Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Approfondir le questionnement

Après le premier colloque ouvert à l’INRP en avril 2001 sur les pratiques nouvelles qui se réclament de la philosophie dans le système éducatif, un deuxième colloque s’est tenu au CRDP de Bretagne en mai 2002. Cet ouvrage tente de rendre compte à la fois des questions de fond qui ont été soulevées et de la diversité des pratiques qui ont été exposées, de la maternelle (A. Delsol) au lycée…

professionnel (D. Martz), en passant par l’école élémentaire (F. Pellerin et J. Caillier) et le collège (C. Vallin/V. Krier).

Au fur et à mesure que se développent des pratiques innovantes en la matière, lancées à la base sans aucune obligation mais désormais relayées par l’institution en formation initiale et continue dans une dizaine d’IUFM et de nombreuses circonscriptions, diffusées par des ouvrages(voir notes de lecture), alimentées par des sites internet et des listes de diffusion (J.F. Chazerans), les interrogations de praticiens, formateurs et chercheurs se multiplient :

  • Il ne s’agit en aucun cas d’un enseignement de la philosophie, au sens de la classe de terminale. Mais dès lors que ces pratiques se réclament explicitement d’une visée philosophique, d’un « apprentissage du philosopher », on est fondé à chercher à expliciter exactement ce qu’est le « philosopher » (F. Galichet), question philosophique par excellence, et si l’apprentissage de celui-ci est possible avec des enfants (A. Trouvé), s’ils sont philosophiquement éducables.
  • D’un point de vue plus didactique, assiste-t-on, à travers la diversité et le tâtonnement des pratiques constatés, à l’émergence d’un nouveau « genrescolaire », la « discussion à visée philosophique » (G. Auguet), identifiable et distinct aussi bien de genres philosophiques traditionnels (ex : la dissertation ou l’exposé), que d’autres genres de débat (ex : le débat scientifique en sciences, le débat d’interprétation en français, le débat démocratique en éducation civique ou en pédagogie institutionnelle) ?
  • Faut-il articuler la dominance orale de ces pratiques, puisqu’il s’agit surtout de discussions, avec les avantages formatifs de l’écrit (C. Roiné) ?
  • Part-on directement des questions des enfants ou utilise-t-on des médiations ? Une certaine littérature de jeunesse se prête en effet de plus en plus à une « lecture philosophique des albums » (A. Touzeau), à partir desquels on peut susciterdes débats philosophiques (A. Rabany).
  • La philosophie pourrait-elle être aussi considérée moins comme une matière scolaire que comme une « pratique culturelle » à articuler avec des partenaires de l’école (A. Beretetsky) ?
  • Mais puisqu’il s’agit d’activités proposées dans le cadre scolaire, se pose le problème de les évaluer (S. Connac) : est-ce inutile,voire démotivant, d’ainsi les « rescolariser », alors que, non obligatoires, elles s’appuient sur le volontariat des enseignants et l’intérêt des enfants ? Ou est-il nécessaire de se donner les moyens de savoir si ces pratiques sont effectivement formatrices pour les élèves ? Des recherches se développent pour déterminer par exemple les compétences développées, et d’éventuellesretombées disciplinaires (J.C./T. Bour).
  • Si ce caractère formateur était avéré, faudrait-il passer d’une situation minoritaire et éparpillée à une institutionnalisation plus forte de ces pratiques, pour que tous les enfants en bénéficient, en généralisant la formation nécessaire, par exemple en spécialisant l’apprentissage du débat en classe ? Ou faut-il garder lecaractère « instituant » de la démarche, qui prend parce qu’elle est portée par des enseignants motivés et motivants ? (M. Tozzi)
  • Certains établissements expérimentaux (Hérouville, CLEPT Grenoble?) ont mis en place un curriculum de philosophie du collège au lycée. La nécessité d’une progression pluriannuelle, qui ne se posait pas en cantonnant la philosophie en classeterminale, amène à définir plus précisément par quoi et comment commencer, c’est à dire « l’élémentaire en philosophie » (R. David/B. Gerde), et quelles sont les exigences à mettre en oeuvre (A. Pessel, O. Brénifier).

On le voit, ces nouvelles pratiques, par les questions qu’elles suscitent, ont des conséquences multiples.

  • Par exemple sur la façon dont onenvisage le rôle du maître en classe (A. Pautard), beaucoup plus en retrait que dans sa fonction traditionnelle de transmission de connaissances : les élèves ne s’autorisent à « penser par eux-mêmes » que s’ils ne sont pas dans le désir de (bonne) réponse du maître. Leur rapport au savoir change, parce que le maître développe plus une culture de la question et de la recherche que de laréponse ;
  • sur la manière dont ils se socialisent dans une « communauté de recherche » à éthique communicationelle, pas seulement psychologiquement ou socialement, mais cognitivement ;
  • et sur la façon dont ils construisent, en tant qu’enfant ou adolescent scolarisé, leur identité personnelle d’êtres parlant-pensant, ce qui est particulièrement structurant pour desélèves en difficulté ou en échec scolaire.
  • Mais aussi sur la réflexion   philosophique elle-même et sur son apprentissage, puisqu’elles interrogent sur « l’âge du philosopher » d’une part, et d’autre part sur l’élaboration d’une didactique appropriée à l’école primaire et au collège.

L’expérimentation officielle de la philosophie menéeactuellement en lycée professionnel (D. Martz), qui privilégie souvent l’oral par rapport au cours magistral ou à la dissertation, va dans le même sens que les pratiques observées en amont : proposer d’autres modalités d’apprentissage du philosopher, en particulier « la discussion en classe avec des exigences réflexives ».

Michel Tozzi, professeur des Universités à Montpellier 3

Laisser un commentaire


google

couk