Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Le questionnement philosophique des enfants, pistes pour des recherches

1) DES ENJEUX SOCIETAUX, INSTITUTIONNELS ET PEDAGOGIQUES

Dans les « activités à visée philosophique » émergeant actuellement sous forme d’ateliers et de discussions à l’école primaire Note1 et au collège en France, le questionnement apparaît…

comme essentiel. Il nous semble au confluent d’une part des questions spontanément posées par les élèves, dès qu’un espace de parole est ouvert dans la classe, d’autre part des exigences réflexives de problématisation du maître, dès que ces activités sont finalisées par l’apprentissage du «penser par soi-même ».

Cette préoccupation d’une culturede l’interrogation personnelle, dans une institution plutôt centrée traditionnellement sur une culture de la réponse cohérente avec la fonction transmissive de l’ « école des savoirs », est une innovation dans le système éducatif, qui nous paraît s’inscrire historiquement dans une crise globale du sens.

– Au niveau sociétal, l’acuité de l’interrogation sur le sens estconsécutive notamment à la « mort de Dieu» (Nietzsche), qui révèle l’absurdité du monde et de ma vie (Camus), et plus généralement à l’évanescence des transcendances, jusqu’à celle de la raison des Lumières, fortement relativisée par l’épistémologie contemporaine (avec son « principe limité » selon Simon, jusqu’aux anarchistes de la connaissance comme Feyarebendt), enpassant par la fin des « grands récits » (Lyotard), voire de l’histoire (Fukuyama)… Dans cette « ère du vide » (Lipovetstky), la « désaffiliation », le « déclin de l’institution » (Dubet) laisseraient place à un individualisme qui doit s’inventer, dans la griserie et l’angoisse, le sens problématique de sa vie, sans préformation antérieure, extérieure et supérieureentièrement jouée…

– Au niveau du système éducatif, l’urgence du questionnement naît chez les élèves de la béance devant le sens de l’école (à quoi ça sert ? ), le rapport au savoir (rabattu sur l’utilitarisme consumériste des examens), le rapport à la loi (engendrant une crise de légitimité de l’autorité). Et il habite les personnelsd’éducation, confrontés au désintérêt des élèves et aux incivilités, en recherche de repères pour reconfigurer leur identité professionnelle devant la complexité et l’aléatoire des situations, la multiplicité et les contradictions des missions qui leur sont confiées par l’institution et les familles…

D’où les tentatives institutionnelles, pédagogiques etdidactiques pour faire face à ce déficit sociétal et scolaire de sens : mettre l’élève au centre du système éducatif, et donc prendre en compte ses questions ; développer les méthodes actives en s’appuyant sur ses intérêts, donc ses interrogations ; tenter de le motiver en suscitant l’énigme, par des situationsproblèmes, donc le questionnement, considérer le savoir comme uneréponse à une question que l’on se pose, et donc partir de celleci pour engager une recherche , aborder l’apprentissage comme une interrogation sur ses représentations initiales, afin de les modifier (constructivisme) ; développer en classe le débat scientifique et philosophique, c’estàdire le questionnement mutuel, le « conflit socio­cognitif », pour faire évoluer ces représentations (socioconstructivisme), au seind’une « communauté de recherche » (Lipman).

Le questionnement philosophique est l’une des formes culturelles que l’homme s’est historiquement donnée pour tenter de satisfaire à cette « donation de sens » dont la condition humaine a existentiellement besoin pour comprendre son êtreaumonde, et s’orienter dans la pensée et dans la vie. Il participe aujourd’hui, au même titre que le « retour dureligieux », la frénésie de la recherche scientifique ou l’exténuation de la création artistique, à cette quête de sens, que ce soit dans la cité (mouvement persistant des cafés philo, succès de livres philosophiques…), ou dans le système éducatif, par sa dissémination hors programme en amont de la classe terminale…

Cette prise en compte croissante du questionnementphilosophique chez les élèves, et avec eux, audelà des raisons historiques et géographiques de l’importance culturelle et éducative de la philosophie en France, est donc un symptôme significatif des incertitudes de notre modernité. Elle s’alimente certainement du statut particulier que l’époque accorde désormais à l’enfance, à travers la reconnaissance de nouveaux droits, dont celui à une pensée autonome(cf la Convention internationale des droits de l’enfant). Mais aussi de la façon dont les adultes peuvent percevoir en quoi ce questionnement de l’enfance traduit, à la fois concrètement et symboliquement, fondamentalement l’interrogation humaine devant la vie, et conjoncturellement la vulnérabilité de l’individu contemporain. L’enfant, parce qu’il est un être neuf devant le monde (H. Arendt), nous met et remet sans cesse devant les questions urgentes etde notre humanité et de notre modernité. Ce n’est pas mythifier et mystifier l’enfance que d’entendre dans ses questions une parole sur la condition humaine à l’homme adressée, et aujourd’hui entendue par les éducateurs.

2) DES QUESTIONS QUI DERANGENT

Car l’enfant pose des questions, et les questions essentielles : celles sur la mort arrivent dès trois ans. Leur pertinence n’a paséchappé à certains philosophes. Jaspers, dans l’Introduction à la philosophie, écrit : " Un signe admirable du fait que l’homme trouve en soi la source de la réflexion philosophique, ce sont les questions des enfants. On entend souvent, de leur bouche, des paroles dont le sens plonge directement dans les profondeurs philosophiques… ils ont souvent une sorte de génie qui se perd lorsqu’ils deviennent adultes". Grothuisenaffirme d’ailleurs que " la métaphysique est la réponse aux questions des enfants ". Et J.F. Lyotard, dans Le postmoderne expliqué aux enfants Note2, appelle à " renouer avec cette saison d’enfance, qui est celle des possibles de l’esprit ".

L’adolescent sera taraudé sur lerapport à luimême, à son corps, son identité et son devenir, sur l’amitié et l’amour, sur la liberté … Ne rabattons pas trop vite ces préoccupations sur la psychologie, car si l’existentiel a un versant individuel, personnel, affectif, contingent, particulier, l’autre est plus universel, métaphysique, dans et audelà de la singularité, partagé dans une communauté de condition. Si une question philosophique a unâge, ce n’est pas celui de l’enfance, de l’adolescence, ou de la maturité, c’est celui de l’humanité en chacun, qui vient de loin, et certainement pour longtemps…

Il y a eu et il y a de nombreuses façons de ne pas entendre une question philosophique d’enfant : ne pas avoir ou ne pas prendre le temps de l’écouter ; trouver qu’il est trop jeune pour des problèmes aussi graves ; s’émerveiller devant une perle et enrester là ; considérer que ce n’est pas au programme, mais à la famille ou au curé de s’en occuper ; entendre l’inquiétude affective, et non le contenu de la question ; faire celui qui n’a pas entendu Note3 …. Et il y a aussi de nombreuses façons de réagir à la question en croyant s’endébarrasser : faire taire l’enfant, renvoyer à plus tard pour ne pas avoir à répondre, donner une réponse pour en finir, imposer sa réponse… Deux façons de ne pas ou plus les entendre, car elles nous dérangent. Et de multiples façons :

– elles peuvent n’être pas claires pour nous, soit à cause des formes lexicales ou syntaxiques approximatives, soit parce qu’elles sontdifficiles à interpréter. Il n’est parfois pas simple de comprendre ce que dit un enfant. Nous préférons d’ordinaire fustiger ou plaindre son « incapacité à s’exprimer », que mettre en cause notre « incapacité à le comprendre ».

– Nous n’avons pas de réponse certaine à sa question, de solution à son problème (par exemple sur l’existence de Dieu, si noussommes agnostique). Avouer son ignorance vis-­àvis d’un enfant n’est pas très sérieux pour un adulte, surtout si c’est un maître censé « supposé savoir » ! Comment un « maîtreignorant » pourraitil être instructeur ? L’enfant par sa question met le statut du maître en crise…

– Ou bien nous savons que ce n’est que notre réponse (Je crois en Dieu, d’autres non),que nous ne voulons pas imposer comme La Vérité (scrupule épistémologique et éthique). C’est l’ordinaire des questions philosophiques, dont les réponses sont discutables, contestées, toujours réinterrogeables, et même évolutives chez une même personne. Mais quid du maîtrerepère avec ses bonnes réponses, celles de la raison, de la transmission de la Vérité, celle del’universalité partageable et partagée par l’école du Savoir ? L’enfant, par sa question, met en jeu le statut du savoir scolaire et la fiabilité de la parole compétente du maître…

– Ou bien nous nous demandons si nous devons donner une réponse, si nous devons même en parler, compte tenu de la nature de la question, qui peut être délicate pour des enfants supposés fragiles (parler dela mort alors qu’un enfant dans la classe a un parent mourant ou récemment décédé), ou qui engage des options personnelles, par exemple sexuelles, religieuses, politiques… Nous nous interrogeons, dans un contexte de laïcité, sur notre droit de réponse, déontologique au niveau professionnel, plus profondément éthique…

– Ou bien nous nous faisons un devoir de donner notre réponse,soit en l’imposant, soit en la proposant, parce que nous considérons que c’est la bonne (Dieu ne peut pas ne pas exister dans une école coranique), ou parce que nous sommes militant (contre l’avortement ou altermondialiste…), et qu’il faut transmettre des valeurs, pas seulement des savoirs. Dans ces deux derniers tirets, l’enfant par sa question met en jeu le rôle de l’école, le partage de l’éducation avec la famille ou des communautés, nosconvictions personnelles et notre morale d’éducateur … Peuton par exemple apprendre à penser par soimême si on vous impose les solutions des grands problèmes de l’existence ?

– Ou bien nous voulons, pour ne pas nous dérober, donner la réponse, notre réponse, mais nous ne savons comment la dire, soit parce que c’est difficile à expliquer à un enfant (problème pédagogique du registrede formulation), soit parce qu’il faut du tact (ex : l’homosexualité n’est ni une maladie ni un vice mais l’une des formes de la sexualité). La question de l’enfant met à l’épreuve nos capacités d’explication et notre sensibilité…

– Ou bien nous percevons dans la question de l’enfant l’angoisse existentielle qu’elle véhicule, et qu’il nous communique (« Maîtresse, tu as des cheveux blancs, estce quetu vas mourir ? »), et nous cherchons d’abord à le sécuriser (et nous sécuriser) par toute réponse lénifiante propre à le calmer, indépendamment de la véracité du contenu. Mais quid de celuici ? La question de l’enfant met à l’épreuve notre rapport à la vérité (fautil lui mentir, lui cacher les problèmes ?), nos propres émotions, car elles ne sont pas de l’ordreseulement du savoir, mais de l’existence, du vécu, ce sont de vraies questions portées par une personne habitée par les énigmes que la vie pose aux hommes…

– Ou bien nous répondons et l’enfant ne se satisfait pas de notre réponse, rebondit immédiatement, ou revient à la charge plus tard, et nous sommes démunis. La question de l’enfant nous rappelle que l’on n’éteint pas chez un homme unequestion philosophique, on ne peut que l’entendre et l’accompagner, car c’est à chacun de tracer son chemin…

(PISTE DE RECHERCHE : TYPOLOGIE A AFFINER)

Nous faisons l’hypothèse que si nombre de questions d’enfants nous dérangent, c’est qu’elles sont philosophiques, ou peuvent être entendues comme telles. N’importe quelle question d’enfant ne nous dérange pas : « Maman quelle heure estil ? »est une demande d’information. « Maître, d’où ça vient la pluie? » est une question qui relève de la science ; si on ne sait pas on peut se renseigner. « Est ce qu’il existe le Père Noël ? », c’est déjà plus délicat en grande section. « Où on va après la mort ? », ça devient glissant. Dans les questions de l’enfant dérangeantes pour l’adulte (et selon qu’il estdans la famille ou à l’école), il y a celles touchant à la vie privée de l’enfant ou de l’enseignant (ou du parent), à l’intimité corporelle, personnelle, familiale, celles portant sur les « tabous scolaires » (sexualité, religion, politique), recoupant en partie les précédentes. On dira qu’elles sont psychologiques, au niveau affectif d’un vécu singulier si elles concernent l’individu dansson unicité et sa singularité (« Estce que mon papa, il va partir de notre maison ? »), et qu’elles sont ou deviennent philosophiques lorsqu’elles concernent cet individu comme prototypique de la condition humaine dans sa spécificité (l’universalité de l’espèce), ou qu’elles sont d’emblée posées à ce niveau (« Comment on sait qu’un amour c’est fini ? »).

3) QU’EN EST-IL DE CEQUESTIONNEMENT?

On s’est peu intéressé jusqu’à maintenant aux questions philosophiques des enfants. A l’école, c’est traditionnellement le maître qui pose des questions, et des questions dont il connaît la réponse, pour savoir si les enfants savent (diagnostic d’un niveau ou évaluation des connaissances). Les questions des élèves (quand ils en posent, car ça fait bête de direqu’on sait pas, et fayot d’interroger le maître), portent sur des points d’incompréhension du cours, dans le cadre du programme. Or la philosophie n’est pas au programme. Les psychologues généticiens se sont intéressés aux réponses des questions qu’euxmêmes leur posaient, pour juger des stades de développement de l’enfance ; ou ils évaluent par des tests la maturité et les compétences cognitives et sociales detels élèves. Les cliniciens ouvrent un espace de parole pour écouter et comprendre les problèmes des enfants, le vécu affectif de leur personne globale, plus que pour entendre et les aider à formuler leurs interrogations réflexives, qui pourtant leur posent tout autant question (ils sont plus du côté de la thérapie que de la formation).

Nous avons donc peu de connaissances à ce sujet. Le tempssemble venu d’ouvrir le chantier. D’autant que les praticiens d’activités « à visée philosophique » ouvrent cet espace d’expression : formulation par les enfants et choix de questions à discuter suite à la lecture de textes (méthode Lipman), boite à questions en classe, choix de questions à débattre en conseil coopératif pour le moment philo etc.

Nous nous sommesdonc proposé de recueillir un corpus significatif de questions et de les analyser (voir en annexe le lancement de l’enquête en mai et juin 2003, lors des colloques de Montpellier et de Nanterre Note4.

Pour mener à bien cette recherche, essayons d’esquisser, dans sa « typicalité », une question d’enfanthabitée par sa condition d’homme. De quoi estil question dans cette question ? Nous y voyons plusieurs dimensions :

– Sa question, par son expression et sa formulation, est un rapport au langage sur le mode interrogatif. Elle ouvre à la fois sur un espace socialisé d’interlocution sur le format question/réponse, et sur le champ de la connaissance. Le langage s’y révèle dans son triple rapport à soi,à l’autre et à la vérité.

– Cette question est un rapport à luimême, où il est question de son être : l’enfant pose des questions parce qu’il se pose des questions. Se poser des questions, c’est entrer dans une attitude réflexive, se prendre pour interlocuteur. Cela suppose une conscience de soi, un retour sur soi, un dédoublement : on se pose des questions à soi comme à unautre (Soi comme un autre dit Ricoeur). C’est la naissance de la pensée.

– Toute question est d’ailleurs posée à un autre, L’autre en soi, mais d’abord au « plus autre », autrui. Car c’est spontanément vers l’autre que je me tourne quand je n’ai pas de réponse à ma question. Il faudra bien de l’entraînement, de la volonté, voire du courage, celui de penser (« ose penser» dit Kant), pour chercher soimême une réponse à une question que l’on se pose. C’est plus facile, et croiton plus rapide, « ça soulage », tant au niveau émotionnel qu’intellectuel, d’en référer à autrui, surtout quand on est l’enfant et qu’il est l’adulte.

– La question est donc affectivement une « demande », un rapport à l’Autre sur le mode de la demande(Lacan). Demande d’être entendu, écouté, compris, de façon à être satisfait, comblé par la réponse (comme par le sein de la mère). Demande d’amour, quête et requête, conquête de reconnaissance, exigence de considération pour quelqu’un qui n’est pas quiconque, à quelqu’un qui n’est pas n’importe qui (On connaît tous ces élèves pour qui lever la main signifie : « Estceque tu me vois, estce que j’existe, estce que tu m’aimes ? »).

– Cette demande à l’autre adressée est un désir de savoir, un rapport à la connaissance et à la vérité sur le mode problématique. Ce n’est pas seulement l’autre qui est interrogé (question à qui ?), mais un contenu (question sur quoi ?), le référent tiers du monde. Le rapportinterrogatif au langage renvoie à la pensée difficile du réel. Quaerere en latin, c’est chercher, parce qu’on ne sait pas. Cette démarche révèle une non possession, un manque, et par là un moteur, un élan, une curiosité. « Je sais que je ne sais pas » (Socrate), et je ne me résouds pas à l’ignorance, donc j’enquête, pour avoir (car elle apparaît comme de l’ordre de l’avoir), uneréponse. La question est philo-sophe, amour de la vérité.

– J’attends de l’autre qu’il me renseigne et me remplisse. Je me mets ainsi dans une position basse (Goffman) que j’assume, dans la dépendance de l’autre, que j’institue en position haute de maître « supposé savoir », d’autant plus aisément qu’il est déjà adulte, mère nourricière, père tout puissantou enseignant compétent.

Résumons : la question existentielle de l’enfant ou de l’élève est, par le mode interrogatif du langage, instaurant un rapport réflexif à soi, au monde et à la vérité, une adresse affective et cognitive à l’adulte censé répondre par du savoir. C’est ce pattern question/réponse, quand il s’inscrit dans le champ de la philosophie, qui pose problème,sur le statut de ce type de question et du type de réponse, du savoir et de la vérité, pour le maître et à l’école (plus largement de la famille).

– L’enfant n’a d’ailleurs pas conscience qu’il pose une question « philosophique ». Il pose simplement la question du moment qui le taraude. C’est nous qui qualifions ainsi cette question. Nous pouvons d’ailleurs ne pas entendre philosophiquement la question. «Maîtresse tu as les cheveux blancs, estce que tu vas mourir ? », je peux l’entendre au niveau des faits et du raisonnement : il y a là un indicateur de vieillissement, non de maladie ou de danger mortel, la corrélation est abusive. L’évocation de la mort, de ma propre mort, la perception de l’angoisse de l’enfant et de ma propre angoisse peut me la faire entendre affectivement. Je ne l’entends philosophiquement que si d’une part je medésenglue de l’émotion, d’autre part je m’élève au dessus de particularité de mon cas, ce qui implique des reformulations (Exemples : « Fautil (est-ce souhaitable) car ce peut être considéré comme un scandale ou comment (est-ce possible) – si l’on vise une sagesse admettre que les gens qui nous sont proches et nous par la même occasion soient mortels.

La question de l’enfant est massive,radicale ,syncrétique. Elle ne fait pas dans ces nuances qu’ils nous aura fallu des siècles pour opérer: distinguer une question de type philosophique d’une question de type scientifique Note5  ; dans le registre philosophique, une question de type métaphysique (ex : sur l’être), d’une question de typeépistémologique (ex: sur le savoir et le vrai), éthique (ex: sur le devoir et le bien), politique (ex: sur le pouvoir et le juste), esthétique (ex : sur le beau) ; dans celui des sciences humaines, une question de type historique d’une question de type sociologique, juridique, psychologique, linguistique etc. Et pourtant elle fait choc dans son existentialité, c’est-à-dire son interpellation vis­ à vis de notre condition. Etc’est par mon écoute et mon renvoi que l’enfant saisira toute la portée anthropologique de sa question, quand elle est prise en compte par les hommes, la culture, une discipline, une tradition … C’est mon retour d’adulte et d’éducateur qui institue la philosophicité émergente de sa question, qui situe bien et reconnaît cette parole d’enfant comme celle d’un petit d’homme, qui lui retourne qu’il est bien dans l’humanité, qu’il partage sesproblèmes, et qu’il va falloir faire avec…

– Une question « philosophique » d’enfant, c’est une question qui fait réfléchir le maître ou le parent. L’enfant a frappé juste, juste au noeud anthropologique de l’adulte comme homme, il a ciblé l’essentiel, la racine, le fondement, les principes, ce qui fait absurdité, sens et valeur. Il nous ramène à la naissance et la mort, lasanté et la maladie, grandir et vieillir, l’amitié et l’amour, la paix et la guerre, le rêve et le cauchemar, le racisme et la peur, le désir et le bonheur, la nature et les animaux, le jeu et le travail … Il nous remet devant nos propres questions d’enfant, que nous avons tendance à plus ou moins inconsciemment repousser, dans une fuite en avant vers le « divertissement » (au sens moderne, mais plus radical de Pascal, cette stratégie miseen place pour oublier l’essentiel et ne plus penser Note6. Il nous « recentre ». L’enfant rééduque en ce sens ceux qui sont censés l’éduquer : de ces problèmes, l’éducateur doit (en) répondre devant témoin , en responsable.


Notes
(Cliquez sur les pour revenir au texte)

1 – Tozzi et al. L’éveil de la pensée réfléxive à l’école primaire, CRDP MontpellierCNDPHachette, 2001.
Tozzi et al. Discuter philosophiquement à l’école primaire. Pratiques, formations, recherches, CRDP Montpellier, 2002.
Tozzi et al, Nouvelles praliques philosophiques en classe, enleux et démarches, CNDPCRDP de Bretagne, 2002.
Tozzi et al. Les activités à visée philosophique en classe : l’émergence d’un genre ?, CNDPCRDP de Bretagne. 200

2 – Plon, 1969, p. 9.

3 – Tozzi M., « Entendre philosophiquernent une question d’enfant », Diotime l’Agora n°14,CRDP Languedoc-­Roussillon, Juin 2002.

4 – « La discussion en éducation et formation », CerfeeIrsa (Montpellier 3) et Lirdef (lufm Montpellier), 23 et 24 mai 2003 ;
« Philosopher : pratique élitiste ou objet de formation ? », CRDP Nanterre, 4 et 5 juin2003.

5 – Selon Popper par exemple, « Dieu existetil ? », ou « L’homme atil un inconscient ? » ne sont pas des questions scientifiques, car les réponses ne sont pas falsifiables.

6 – Et on sait que pour H. Arendt, ne plus penser, comme Eichman, c’est la « banalisation du mal ».

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