée la raison, pour un philosophe le juste, pour un révolutionnaire la liberté etc. On peutdonc combattre la légalité au nom de son illégitimité (la loi sur le voile parce qu’elle empêche de pratiquer sa religion), ou au contraire lutter pour l’adoption d’une nouvelle loi (l’interdiction du voile au nom de la libération des femmes). • Il ne s’agit pas pour le maître dans les discussions à visée philosophique de faire des cours magistraux sur ces concepts, mais d’être lui-même au clair sur les notions, pour les clarifier si nécessaire lorsqu’elle surgissent, ou les introduire pour faire réagir les élèves.


4 Exercices proposÉs

Objectifs

Le dilemme moral • Il s’agit de proposer des situations dans laquelle les élèves peuvent se projeter, où le personnage principal doitfaire un choix entre des solutions contradictoires. La discussion vise à se mettre dans la situation d’un sujet réfléchissant aux raisons et conséquences de ses actes : par une formulation du problème posé au personnage sous forme d’une question partant du cas concret, mais pouvant monter en généralisation (processus de problématisation) ; par l’inventaire des arguments en faveur de tel ou tel choix (analyserles conflits de légitimité, et trancher en hiérarchisant les valeurs). Chaque élève doit rendre compte (c’est cela être responsable) du choix qu’il ferait parmi les différentes options.

 

Le choix de Fatima : « Fatima porte le foulard qui lui est recommandé par sa religion pour cacher, lui dit sa famille, ses beaux cheveux qui attirent les garçons. La loi française interdit de porter à l’école un tel vêtement, qui manifeste publiquement son appartenance religieuse. Sa maîtresse discute avec elle, en lui conseillant de porter un bandana, plus discret, sinon, elle sera renvoyée. Que doit-elle faire ? » (On peut bien entendu adapter l’histoire, suivant le contexte de la classe et de l’école : religion concernée, type de pratique – nourriture,piscine, cours de biologie, travail le samedi etc.). • Problématisation. Type de question posant problème : « Fatima doit-elle garder son foulard, et être renvoyée de l’école, ou le remplacer par un bandana, et y rester ? » • Question plus générale sur la laïcité : « Doit-on obéir à la loi de Dieu ou de son pays ? »(Ou encore : « à sa famille ou à son maître ? ». • Il pourra être utile : de faire écrire aux élèves avant la discussion leur dilemme intérieur, car cela les entraînera à envisager plusieurs points de vue (D’un côté je me dis …Mais d’un autre côté…) ; de leur demander derédiger la solution qu’il choisisse et les raisons de ce choix, ce qui les amènera à justifier leur point de vue (Je choisis finalement de…parce que…) ; de leur faire chercher tous les arguments que la maîtresse peut donner à Fatima pour la convaincre (La maîtresse qui aime bien Fatima lui dit : « Réfléchis bien pour ton avenir : tu devrais … parce que…). Ils peuventécrire aussi un petit dialogue entre Fatima et la maîtresse.  La discussion confrontera tous les arguments. Il ne s’agit pas dans ce moment philosophique, de conclure ce qu’il faut faire (la loi est claire sur ce point dans un autre moment d’information civique), mais de mettre les élèves en capacité de choisir en connaissance de cause.

 

Le choix de Rachida « Rachida veut continuer sa scolarité au collège pour faire des études et avoir un métier qui lui permettra de vivre et d’élever ses enfants. Elle a décidé d’enlever son foulard à l’école, qu’elle porte dans la rue. Mais elle subit une influence forte de son grand-frère et de ses amis du quartier qui font pression sur elle pour qu’elle leremette, en disant qu’elle est devenue impudique, ce qui fait du tort à l’honneur de la famille. Que doit faire Rachida ? ».

 

Le support de la littérature • Les programmes de l’école primaire proposent d’immerger les élèves dans des ouvrages anthropologiquement consistants, résistant à une compréhension transparente et amenant des« débats d’interprétation ». Ceux de français de 6ième traitent des grands mythes. On peut donc aborder le rapport entre religion/famille et école publique/État. La littérature sur la laïcité est rare : s’appuyer sur Persepolis, écrit et dessiné par Marjane Satrapi (Edit. L’association, 2000). Pour religion et cultures religieuses : • LaDiscussion de Claude Gutman et Serge Bloch (Casterman) démarre avec un débat en classe sur Noël et les fêtes religieuses. • Dans La force du Berger d’Azouz Begag (La joie de Lire), un petit garçon est pris au piège entre sa culture familiale, défendue par son père, ancien berger en Algérie, et la culture scolaire qui lui enseigne le principe de la force centrifuge. Le père nie cessavoirs et refuse que son fils les accepte. L’ouvrage traite la question (fondamentale pour l’école républicaine qui cherche à émanciper par la raison et donc transmet le patrimoine scientifique) de ceux qui refusent, par exemple, la théorie de l’évolution. C’est la contradiction entre science et croyance qui est traitée, pour laquelle sera utile la distinction entre savoir et croire. • Les Dieux etDieu de Brigitte Labbé et Michel Puech (Goûters philo, Milan), Est-on obligé de croire en Dieu ? La question des religions et de la laïcité, de Anne de La Roche Saint-André, Philippe Roux, (Série Société, Autrement junior 2005) aborde l’intégrisme, l’athéisme, la laïcité et les sectes avec des textes explicatifs, des anecdotes, des citations ou des définitions.• Beni ou le paradis privé (Seuil) de Azouz Begag évoque les problèmes de la deuxième génération d’immigrés dont les parents sont encore attachés à leurs traditions. Dans les années 1970, à Lyon, Béni fait l’expérience du racisme, pris entre cultures musulmane et catholique. Comme dans Le temps des villages, où il évoque ce qui se passe dans latête d’un jeune musulman vivant en France au moment de Noël. • Refus de la loi étatique et valeurs personnelles : le grand mythe d’Antigone traite du dilemme que le conflit entre croyances religieuses et normes étatiques pose. Antigone tranchera en fonction de sa conviction intime, éthique, par rapport à la dimension sacrée pour elle de la sépulture : elle mourra emmurée pour avoir trahi sa patrieen enterrant, contre l’avis de son oncle, roi de Thèbes, un ennemi du pays, un traître (son frère). À partir d’une version simplifiée, Les philo-fables, de Michel Piquemal et Philippe Lagautrière (Albin Michel), on peut proposer le dilemme, demander aux élèves de se prononcer puis annoncer la solution de l’héroïne et débattre de son choix. • Leila de Sue Alexander etGeorges Lemoine (Bayard Editions) met en scène une jeune fille qui refuse la loi paternelle, celle de ne plus prononcer le nom de son frère mort. Ce n’est pas le rapport de la religion et de l’État qui est traitée mais plutôt la question de la famille (autorité paternelle/État car le père est chef de tribu) et de l’individu soumis au pouvoir paternel. • Yacouba de Thierry Dedieu (Seuil Jeunesse) soulève le même type de problématique (loi du groupe versus conscience individuelle éthique) : principe de la laïcité, rapports famille-école républicaine très prégnants car les croyances religieuses de l’enfant dépendent le plus souvent de son milieu familial et social. • Dans une pièce pour adolescent, Antigone voilée (Édition Larcier, coll. Petites fugues,Belgique), François Ost prend position pour Aïcha, fille voilée, qui personnifie la personne et le groupe (sa famille) stigmatisés par l’institution et qui – pour cette raison – se réfugie dans ce qui lui reste de liberté (liberté de conscience), histoire de montrer les contradictions de la démocratie quand elle est confrontée à des échelles de valeurs qui ne sont pas les siennes. On peut y voir uneopposition entre différentes conceptions du pluralisme : consensuelle (religions dans la sphère publique) ; juxtapositive des différentes convictions sans dialogue véritable (communautarisme) ; soumise à discussion, voire à négociation. La mort d’Aïcha (grève de la faim) et l’abdication du directeur (Créon) qui perd son crédit auprès de tous, son poste, son fils, sa propre estimepermettent à l’auteur de poser certains problèmes : jusqu’où faut-il tolérer les ennemis de la liberté, de la démocratie ? préserver la réputation de l’école face au monde extérieur ? Quels sont les différents sens à attribuer au port du voile ? Une loi peut-elle/doit-elle régler la question du voile à l’ école ? Quelle est la signification de la notion de neutralité scolaire ? Il est fait allusion, avec des accents christiques, à la Sphingue, au mystère, à l’homme empli de certitudes qui se croit plus fort que le mystère « humain ». Le message semble le suivant : la question du voile serait une question pour la démocratie qu’elle n’a pas prévue, qui l’oblige à se positionner, à mettre en question ses certitudes et ses équilibres. • Il n’y a guère dans la littérature de points de vue qui ferait prévaloir la position de Créon (voir Antigone d’Anouilh où Créon argumente fort). Il faudra donc contrebalancer les arguments, pour faire entendre le point de vue de la légalité, mais aussi pour beaucoup la légitimité de la loi française. • Nationalité, citoyenneté, ou naturalisation : Et toi tu es français ou étranger ? La nationalité, la nation et l’identité, de Édith Cornulier et Laure Tesson, illustrations de Nathalie Choux (Série Société, Éditions Autrement junior ; 2005). Dans le préambule, Sophie Dieuaide met en scène deux jeunes stupéfiés de découvrir que la championne française de tennis ne parle pasfrançais ! Quelle est la politique de la France vis-à-vis des étrangers qui y habitent ; ont-ils les mêmes droits ? Comment peuvent-ils acquérir la nationalité française ? Les dimensions politique, historique ou sociale de ces interrogations trouvent ici des réponses.

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