Atelier des Rencontres Crap sur le sens de l’école par l’articulation du savoir et de la loi    
    
    
    
      Plutôt qu’un compte- rendu, quelques réflexions.
-  Le prof que l’on est devenu dépend en partie de :
 + l’élève que l’on fut. Du sens qu’il donnait       à l’école. De son rapport au(x) savoir(s) et à       la loi scolaire. De la façon dont il articulait les deux. Du bricolage       de son expérience scolaire.
 + du milieu d’origine…  (géographique, social et professionnel),       du niveau/capital socio-culturel et économique des parents ; de leur       projet scolaire et social sur l’enfant.
-  Il y a ceux pour qui le sens de l’école allait de soi, donné       par la famille : une continuité famille-école sans contradiction.       On se sent sur des rails. On donne du sens parce qu’il nous est donné,       le sens est transmis, et ça roule… Et il a ceux qui ont honte d’être       de famille ouvrière, avec la rage de vouloir en sortir. Ou bien la       famille où “ moins on en sait, mieux on se porte ”, et       on cache alors ce que l’on apprend à l’école. Toutes       ces situations, ces itinéraires où un projet scolaire et social       s’est construit contre la famille et le milieu, dans la culpabilité       d’une trahison : on seretrouve prof en ZEP, pour payer sa dette …
 – Heureusement l’investissement du désir dans un objet de savoir       produit souvent un effet pacificateur quant à la loi scolaire. Heureux       maître que d’avoir cet élève sage, motivé,       travailleur. Celui-ci joue le jeu de la socialisation et de l’apprentissage       : sa “ docilité ” en classe tourne toute son énergie       vers le combatcognitif. Il se confronte à la normativité (Canguilhem)       des savoirs scolaires, à ces lois internes au savoir qui le dotent       d’une cohérence qui s’impose symboliquement à la       raison (La démonstration en mathématiques, la règle de       grammaire, la relation déterminée entre variables en physique       etc .). L’apprentissage est comme un mystère dont il veut percer       le secret,résoudre l’énigme, violer l’opacité       et conquérir cet inconnu qui lui résiste. Cet effort d’apprendre,       parce qu’il est désir, confronte à la limite de l’inaccessible,       au savoir caché comme jouissance. (cf. Le Nom de la Rose).
 – Mais inversement, un rapport révolté à la loi scolaire,       à l’institution qui veut imposer sa pacification sociale, au      professeur qui la représente à travers l’interdit de la       violence (vécue comme affirmative et auto-positionnement), dégrade       souvent le rapport au savoir, qui ferait rentrer positivement dans le jeu       scolaire, mais est en fait vécu comme soumission à des normes       étrangères menaçantes. Les postures du rapport au savoir       et du rapport à la loi se confortent donc souvent, que ce soit dans      leur complémentarité positive, ou dans leur refus en bloc. Parce       qu’il y a du rapport à la loi dans le désir de savoir,       tout désir se confrontant à la loi structurante. Et parce qu’il       y a du rapport au savoir dans le rapport à la loi, dans la mesure où       chez l’humain celui-ci (par le processus de socialisation, par la construction       du rapport à l’autre et au groupe), estapprentissage.
-  On saisit bien cette articulation croisée dans l’évaluation,       comme acte professionnel d’un enseignant, et situation vécue       par l’élève.
 En effet le rapport au savoir est en grande partie le rapport à la       vérité sur le réel. Il pose le problème du statut       de l’erreur. Mais à l’école, l’élève      perçoit souvent l’erreur comme une faute, et       la notation comme une punition. Le mauvais résultat       apparaît, parce qu’on n’a pas bien fait, comme       la transgression d’une loi. Si cette interprétation       de l’élève est possible, c’est parce que le professeur       lui apparaît moins comme compétent sur un savoir que      détenteur d’un pouvoir sur lui. Et qu’il se sent       soumis moins à la normativité du savoir qu’à       la dépendance vis-à-vis d’une personne ou d’une       institution, c’est-à-dire à quelqu’un qui soumet       plus qu’à la raison qui libère. La conception       formative qui fait de l’erreur une étapeà franchir       et non une faute à réparer permettrait de dépasser cette       représentation, si l’évaluation sommative ne restait pas       institutionnellement imposée dans sa fonction de certification et d’       “ autorisation sociale ” : la loi scolaire, c’est ce qui       interdit ou autorise, par la notation, de passer dans la classe supérieure,       aller dans telle section, avoir tel diplôme,se diriger vers telle profession       …
-  Autre chose est de penser le rapport au savoir en terme de contenu       disciplinaire (une date en histoire) ou de compétence       (ex : être capable d’annoter une frise chronologique). Car ce       qui est en jeu, c’est dans le premier cas le rapport de connaissance       sur le réel (problème de la vérité), et dans le       second celui du pouvoirsur le réel. En tire-t-on toutes les       conséquences sur la façon dont l’élève construit       son rapport au savoir ?
-  Comme un des objectifs de l’école insiste de plus en plus       sur la socialisation, il en résulte l’évaluation de savoir-être       (ex : être capable de coopérer). L’évaluation porte       directement alors sur le rapport aux autres et au groupe,c’est-à-dire       sur le rapport à la loi (puisqu’il s’agit alors “       d’apprendre la loi ”). La confusion est à son comble dans       le rapport au savoir (-être) et le rapport à la loi : noter,       c’est punir ou récompenser une bonne volonté socialisante       (ou au mieux une attitude de critique/constructive).
-  Quant au rapport à la loi, il s’agit dans une situation de      formation de le construire. La question pédagogique étant :       à quelle condition une sanction négative (punition suite à       une transgression de la loi) peut-être formative ? Cette logique de       formation-prévention se heurte à la logique de répression       sociale face aux incivilités ou aux délits pénaux (viol,       racket, vol, violence …) car une école, un prof, unesociété       se défendent contre des agresseurs, des “ sauvageons qui doivent       être civilisés, de force si nécessaire ”. Et l’on       oublie que l’agresseur est aussi victime d’une violence scolaire       et sociale, celle de l’exclusion. Le prof est donc pris dans la nécessité       de bricoler des solutions entre auto-défense et formation d’autrui,       et cette contradiction produitde la souffrance, entre culpabilisation de       soi et victimisation de l’élève.
-  Une pratique pédagogique peut articuler rapport positif au savoir       et à la loi par le travail de groupes ou la discussion en classe. Car       ces modalités ont une dimension à la fois pédagogique       (mode de gestion de la classe et façon de procéder), et didactique       (processus de co-construction et d’appropriationd’un savoir).       S’y jouent indissolublement, dans le groupe d’apprentissage, un       mode d’échange interactif impliquant organisation collective       et régulation sociale, et des conflits socio-cognitifs sur des contenus       précis. On peut apprendre dans et par le groupe, qui peut créer       la situation d’acceptation des savoirs et des règles. La professionnalité       aujourd’hui consiste àconstituer des groupes d’apprentissage       conjuguant ce rapport positif au savoir et à la loi.
Michel Tozzi
                 
    
    
    
   
  
  
   
		
	 
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