Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Analyser les pratiques professionnelles d’enseignement et de formation : le rôle de l’écriture

En marge de l’analyse des pratiques : Peut-on mettre un “ dogme ” en question ?

Le CRAP est engagé dans un travail en partenariat avec l’INRP Note1 et la DESCO Note2sur … la “ démocratie à l’école ”. Une des questions posées par l’INRP au sujet de cette recherche est précisément : “ L’analyse des pratiques professionnelles entraîne-t-elle une modification de ses pratiques ? ” L’analyse des pratiques professionnelles (APP) est devenue au fil des ans une sorte de passage obligé, quand ce n’est pas de recette miracle ou de dogme. Al’occasion de ce travail du CRAP, Michel Tozzi se livre à une interrogation sur cette nouvelle “ évidence ” .Si nous vous faisons part ici de ce questionnement, c’est qu’il nous paraît sain de nous retourner de temps en temps sur les pratiques à la mode, et de ne pas prendre pour argent comptant ce qui n’est qu’une technique. Le titre passablement agressif de cet encadré a pour but de rappelerqu’il n’y a JAMAIS de remède universel et définitif en matière de formation et de pédagogie, et non de refuser l’APP comme un instrument de travail particulièrement riche, qui permet entre autres d’envisager avec les CP une reflexion sur leur travail.

L’APP devient aujourd’hui une des stratégies privilégiées de la formation, y compris pour les institutions de formation.

  • Elle correspond à la sortie d’un modèle normatif et prescriptif, qui était fondé d’une part sur le jugement de valeur portant sur l’écart par rapport à une norme et le conseil qui en découlait, d’autre part sur l’insuffisance d’un modèle d’apprentissage prônant l’imitation de tours de main artisanaux stabilisés et transmissibles.
  • Elle est cohérente avec la conceptiond’un professionnel confronté à des situations-problèmes difficiles et aléatoires, qu’il tente de résoudre en s’adaptant de manière autonome. La formation est en ce sens un processus de professionnalisation où l’on s’auto-accompagne dans des changements inéluctables par cette capacité d’analyser sa pratique.

Elle s’inscrit dans un contexte théorique :

  • inspiré par la pensée complexe, qui approfondit le concept de pratique professionnelle, de situation éducative, et renouvelle les paradigmes d’explication-compréhension de l’action située ,
  • renouvelé par les théories de l’apprentissage et du processus enseignement-apprentissage.

Cette démarche implique un présupposé: analyser une pratique la modifie.Et si celle-ci n’était qu’ une hypothèse à vérifier ? Car elle pose le problème du rapport de l’analyse à l’action, et elle le fait en terme de causalité.

Qu’est ce qui autorise théoriquement l’hypothèse que la connaissance influence l’action ?

  • le paradigme objectivant techno-scientifique : par exemple la connaissance scientifique des lois dela nature, en permettant le développement de la technique, a accru la puissance de l’homme sur son environnement. On peut s’autoriser à inférer qu’une meilleure connaissance des pratiques, de leur logique et de leur environnement, permettra de les infléchir;
  • le paradigme clinique (en particulier psy-analytique), selon lequel une meilleure connaissance de soi entraîne une meilleure assomption de son histoire, ladisparition de symptômes, le changement de certaines conduites.?

On peut alors poser les questions suivantes :

  • Y a-t-il des pratiques qui ne changent pas? Ou toute pratique change t-elle de fait? Changent- elles en profondeur ou seulement en apparence ?
  • Si les pratiques changent, qu’est-ce qui les fait changer ? On peut avoir un modèle causal du changement, linéaire et mécaniste, ou trèscomplexe. Quelle est la part, s’il y en a une, de l’APP ? Se combine t-elle avec d’autres éléments, lesquels, quand, comment ? Il peut y avoir des facteurs externes au sujet (modifications sociétales, institutionnelles – réformes -, évolution du public, recomposition de la culture et de l’identité professionnelle, spécificité de telle classe, de tel établissement, de telle zone, opportunité d’une équipe, effet-formation etc.) ?, et des facteurs internes, conscients ou inconscients (roman familial, expérience, âge … ). ? Comment vérifier cette hypothèse ? Par des observations ? Mais comment observer un changement ?
  • Qu’est ce qu’observer un changement de pratique ? Quels sont les critères pertinents du changement ? Et l’écheveau de sa (ses) causalité(s) ? Dans quel délai,compte-tenu que le processus d’APP se fait dans le temps ?
  • S’il n’y a pas eu modification, est-ce parce que l’APP n’apporte rien, ou parce qu’elle a été mal faite ?
  • S’il y a eu modification, est-ce à cause de l’APP, ou d’autres facteurs ? Et dans quelle proportion ?

L’APP peut avoir des effets : en matière de connaissance de soi, de compétences développées, par exemple enanalyse, en écriture. Mais modifie-t-elle la pratique ? On fait le pari qu’accroître l’intelligibilité donne des points d’appui. Est-ce suffisant ? Est-ce même nécessaire ? L’insistance de l’APP dans la formation actuelle ne doit pas nous détourner d’une réflexion épistémologique sur ses présupposés !

Michel Tozzi.


Notes
(Cliquez sur les pour revenir au texte)

1 – Institut National de la Recherche Pédagogique

2 – ??????

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