Première journée du Séminaire de Formations de formateurs
Synthèe;se de l’intervention de Michel TOZZI
M. TOZZI a commencé par mettre en relation les différents aspects mis au jour par le tour de table, puis à précisé le champ de son intervention d’aujourd’hui. Sont notamment laissées de côté le problème de la citoyenneté et celui de l’objectif de l’ECJS (pacification ou développement d’un esprit critique ?), ainsi que celle de…
l’irréductibilité de l’opposition de l’universel et du relativisme ou de la possibilité d’une troisième voie. La question retenue pour la matinée sera plutôt celle de l’ argumentation et du statut de l’oral dans l’argumentation .
Quel est, à l’heure actuelle, le statut du débat dans l’école ?. Le caractère propre de l’ECJS est la manière dont se trouveinstitutionnalisée le développement du débat argumenté. De plus elle pose la question de savoir ce qu’est un enseignement qui n’est pas une discipline.
De manière plus générale, la question se pose, par rapport à l’oral, de sa didactisation pour le débat argumenté. On ne didactise pas de la même manière la méthodologie du débat argumenté selon qu’on enseigne telle ou tellediscipline et qu’on a tel ou tel objectif.
On parle de former des enseignants et des élèves à la discussion. Mais comment former à la discussion sans avoir soi-même été formé?
1. La place de l’argumentation dans le premier et le second degré .
Dans le premier degré , le terme d’argumentation est très présent dans les instructions officielles. Ily a plusieurs formes de pratiques (conseil de vie, débats), qui ont déjà été évoquées et expérimentées. Y-aurait-il pour le premier degré la possibilité de développer, comme on dit en français, une opinion partageable?
Le problème de l’âge dans la pratique de la discussion se pose dans un ordre psychogénétique, affectif, et dans une dynamique de groupe. Quels sont lesenjeux de l’expression de soi dans un groupe?
Problème du statut de la question: si on déconnecte l’argumentation de la problématisation et de la conceptualisation, est-on dans une logique expressive ou argumentative?
Ce débat a-t-il un sens affectif ou cognitif? Pourquoi, plus on monte, moins les élèves ont envie de parler? Y-a-t-il un phénomène de dévolution de la question? L’enfant à l’écoleprimaire pose la question. En lycée, il faut redévoluer le problème existentiel qui est devenu abstrait. Le lycéen n’habite plus le problème. S’agit-il d’un problème d’âge ou de l’effet du passage par le système scolaire?
Dans le second degré , le cas diffère selon les disciplines en même temps que se pose la question de l’argumentation comme compétence transversale à partir,notamment, du choix de la démarche en ECJS.
2. L’argumentation et sa place dans les disciplines .
- Pour les enseignants de Français/Lettres , le problème qui se pose est celui du paradigme. Il y a un certain statut de l’argumentation dans la didactique du français. C’est quelque chose de constituant. En français, on doit distinguer deux formes d’argumentation: celle de la possibilité d’uneargumentation commune proposant une opinion communément partageable, ce qui est différent de l’argumentation proprement littéraire. En quoi consiste la spécificité de l’argumentation littéraire (par rapport à un texte et à son interprétation)?
- Pour la philosophie : qu’en est-il de la discussion philosophique? Le mot d’argumentation est prononcé dans les dernièresinstructions officielles pour la première fois. Que faisait-on avant? Quel était le statut de la discussion – présente depuis les instructions de 1925 – dans les cours des professeurs de philosophie? La discussion y était-elle un moyen d’apprendre ou seulement de questionner les élèves? En philosophie, l’argumentation voudrait se placer comme universel, pour parler « comme tout autre »(Kant), ce qui n’est peut-être pas lamême chose que l’opinion communément partageable.
- Dans les sciences humaines (en histoire notamment): la question est celle du rapport du savoir à la vérité et à la discussion. Quel est le statut épistémologique du savoir historique? Ce savoir peut-il être présenté comme le produit d’une discussion et d’une socialisation? Y-a-t-il une place pour le débat en histoire? Peut-on faire del’élève un chercheur historien?
3. La pratique du débat et le statut du savoir .
De manière plus générale, on n’est pas au clair aujourd’hui par rapport au statut du savoir . Ainsi, pour Feyerabend, le savoir est une croyance, au meme titre que le mythe. Institutionnellement, on a tranché axiologiquement : certains savoirs valent plus que d’autres la peine d’être enseignés.Comment les didactiser? Il y a deux questions, celle de la nature même du savoir (qui peut être remise en cause dans la manière dont celui-ci est mis en discussion et ramené à l’état d’une croyance) et celle de sa transmission, l’école étant la transmission intergénérationnelle de cet état du savoir.
Par rapport aux représentations des élèves: apprendre, c’est se construire. Comment celui qui construit son propre savoir rejoint-il celui de l’humanité à l’état présent? Il faut travailler sur les processus plus que sur les démarches pour avoir un rapport non-dogmatique au savoir . Dans la conception socioconstructiviste, il s’agit de modifier ses représentations. Le problème dans ce cadre est celui du rôle du maître.
4. Le problème de la discussion, vecteur de l’ECJS.
La question se pose différemment en ECJS, qui n’est pas une discipline au sens classique. Quelle est la différence entre la discussion en ECJS et le débat scientifique ou philosophique par exemple?
On peut distinguer trois formes de discussion:
- La discussion-expression, telle qu’on peut la trouver thématisée à partir des travaux de Jacques Lévine. Il s’agit de s’ouvrir à sa propre pensée.
- La discussion conceptualisation autour de la définition problèmatisée d’une notion.
- La discussion dans le cadre du débat scientifique. Dans ce dernier cas, le maître diffère les réponses pour que les élèves cherchent. On est cependant dans un débat scientifique où il est nécessaire de trancher (par le maître ou par une observation, une expérience).
L’ECJS se situe demanière transversale et voit la participation de plusieurs disciplines qui peuvent y concourir. La question qui est posée est celle de la nature transversale des compétences argumentatives et discussionnelles. Comment peut-il y avoir quelque chose de transversal dans cette compétence?
5. Les rapports entre ECJS et vie scolaire
Les questions suivantes peuvent se poser :
- Quelle est la place et le statut de laparole dans la perspective de l’éducation à la citoyenneté dans la classe et dans la vie scolaire? Dans la vie scolaire, il s’agit de résoudre, au travers des conseils de vie un certain nombre de problèmes concrets (on procède par situations-problème).
- Cette parole de l’élève sous forme discussionnelle développe-t-elle un certain nombre de valeurs?
- Le débat à l’écoledéveloppe-t-il la socialisation (pacification ou développement de la vie civique)? Peut-il être un moyen d’apprentissage disciplinaire? Quels sont les objectifs de l’enseignement de l’ECJS?
- Peut-il y avoir un objectif commun entre la discussion dans la classe et dans la vie de l’école?
- Y-a-t-il des préalables pour accéder au débat argumenté A quelles conditions peut-il contribuer au débat démocratique?Quel est notamment le statut de l’affectif et peut-on passer le l’affect au concept?
6. Argumentation, discussion et apprentissage de la démocratie .
En quoi concevoir l’ECJS à partir du débat est-il une innovation? Il y a une institutionnalisation du débat et de l’argumentation dans l’enseignement. L’argumentation aujourd’hui envahit les programmes, mais de manière plus ou moins légitime selon les disciplines.Elle devient un objectif institutionnel comme le montrent les innovations du premier degré.
Y-a-t-il un lien consubstantiel entre discussion et démocratie? La discussion est-elle le maillon faible de la démocratie? Quel est le modèle de référence de pratique sociale (notamment à la télévision)? Quel usage social du débat sert de référence pour que les élèvent l’apprennent? Pourquoil’argumentation est-elle déconnectée de la problématisation? S’agit-il de convaincre pour vaincre ou de constituer une communauté de recherche? Comment concevoir la place de la discussion dans la démocratie?
Entre la pratique de la discussion et l’ECJS, il peut y avoir un point commun: la dimension socialisatrice de la discussion. Ici, cependant, le but est l’apprentissage de la démocratie. On peut penser que la démocratie est uncompromis pratique et non un consensus théorique. Comment ce débat a-t-il un avant et un après (comme par exemple dans un cours de philosophie, ou on a le débat avant pour faire surgir les opinions et un cours après).
De manière plus générale, on manque aujourd’hui d’analyses rigoureuse sur les processus linguistiques et conceptuels à l’oeuvre dans la discussion, alors qu’on dispose de plusieurs analyses en ce qui concernela conversation. Le problème est de pouvoir construire une discussion qui soit démocratique dans la forme, et intellectuellement exigeante sur le fond.