Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Atelier de philosophie pour adultes de l’Université Populaire de Perpignan (2006-2007)

Les six séances de la première année de l’Atelier de philosophie pour adultes de l’Université Populaire de Perpignan, sur le thème de la précarité

Janvier à juin 2007

ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2006-2007)

Cycle sur la précarité (1er année)

Séance 1 du 27-01-07

(26 participants)

Animateur : Michel Tozzi

Président de séance : Romain Jalabert

Secrétaire de séance : Marcelle Tozzi

1) Présentation de l’atelier : la précarité dans notre existence

A la définir comme un état de fragilité dans lequel l’avenir, la durée et la stabilité ne sont pas assurés, la précarité et le sentiment qui s’y rapporte semblent se répandre dans notre société : de la précarité la plus médiatisée (l’insécurité face à la délinquance) à celle collectivement combattue par ceux qui la subissent (la précarité face à l’emploi – voir le récent mouvement des jeunes contre le CPE) ; en passant par d’autres formes individuelles et quotidiennes (la précarité des relations humaines et affectives – dans le couple par exemple), ou plus générales (l’avenir de nos retraites, les menaces écologiques face à la pollution et à l’effet de serre, la prolifération du nucléaire, …) ; jusqu’à la précarité la plus fondamentale, celle devant la mort, plus ressentie dans une société individualiste où la fin du monde, c’est ma propre mort !

Quel est le sens du sentiment de précarité pour l’homme, pourquoi devient-il aussi pesant dans la modernité ? Peut-on y faire face ?

Nous tenterons une approche philosophique, plus que psychologique, sociologique ou économique, du sens de la question de la précarité dans notre existence, aux différents niveaux évoqués plus haut.

Dates : les samedis 27 janvier, 10 février, 10 mars, 7 avril, 12 mai, 9 juin 2007, de 10h à 12h.

Lieu : annexe de l’Ecole des Beaux-arts (en face de l’école), rue Foch, Perpignan.

Animateur : Michel Tozzi, professeur des universités à Montpellier 3, directeur du CERFEE (Centre de Recherche sur la formation, l’éducation et l’enseignement), animateur de l’atelier de philosophie pour adultes de l’Université Populaire de Narbonne, et du Café Philo de Narbonne.

Méthode : les séances alterneront des apports accessibles à tous, des discussions entre participants, des moments brefs d’écriture personnelle et de lecture de textes. Aucun niveau préalable n’est requis, l’expérience personnelle et la réflexion rigoureuse de chacun suffisant à aborder les sujets abordés. La culture n’aura de sens qu’au service d’un groupe en recherche.

Les coanimateurs de l’atelier ne se placeront pas en position d’experts philosophiques, mais de facilitateurs et d’accompagnateurs d’une réflexion individuelle et collective en atelier.

Il est souhaitable de suivre le cycle en continu pour constituer un groupe permanent de réflexion, mais on peut suivre ponctuellement une séance.

2) PROGRAMME

Exploration des notions associées à la précarité, et questions que celle-ci pose à l’homme :

- Samedi 27 janvier, de 10h à 12h.

I) La précarité au niveau individuel.

A) La précarité existentielle (accident, vieillissement, maladie, mort…) :

- Samedi 10 février, de 10h à 12h.

B) La précarité affective dans les relations interpersonnelles, notamment le couple moderne :

- Samedi 10 mars, de 10h à 12h.

II) De la précarité individuelle à la précarité collective.

A) La précarité sociale (chômage, logement, prestations sociales, retraites etc.) :

- Samedi 7 avril, de 10h à 12h.

B) La précarité de l’espèce (« malbouffe », pollution, effet de serre, virus, clonage…) :

- Samedi 12 mai, de 10h à 12h.

Premières conclusions et propositions pour 2007-2008 :

- Samedi 9 juin, de 10h à 12h.

3) Exploration des notions liées à la précarité

Réfléchir sur la précarité, c’est une exigence de rigueur, implique de savoir de quoi l’on va parler, et ce que l’on va penser : d’abord donc définir le terme (on dit en philosophie conceptualiser). Mais pas en regardant le dictionnaire (on fait là du français) ; en travaillant sur sa conception première pour l’interroger et la faire évoluer, notamment par la confrontation aux autres.

« Précarité » est un mot du langage courant, très connoté aujourd’hui socialement, économiquement, politiquement, et plus fondamentalement existentiellement. Ce mot est une idée générale et abstraite (on dit en philosophie une notion). Qu’y mettons-nous chacun dessous ? Pour le savoir, faisons émerger nos représentations (on dit en philosophie opinions) de la notion. On peut chercher des synonymes, des mots opposés, des mots associés à la notion (pensée associative, qu’il faudra rendre progressivement plus conceptuelle).

D’une réflexion individuelle puis d’une mise en commun arrivent nos mots pour « dire » la précarité :

- Beaucoup de mots négatifs : Chômage, Pauvreté, Minima sociaux, Survivre, Misère, Au jour le jour, Privation, Mort lente, Morbidité, Souffrance, Désespoir, Fragilité, Vulnérabilité, Impermanence, Risque, Incertitude, Insécurité, Inquiétude, Instabilité, Avenir ?, Imprévisibilité, Non projet, Inéluctable, Menace, Soumission, Peur, Domination, Aliénation, Exclusion, Asocialisation, Désocialisation, Acculturation, Individualisme, Enfermement, Incompréhension, Perte de sens, Misère socioculturelle, Incompétence…

- Et des mots plutôt positifs : Autonomie, Adaptabilité, Système D, Stimulation, Assurance, Certitude, Force, Richesse, Temps libre, Opportunités, Fantaisie, Liberté, Dignité, Responsabilité, Combat, Révolution, Entraide, Partage, Protection, Lien social…

- Et Politique, Education, Religion…

Comment tressons-nous, tissons-nous, avec nos mots et ceux des autres, le champ notionnel de la précarité, sa trame conceptuelle (les notions dont nous avons besoin, et leurs relations entre elles, pour penser la notion de précarité)? Le travail est à faire par chacun d’entre-nous…

4) Premières définitions

Sur la base de cet exercice d’association d’idées, voilà les premières définitions qui ont été proposées par les participants. Définition de premier jet à conserver par chacun, pour voir si elle va évoluer au cours des séances, l’objectif étant de la complexifier. On peut les classer un peu arbitrairement dans trois catégories, bien que certaines fassent sans doute allusion à plusieurs plans à la fois. La précarité y apparaît le plus souvent comme quelque chose qui est à la fois douloureux et subi.

- Définitions très générales :

Déstabilisation qui vient fragiliser.

Incertitude menaçante et risquée.

- Approche existentielle

Inconnues et risques inhérents à la vie.

Etat de survie empêchant tout projet.

Fragilité liée à la condition humaine, plus ou moins accentuée dans un groupe social.

Impossibilité de construire un avenir.

Incertitude du lendemain dans un monde de plus en plus incertain.

- Approche socio-politique

Négation de l’individu.

La précarité, c’est la perte de la parole.

Processus politique qui nie la personne humaine.

Insécurité financière mais non mort sociale.

Se situer en dehors du système.

  1. Questionnements

Si on veut réfléchir à une notion qui tente de dire et penser le réel, il faut non seulement travailler sa représentation spontanée, mais explorer les questions qu’elle nous pose, puis s’attaquer à chaque question pour la problématiser : élaborer un des problèmes qu’elle soulève. Problema en grec : difficulté (à penser le réel, derrière la notion).

Voilà les questions formulées par les participants à propos de cette notion de précarité. Elles esquissent des pistes possibles de réflexion, des problématiques à construire…

Sentiment et état de précarité sont-ils universels ? Il y a-t-il des différences dans le temps et dans l’espace ?

- La précarité est-elle inhérente à l’espèce humaine ? Est-elle liée au processus de survie de l’espèce ?

- Qu’est-ce que la précarité occidentale par rapport à la précarité dans d’autres cultures ?

- Les hommes préhistoriques vivaient-ils mieux la précarité que nous ?

- Ne sommes-nous pas tous en situation de précarité ?

- La précarité serait-elle inévitable dans le contexte actuel ?

- La somme des précarités individuelles fait-elle une société précaire ?

Quel est le vécu de la précarité ?

- L’individu a-t-il conscience et comment de son état de précarité ?

- La précarité ne serait-elle pas subjective ?

- Comment voir s’il y a un chemin derrière le mur ?

S’accommoder au mieux de la précarité !

- Est-on condamné à la précarité ?

- Quel travail sur soi pour vivre avec ce sentiment ?

- Peut-on espérer qu’il y ait une réversibilité des conséquences de la précarité ?

- Comment utiliser la précarité pour en faire un atout ?

- A propos de ma propre précarité, comment en jouir ?

- Serait-il possible de jouir de la précarité des autres ?

- La précarité me freine-t-elle ou me stimule-t-elle ?

Quelles responsabilités : rechercher les causes, rechercher des remèdes.

- Les causes du processus de précarisation ?

- La précarité est-elle liée au processus de survie de l’espèce ?

- Quel lien entre précarité et (in)compétence ?

- La sédentarisation implique-t-elle la précarité ?

- Est-il acceptable qu’un système économico-politique institutionnalise la précarité ?

- Comment s’inscrire dans l’aide aux précaires et dans la lutte contre la précarité ?

- Responsabilité, investissement : comment participer à une relation d’aide ?

- Comment précariser ceux qui sont responsables de la précarité ?

Ces questions ouvrent des investigations que nous allons parcourir.

Université Populaire de Perpignan

ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2006-2007)

Séance 2 du 10-02-07

La précarité existentielle

(36 participants)

Animateur : Michel

Présidente de séance : Marcelle

Secrétaire de séance : Jacky

  1. Introduction par Michel : miettes philosophiques
  • Définition de la précarité.

PRECARITE : “ Situation dans laquelle l’avenir, la durée, la stabilité ne sont pas assurés ”. Etymologiquement du latin precarius : “ Qui s‘obtient par la prière ” (de preces, la prière). On voit que l’on signifie par là quelque chose qui dépend de la volonté d’un autre (ici Dieu), qui a pouvoir sur moi.

Autre sens dérivé de celui-ci, issu de l’histoire, et toujours en cours : “ Qui ne s’exerce que par une autorisation révocable ”. Par exemple l’expression “ à titre précaire ” se dit de la détention d’une chose pour le compte d’autrui (le locataire jouit provisoirement d’un bien qui ne lui appartient pas).

- Qu’en est-il alors de la “ précarité existentielle ” ?

C’est celle de la vie, de notre vie, dont on dit et sait qu‘elle est précaire, parce que sa durée n’est pas assurée, mais limitée par les incontournables de l’accident, toujours possible, la maladie, souvent probable, la mort, absolument certaine. Elle a une échéance qui fait brisure, fracture, coupure, une fin, la fin. Un point de butée aveugle (car il est impensable, une limite à notre compréhension, un mystère) : sur la mort, il n’y a de certitude que sur son existence, notre seule certitude objective peut-être (tout être vivant mourra). Mais aucun savoir sur ce qu’elle est, et s’il y a quelque chose après : dire par exemple scientifiquement qu’elle se reconnaît à un électroencéphalogramme plat du cerveau ne nous donne guère de connaissance expérientielle ou philosophique sur elle, et épuise encore moins le sens de notre mort dans notre existence.

Personne (sauf Dieu peut-être, s’il existe), n’est éternel. D’où notre fantasme d’immortalité (les Grecs appelaient les Dieux les Immortels). Et c’est parce que nous ne savons rien sur la mort que nous croyons. La croyance, faute de savoir. Croyance en l’immortalité de l’âme par opposition au corps, à la résurrection ou à la réincarnation… ou qu’il n’y a plus rien pour nous après : encore de la croyance, même chez les athées.

Avenir précaire parce qu’à durée limitée … Mais aussi imprévisible. Malgré le projet, l’intention de planifier par la volonté, de faire serment, de prévoir (par la science ou le marc de café), notre avenir, en tant que conscience et liberté, c’est l’inconnu et le risque. Pensons au bonheur comme état, qui est au cœur de notre désir : mais la vie, la conscience sont temporelles, c’est un flux, une variation, un aléatoire générateur d’incertitude.

D’où cette instabilité qui caractérise notre vie, que nous sentons à la moindre expérience profonde (l’amour, le vieillissement…), vulnérable et fragile : impression quand on ne maîtrise plus sa vie d’un déterminisme, d’un destin : celui du sentiment du tragique de l‘existence (“ Tout homme dès qu’il est né est assez vieux pour mourir ” dit Heidegger ; “ De l’inconvénient d’être né ”). Et aussi, quand prédomine l’élan vital (force néguentropique devant la loi de la dégradation universelle), le sentiment qu’il s’agit pour vivre d’une lutte sans fin : “ struggle for life).

- Devant cette précarité existentielle, comment l’homme peut-il réagir ?

Le suicide par désespoir (courage devant la mort, mais lâcheté devant la vie) ? Le suicide par libre choix de sortir du monde au moment choisi (les stoïciens) ? Chercher à donner un sens à une vie d’homme dans un monde absurde (Camus) ? Faire des enfants pour prolonger sa vie, ou une œuvre artistique ou scientifique, léguée pour sa postérité ? Se consoler dans la religion, en cherchant ici-bas une vie sainte dans l’amour des autres et de Dieu, dans l’espérance d’une vie bienheureuse au-delà ? Rechercher la sagesse philosophique en apprenant à mourir (Socrate), ou à vivre (Spinoza) ; dans un plaisir mesuré (Epicure) ? En acceptant l’ordre du monde (Stoïcien) ou en visant la transformation révolutionnaire du monde (Marx) ?

  1. Synthèse de la séance par Jacky

1) Présentation de l’atelier

Méthode. Rappel du programme annuel et des temps de la séance (voir compte rendu précédent), qui verront se succéder :

  • des apports accessibles à tous, livrés à la réflexion des participants (aujourd’hui par Michel Tozzi, professeur des Universités à Montpellier 3, directeur du CERFEE (Centre de recherche sur la formation, l’éducation et l’enseignement), animateur de l’atelier de philosophie pour adultes de l’Université populaire de Narbonne et du café philo de Narbonne ;
  • une réflexion collective à partir de questions posées à tous,
  • et un temps d’écriture et de lecture des écrits pour ceux qui le souhaitent.
  • Un retour sur le fonctionnement mettra un point final à la séance.

L’animateur rappelle la liberté absolue des participants (de venir, de se taire, d’écrire…), mais aussi que l’on va se nourrir des travaux de tous. Les co-animateurs de l’atelier tenteront de faciliter et d’accompagner la réflexion individuelle et collective en atelier.

2) Introduction de la séance

Visite à caractère philosophique de la notion de précarité

A la manière du penseur danois Kierkegaard, M. Tozzi propose à l’appétit des participants « quelques miettes philosophiques » .

L’origine d’un mot est souvent source de lumière : précarité vient de précarius, ce qui s’obtient par la prière : cela dépend donc de la volonté de l’autre, de son pouvoir sur moi; toutefois, par la prière il me reste la possibilité d’influencer. Cette précarité, dans certains cas, ne s’exerce que grâce à une autorisation révocable (cf. le terme juridique « à titre précaire ») et souligne le caractère de détention d’une chose pour le compte d’autrui.

La précarité existentielle suppose que la durée n’est pas assurée, que l’avenir est incertain, qu’on ne peut envisager une quelconque stabilité ; il faut regarder l’échéance, se résoudre à la mortalité biologique.

Beaucoup de fantasmes vont naître de ce constat, d’autant que la croyance commence là où le savoir s’arrête. Mais comment assumer la mort ?

Camus l’exprime par l’absurde, M. Conche en évoque la mise en scène : « Il faut nous efforcer de rendre notre mort tragique à nos yeux, pour que notre vie prenne du sens ». Cette imprévisibilité inquiète et l’homme a inventé, s’est inventé, des parades : prévisions, projets, pronostics… pour faire face. Pour certains, cette imprévisibilité est trop lourde à porter : alors le fatalisme les guette ; d’autres gardent l’espoir de prolonger la vie en donnant la vie, d’autres encore, instables, ont du mal à trouver leur place entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Accablé par le destin, l’homme se donne des valeurs, s’invente des manières de se souvenir (cimetière..), lutte contre la néguentropie (processus de dégradation), organise la lutte pour faire reculer la mort. Bergson parle de l’élan vital, Nietzsche de volonté de puissance, du désir de survie. Kierkegaard nous dit que « la liberté est au fond du désespoir ».

Face à l’absurdité de la fin, quelles sont les stratégies adoptées pour faire face ? Camus propose : «La vie n’a aucun sens, donnez-lui en un ! ». La philosophie est-elle une consolation ? Une invitation au bonheur (qui exclut la tristesse) ou à la joie (plus profondément humaine, car elle intègre la tristesse). Le stoïcien propose de changer la façon de voir les choses, puisque l’on ne peut les changer.

Questions posées comme invitation au débat.

  • Quel est le sens de la précarité de l’homme ? Quelle couleur cela don- ne-t-il à notre existence ?
  • Comment faisons-nous face à cette précarité existentielle ?

3) Synthèse des réflexions au cours de la discussion (3/4 d’heure) sur :

- le groupe présent : que faisons-nous ici ? Nous avons la chance de confronter nos langages ! Nous sommes des nantis capables de dialoguer : ce n’est pas le cas de tout le monde.

- les questions posées : qu’inclut-on dans existentiel ? Est-ce essentiel ? Comment aborder la lourdeur de la question par la légèreté de la réponse ? Ma précarité est-elle la même que celle du voisin ? Comment peut-on nous même l’observer ? Comment à partir de ressentis différents, peut-on philosopher avec la visée d’universalité ?- – L’homme est un sujet pensant, contrairement aux (autres) animaux : peut-on vivre sans y penser ? Sans penser ? Comment prenons nous conscience de notre précarité?

- Cela dépend des moments, des circonstances : en fin de vie, quand la mort frappe à la porte ? Quand enfant, on prend conscience en même temps de la vie et de la mort ? A cause de difficultés financières ? Mais la précarité matérielle peut aussi rendre la liberté tant espérée ! Quand on donne la vie, que l’on passe le relais ? – Le fait du hasard : on ne choisit pas l’arrivée, mais on peut choisir le départ ; vivre est un accident, la vie n’est-elle pas une « maladie mortelle sexuellement transmissible » ? – Contraste entre les idées avancées : la vie est absurde, pourquoi doit-on lutter pour finalement mourir ? Est ce que cela en vaut la peine ? La vie est un cadeau , une dette ; je me dois de faire fructifier pour moi, pour les autres, ce que l’on m’a donné. La précarité c’est du piment : il faut profiter de cette inconnue.

- La religion comme aide : la religion introduit l’idée de l’âme, de la distinction à faire entre l’âme et le corps ; le corps mourrait main non l’âme. Le bouddhisme parle de l’impermanence et comment s’y préparer. L’au- delà et la promesse d’un autre monde rassure ; la religion comme pour nier la précarité humaine. – L’influence de la modernité : la question de la précarité devient plus douloureuse encore alors que paradoxalement l’espérance de vie des êtres humains augmente ; les média (entre autres) nous rongent petit à petit un peu de notre conscience ; l’épicurisme galopant, le souci permanent de rentabilité, la recherche constante de la performance et cette injonction à la jouissance exercent une forte pression.

Il reste, puisque l’on a trouvé des stratégies pour (sur)vivre, la question du sens ! Pourquoi ne pas transformer cette fin tragique en un acte, qui peut-être beau, pour donner de l’importance à ce que la vie a été ?

4) Régulation de la séance

21 personnes sur 35 ont pris la parole, au moins une fois dans la discussion. C’est un bon indicateur démocratique.

Changer de configuration spatiale, car il y a une très mauvaise acoustique.

Les écrits de participants

La précarité est un sujet tellement grave que je me suis permis de l’aborder avec fantaisie, en quatre idées :

  1. impossibilité de pouvoir conjuguer l’avenir au présent, et ne pas avoir assez d’avenir pour reconjuguer le passé.
  2. Et si c’était ne plus savoir s’émerveiller d’être le vainqueur d’un concours de circonstances?
  3. Quand je dis : « je suis en vie » je suis sûr qu’en écrivant en vie en seul mot (« envie »), je changerai ma perception de ma précarité existentielle.
  4. La précarité de ma pensée, (par la culture par exemple), est le salut de ma précarité existentielle.

Jacky

Supposant élucidée la question de la nature et des causes de la précarité, se posent encore celles du sens qu’elle revêt et celle du comment s’en débrouiller.

Devant les urgences de la vie, on coupe au plus court vers la deuxième de ces questions : il faut assumer, et on assume plus ou moins bien, de gré ou de force. L’atelier de philosophie donne l’opportunité de se poser la première de ces questions, celle qui toujours passe à la trappe : la précarité de notre existence a-t-elle un sens ?

Eh bien sans doute n’en a-t-elle aucun, mais elle est paradoxalement le support de tout sens. C’est ce que Camus dit lorsqu’il parle de l’absurde et de la nécessité de construire du sens. C’est aussi ce que dit Marcel Conche lorsqu’il invite à rendre sa mort tragique. Devant ce trop d’imprévisible, et d’insensé, l’homme, cet être de raison, est poussé à essayer d’organiser l’avenir, de remettre en ordre le passé, de tirer les enseignements des expériences, de découvrir les lois qui régissent les phénomènes, de fractionner le réel pour avoir des îlots d’intelligibilité, d’agir sur les événements, d’avoir des activités créatives, d’établir des liens sociaux. Ce sont donc toutes les activités humaines qui sont mobilisées pour faire contre poids à cette masse d’incertitudes dont n’émerge que la certitude d’une fin.

On peut faire une contre-expérience imaginaire : celle d’une vie qui ne serait pas précaire, d’une vie qui n’aurait pas de terme. Nous serions immortels. Mais dans ce cas, à quoi bon faire ou faire bien ? Nul besoin d’ordre ou de morale, puisqu’il n’y aurait pas la sanction que représente la mort qui peut survenir n’importe quand. Nul besoin non plus de regretter ou d’espérer.

Mais tout aussi dramatique serait aussi la situation où tout serait certain, organisé, planifié, où l’instant de ma mort me serait lui aussi connu.

Marcelle

Université Populaire de Perpignan

ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2006-2007)

Séance 3 du 10-03-07

(21 participants)

La précarité affective, notamment dans le couple

Animateur : Michel

Introductrice : Marcelle

Président de séance : Jacky

Secrétaire de séance : Romain

  1. Introduction par Marcelle

La précarité affective dans les relations interpersonnelles,

notamment dans le couple moderne

Un état de fait : la “ crise des CDI ”

  • les engagements évoluent vers une plus grande révocabilité que les institutions acceptent et même prévoient : divorces, PACS-DéPACS, plus grand usage des contrats, ce qui signifie que d’entrée de jeu sont prévues les clauses de rupture et la durée déterminée. Le serment, comme engagement à durée indéterminée, n’a plus court.
  • L’allongement de la durée de la vie en est une des explications, car on peut entendre que cela rende probable des changements d’orientation de la vie de chaque partenaire.
  • Un certain affaiblissement de la tradition rend également tout engagement plus instable ; par exemple, le regard de la famille ou de la société, qui était un frein à des ruptures conjugales n’a plus guère d’impact.
  • La crise des croyances religieuses fait que le serment ne se fait plus devant Dieu mais seulement devant des hommes ! Plus devant la société mais devant quelqu’un, et avec peu de contrainte.
  • Enfin la découverte de l’inconscient a ouvert l’ère du soupçon, car l’autre, même s’il est proche, reste non seulement un inconnu, mais aussi un inconnaissable. Il en est de même pour soi, puisqu’une très large part de nos propres désirs nous reste opaque. Nous faisons quotidiennement l’expérience de la surprise de soi et des autres, quelquefois bonne, quelquefois mauvaise.

Mais revenons à l’étymologie de précarité, du latin précarius : qui s’obtient par la prière. Cet aspect là nous met d’emblée dans la dimension de la demande faite à l’autre. La volonté et la décision de l’autre sont prises en compte. Nous arrivons à ce paradoxe que la précarité de la relation affective est aussi le témoignage d’un authentique lien à l’autre. Ceci est bien visible si on se réfère à l’époque du divorce interdit ou mal vu. Les unions persistaient alors que souvent l’amour avait fait place à la haine ou à l’indifférence.

L’aspect éthique de la question

La reconnaissance de la précarité des sentiments et des liens invite à une plus grande attention à soi et aux autres. Cela rend nécessaire un questionnement qui reste ouvert sur son désir et sur le sens de ses engagements, en même temps que sur la prise en compte de la liberté de son partenaire, car aucune institution ne garantit ou n’oblige absolument.

Cette situation n’est pas sans risque, celui de l’insécurité par exemple, ou celui du caprice, car il est bien difficile de se repérer dans un désir qui est largement inconscient. Enfin, la question de la précarité en soulève une autre qui est celle de la confiance, du soupçon, de la défiance vis à vis des autres et de soi-même.

  1. Synthèse de la discussion par Romain

« Je vis avec l’autre à titre précaire. »

A l’heure où quelques-uns (dont le sociologue François Dubet) annoncent « le déclin de l’Institution » (une Institution censée nous aider à statuere, à tenir debout) ; où s’engager et promettre semblent bien loin des esprits et parfois même de portée, n’y a-t-il pas l