Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Une approche par compétences en philosophie ?

Colloque  « Philosophie de l’enseignement – Enseignement de la philosophie » : De la transmission des savoirs à la formation des compétences

Une approche par compétences en philosophie ?

Michel Tozzi, professeur de philosophie dans un lycée technique pendant 26 ans, professeur émérite des Universités en sciences de l’éducation à Montpellier 3, didacticien de la philosophie, expert de l’Unesco pour la philosophie à l’école primaire.

I)                 Introduction

La définition des programmes « par compétences », l’orientation de  travailler à développer des compétences est, au niveau mondial, une tendance actuelle significative de l’évolution des systèmes éducatifs, qui institutionnalisent progressivement cette approche. Avec des conséquences profondes sur l’écriture des programmes, la façon d’évaluer des enseignants, la manière de faire travailler les élèves…

Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne par exemple ont publié des recommandations sur les huit compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, et décrit « les connaissances, aptitudes et attitudes essentielles qui sont attachées à chacune d’elles » (J.O. du 30/12/2006). La Belgique francophone a publié un décret-mission le 24/7/1997 sur les compétences, cadre réglementaire d’élaboration de tous les programmes. La compétence y est définie comme « une aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches ». Le Québec, le canton de Genève sont connus pour leurs avancées institutionnelles sur cette question, qui ne va pas de soi lorsqu’on passe à la pratique. De son côté, le socle commun français implique d’« être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations complexes, à l’école puis dans la vie » (Décret du 11 juillet 2006). Les élèves disposent désormais d’un livret de compétences à faire valider à l’issue du collège.

La philosophie comme discipline scolaire est confrontée à cette évolution : on trouve en effet dans le programme actuel des séries générales français (arrêté du 27-05-03) une référence explicite à des compétences à développer : « Il convient d’indiquer clairement à la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et les compétences que les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce qu’ils ont appris… ». « C’est dans leur étude que seront acquises et développées les compétences définies au titre III ci-dessous ». On y parle d’ « apprentissage de la réflexion philosophique », d’ « aptitude à l’analyse », de « l’aptitude de l’élève à utiliser  les concepts élaborés et les réflexions développées ainsi qu’à transposer dans un travail philosophique personnel et vivant les connaissances acquises par l’étude des notions et des œuvres » On souligne « les capacités à mobiliser »… Vocabulaire, avec son implication théorique sous-jacente assez nouveau dans l’histoire des programmes de philosophie.

La philosophie est donc interpellée, d’une part, en tant que matière scolaire – comme les autres – par les nouvelles normes ambiantes de la compétence, d’autre part en tant que démarche réflexive critique sur les évolutions sociétales et scolaires, pour réfléchir sur ce nouveau paradigme (notamment en philosophie de l’éducation) : l’approche par compétences en philosophie est-elle légitime, ou à proscrire ? Peut-elle nourrir la réflexion didactique de la discipline ? A-t-elle des aspects bénéfiques, tant pour les élèves que pour le maître, dans une perspective d’apprentissage du philosopher ? Et si elle apparaissait souhaitable, quelles sont les dérives possibles, et comment les éviter ?

II)              La démarche théorique et pratique de l’approche par compétences

A)              La question de la définition du concept

Le concept de compétence a été introduit dans les mondes professionnel et éducatif depuis de nombreuses années (les années soixante et dix dans les programmes de l’enseignement professionnel, les années quatre-vingt pour la classe de seconde), et intégré dans une démarche dite d’« approche par compétences ». Ce concept reste discuté dans la recherche, notamment en sciences de l’éducation : définition exacte du concept et de la démarche d’approche par compétences ; question controversée en psychologie cognitive et dans les didactiques de la notion de compétence transversale. Il interroge sur la pertinence de son institutionnalisation (écriture des programmes où l’on met un verbe d’action devant un contenu) ;  sur son utilisation en classe (où on le confond souvent avec un simple objectif ou une connaissance procédurale) etc. Il n’est pas totalement stabilisé, et doit donc être utilisé avec prudence épistémologique et méthodologique. La recherche actuelle se nourrit sur ce plan, en France, notamment des recherches en psychologie cognitive et en ergonomie du travail non anglophone. D’un point de vue philosophique, le concept a été confronté par certains à celui d’hexis (disposition acquise et durable par une praxis renouvelée) d’Aristote (Ethique à Nicomaque, livre II, chap. 4), mais celui-ci donnait une dimension éthique à cette sorte de seconde nature ; par d’autres à celui d’habitus de Bourdieu, mais celui-ci, distinct de celui d’habitude, est plutôt inconscient…

Parmi les définitions qui circulent, voici quelques exemples francophones de chercheurs reconnus dans le champ éducatif. Une compétence, c’est :

- « la capacité d’associer une classe de problèmes précisément identifiée avec un programme de traitement déterminé » (Philippe Meirieu, 1989).

- « Une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maîtriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes » (Philippe Perrenoud, de l’Université de Genève, 1997). Il précise aussi qu’il « s’agit de faire face à une situation complexe, de construire une réponse adaptée sans la puiser dans un répertoire de réponses préprogrammées ».

- « Un ensemble intégré et fonctionnel de savoirs, savoir-faire, savoir être et savoir-devenir, qui permettront, face à une catégorie de situations, de s’adapter, de résoudre des problèmes et de réaliser des projets » (Marc Romainville, de l’université de Namur, 1998).

- « Un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (Jacques Tardif, de l’Université de Sherbrooke, conférence du 27 avril 2006 dans cette université).

- « Être compétent, c’est pouvoir mobiliser un ensemble intégré de ressources, pour résoudre des situations problèmes » (F. M. Gérard, 2008). Ou bien : « Quelqu’un est compétent quand, placé dans des situations qui impliquent de résoudre un certain type de problèmes ou d’effectuer un certain nombre de tâches complexes, il est capable de mobiliser efficacement les ressources pertinentes pour les résoudre ou les effectuer, en cohérence avec une certaine vision de la qualité ».

Il s’agit d’une conception dynamique de la compétence en relation avec les démarches d’apprentissage des élèves, faisant appel à la contextualisation des processus, à leur décontextualisation nécessaire au transfert des acquisitions, et à leur recontextualisation dans de nouvelles situations. Une compétence développe donc une « intelligence des situations » (Jonnaert). Laurent Talbot précise (dans XYZEP n° 34), que « l’approche par compétences est une approche socioconstructiviste, ce qui signifie que l’activité de l’élève est comprise comme essentielle pour l’apprentissage… Ce sont les élèves qui construisent leurs compétences », notamment en réinvestissant des savoirs.

B)              Les éléments de la définition

Nous retiendrons de cette approche – ce sera la définition que nous testerons dans l’apprentissage philosophique – qu’on on est compétent quand « on peut mobiliser de façon intégrée des ressources internes et externes pour accomplir dans son activité un type de tâche déterminé dans une situation complexe et nouvelle ». Cette définition reprend un certain nombre d’éléments récurrents chez les chercheurs.

Exemple : on considère, en classe terminale, qu’un élève est compétent en philosophie s’il sait rédiger convenablement une dissertation le jour du bac.

Précisons plusieurs points : une compétence n’est pas innée mais s’apprend en s’entraînant, elle est le résultat d’une démarche d’acquisition, d’apprentissage qui prend du temps.

La compétence ne s’oppose pas aux connaissances, puisqu’elle suppose la mobilisation de savoirs. Elle prend le savoir au sérieux. Être compétent en dissertation philosophique implique par exemple le plus souvent la connaissance d’auteurs. Mais des connaissances ne suffisent pas à définir une compétence : je peux connaître ma table de multiplication, ou telle règle grammaticale (savoirs déclaratifs), sans savoir faire convenablement une multiplication ou utiliser la règle dans une phrase (savoir-faire d’ordre procédural). Réciter la doctrine d’un auteur sans la mettre en perspective de la question posée ne convient pas dans une dissertation philosophique. Il faut donc de distinguer une compétence (qui implique un « savoir vivant ») d’un savoir décontextualisé, inerte, coupé des tâches et des situations.

Une compétence s’accomplit dans l’action (c’est un « savoir agir »), et c’est ce qui la distingue d’un savoir ou d’une connaissance.  Elle relie le savoir au pouvoir qu’il donne ; c’est un outil d’émancipation. Ce qui compte, c’est la mobilisation en acte (en situation, en contexte), de savoirs, de procédures, de processus (faire une dissertation en situation : chez soi ou le jour du bac, et dans le contexte de tel ou tel sujet etc.). La compétence est un « savoir mobiliser » (Guy Le Boterf, 1994). Il ne s’agit pas de simplement restituer des procédures automatisées.

Mais il faut mobiliser « à bon escient et au bon moment ». Il y a une convenance de telle et telle ressource par rapport à telle tâche, en quoi consiste le savoir faire du savoir mobiliser. De ce fait, l’approche par compétences peut apparaître comme plus ambitieuse que la simple transmission de connaissances.

Dans cette mobilisation, plusieurs ressources sont convoquées, et elles sont combinées, articulées, utilisées en synergie, à proportion de leur intégration individuelle et collective. Par exemple dans une dissertation acceptable, il y a mise en oeuvre une connaissance langagière, lexicale et sémantique, et la plupart du temps la connaissance de notions, d’auteurs, d’autres connaissances disciplinaires, la référence à un cours, à l’expérience personnelle, un savoir conceptualiser et argumenter, analyser un exemple, un habitus d’ordonner des idées etc.

Par ressource interne, on peut entendre des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être (dans le socle commun français, on parle plutôt de connaissances, de capacités, d’attitudes), des expériences… ces ressources peuvent être cognitives, sociales, corporelles.

Les ressources externes pour un élève peuvent être le professeur, des camarades, un cours, un texte, un livre, un outil, internet etc. Les ressources peuvent être humaines ou matérielles.

Une compétence n’est pas non plus un objectif, au sens de la « pédagogie par objectif », parce qu’elle ne fractionne pas abusivement le savoir ou les savoir-faire, et convoque toujours une tâche complexe, et non parcellisée, découpée en tranches, qui fait et donne globalement un sens et une finalité à des activités scolaires. Elle peut ainsi, par la motivation, contribuer à réduire l’échec scolaire.

Une compétence ne se voit pas, contrairement à une performance. Son référent théorique est constructiviste, et non behavioriste. Elle met en jeu des opérations mentales complexes. L’approche par compétences vise à remplacer le paradigme de la P.P.O., qui a montré ses limites théoriques et des dérives pratiques. Nous avons fait pour notre part à ce dernier dans notre thèse quinze objections à son application à la philosophie (M. Tozzi, 1992-1).

Une compétence peut être développée pour elle-même, mais aussi devenir une ressource pour une autre compétence (ex : il faut « savoir lire un texte » pour « lire un texte philosophique »). Tout dépend comment on déplace le curseur, du détail au plus global ou inversement.

Cette approche soulève elle-même des critiques. Elle participe, comme dirait M. Weber, de la rationalisation des relations humaines, ici de l’action éducative, cherchant l’efficacité des résultats scolaires, que l’on oppose au savoir désintéressé. Elle chasserait en primauté et quantité la place des savoirs, le rôle princeps de la transmission des savoirs à l’école, en particulier ceux qui ne sont pas d’utilité immédiate, sociale ou économique, et les instrumenterait au service de compétences (On est allé jusqu’à parler d’ « analphabétisme culturel »). Cette conception utilitariste des savoirs serait de fait liée à la logique de l’entreprise, importée dans le champ de l’éducation, en liaison avec l’évolution du marché du travail (Angélique Del Rey, 2010). Certains, comme N. Hirtt (2010) ajoutent à ces arguments qu’elle ne peut se réclamer du constructivisme et des pédagogies actives, entraînent une bureaucratie routinière dans la pratique de l’évaluation, et même renforceraient l’inégalité sociale.

Nous ne discuterons guère dans cet article de l’approche par compétences de façon générale ; nous n’aborderons pas non plus la question difficile des « compétences transversales » : l’approche généraliste de J. Piaget à partir de « stades de développement » déterminés par des compétences générales transférables d’un domaine à un autre (ex : le raisonnement hypothético-déductif vers 10-12 ans), s’oppose aujourd’hui au point de vue cognitiviste de didacticiens disciplinaires selon lequel les compétences acquises dans un domaine ne sont guère transférables à un autre à cause de leur spécificité (voir par exemple la critique de Bernard Rey dans Diotime n° 3 de mars 2002). Nous tenterons simplement, en didacticien de la philosophie, de voir si cette approche peut aider les élèves apprentis-philosophes…

III) L’approche par compétences en classe de philosophie

Nous proposons de définir la « compétence philosophique » d’un élève  (réflexion didactique dans le cadre de l’école, et il faudra parler aussi des compétences du professeur de philosophie pour favoriser le développement de ces compétences chez les élèves), comme un « savoir-philosopher », c’est-à-dire « penser par soi-même » (ce qui ne veut pas dire être absolument original, mais prendre en main sa pensée, devenir intellectuellement autonome, développer sa réflexivité sur les questions posées à la (sa) condition humaine). Et ce en – c’est notre définition de la compétence – « mobilisant de façon intégrée des ressources internes et externes sur un type de tâche déterminé complexe et nouvelle ». Examinons les différents éléments de cette définition en philosophie, pour voir si elle s’avère pertinente.

Les tâches spécifiques propres à développer et valider une compétence philosophique sont en France institutionnellement : rédiger une dissertation, faire l’étude ordonnée d’un texte proposé (dont la connaissance de l’auteur n’est pas absolument nécessaire), expliquer à l’oral un extrait de texte supposé connu.

Ce sont là des tâches et des activités complexes, car impliquant une mobilisation de ressources diverses et combinées entre elles. Celles-ci s’exercent dans une tâche chaque fois analogue dans sa globalité (ex : faire une dissertation), mais différente chaque fois par le sujet abordé (La question posée change). Elles sont en ce sens à chaque fois nouvelles, même si elles appartiennent à la « famille de situations », ou genre scolaire : dissertation philosophique. La situation dans laquelle est proposée la tâche est elle-même inédite : ce n’est pas la même chose, en lieux et temps, que de faire une dissertation « à la maison », « sur table » et le jour du bac…

Les ressources internes d’un élève en philosophie peuvent être diverses. Elles relèvent des savoirs (théoriques et d’expérience), savoir-faire et attitudes assimilées par l’élève à l’école et dans sa vie.

A) Des connaissances diverses par leur nature et leur origin

- Des savoirs de nature philosophique : doctrines philosophiques (le platonisme, le kantisme…), ou élément de doctrine (le doute cartésien, la dialectique hégélienne…) ; courants philosophiques (idéalisme et matérialisme, empirisme et rationalisme, stoïcisme et épicurisme…) ; contenu d’une œuvre (Le Manifeste du parti communiste de Marx), ou d’un extrait (Le morceau de cire de Descartes, la perplexité d’Augustin sur la définition du temps…) ; problématiques classiques (la théorie de la connaissance, la question de l’existence de Dieu…) ; contenus sur des notions (la vérité, la liberté…) ;  « repères », au sens des programmes actuels de classe terminale (distinctions conceptuelles : absolu/relatif, abstrait/concret…) etc.

- Les cours du professeur de philosophie.

- Des connaissances générales, culturelles, acquises en dehors de l’école (concert, musée, lecture, sports collectifs, télévision, internet…), ou à l’occasion d’autres disciplines scolaires : histoire des idées, littérature (Cicéron ou Lucrèce en latin, en français le siècle des Lumières, le théâtre de Sartre ou Camus, Shakespeare en anglais ou Cervantès en espagnol), arts et histoire des arts, la Grèce en grec ou en histoire, la démonstration en mathématique, la physique de Newton ou d’Einstein, la théorie libérale en économie, les institutions, les valeurs républicaines, la législation en éducation civique etc. Cette culture est une base et un appui pour la réflexion

- L’expérience personnelle de l’élève, du vécu plus ou moins analysé sur l’amour, l’amitié, la croyance, le beau, le corps etc.

B) Des savoir-faire, des capacités

Pour rédiger une dissertation, il faut savoir maîtriser, c’est-à-dire savoir appliquer en situation contextualisée un certain nombre de codes lexicaux et sémantiques (capacité linguistique en orthographe et syntaxe), et plus largement une capacité communicationnelle (ne pas écrire pour soi dans l’implicite, mais viser un destinataire pour être compris, et plus précisément un correcteur avec ses critères).

Il faut aussi mettre en œuvre des procédures propres au type de « genre scolaire » typiquement français (Cf les travaux d’A. Chervel à l’INRP) de la dissertation : faire un plan, avec une introduction qui amène le sujet, un développement ordonné avec deux ou trois parties, une conclusion.

A ces aspects formels s’ajoutent des exigences spécifiquement disciplinaires, développées et prescrites dans les manuels de méthode : l’introduction doit problématiser la question (derrière la question, où sont le problème et ses enjeux, les difficultés à le résoudre…), les parties doivent par exemple soutenir des points de vue différents, la conclusion doit récapituler puis ouvrir pour prolonger le questionnement ; il y a différents types de plan possible, notamment  selon la formulation du sujet, répertoriés dans des ouvrages ad hoc etc.

Pour notre part (Tozzi, 1992-1), ce qui nous semble philosophiquement déterminant, c’est la mise en œuvre, plus que des critères ou procédures formels, de certains processus de pensée qui donnent une allure, une visée philosophique au « devoir » (le choix de ce terme demanderait bien des développements).

Trois processus sont particulièrement structurants pour une pensée qui se veut philosophique (Tozzi, 2005).

La problématisation, ou capacité de s’interroger sur le sens (« La vie vaut-elle la peine d’être vécue ») ou la vérité (« Les choses sont-elles comme elles nous apparaissent ? ») ; de douter, de mettre en question ses opinions (« Je crois aux fantômes, mais ai-je raison ? »), qui sont souvent des préjugés (des affirmations posées avant même d’avoir été réfléchies) ; de les considérer comme des hypothèses plus que comme des thèses ; de remonter d’une affirmation à la question à laquelle implicitement elle répond, ou de débusquer les présupposés d’une thèse et vérifier leur pertinence  (Soutenir que « Dieu est bon » implique qu’il existe, est-ce vrai ?); de questionner ses représentations d‘une notion (si je dis : « La liberté consiste à faire ce que l’on veut », quelles conséquences ?) ; d’expliciter si et en quoi en quoi une question (« Quel est le sexe des anges ? ») ou une notion (« L’inconscient est-il une hypothèse scientifique ? ») pose philosophiquement problème…

Deuxièem processus : la conceptualisation, ou capacité de définir en compréhension une notion (« L’homme est un animal raisonnable »), de partir de sa représentation (« La vérité c’est ce qui est ») pour en élaborer le concept, notamment à l’aide de distinctions conceptuelles (ici vérité et réalité)…

Troisième processus : l’argumentation, ou capacité de soutenir et de valider une thèse ou une objection par des raisons dûment fondées, des arguments rationnels (« Dieu existe parce qu’un être fini ne peut avoir engendré l’idée d’un être infini », ou « C’est parce qu’il est imparfait que l’homme imagine un être parfait »).

Ces trois « capacités philosophiques de base » sont utiles dans les tâches philosophiques complexes, comme rédiger une dissertation, parce que c’est leur mise en œuvre sur une question donnée qui atteste la présence effective d’une réflexion personnelle de l‘élève.

C) Des attitudes, ou façons d’être

Les attitudes philosophiques peuvent être intellectuelles ou pratiques. Pour Socrate, l’attitude existentielle philosophique par excellence, c’est le courage devant la mort ; pour un stoïcien, la capacité à changer toute représentation perturbante des choses ; pour un épicurien le souci de jouir, mais uniquement des désirs naturels ; pour Spinoza l’accroissement avec joie de sa puissance d’être ; pour Kant l’agir éthiquement par devoir seulement ; pour Marx la transformation collective du monde etc.

Ce sont là des postures philosophiques pratiques dans et devant la vie, qui demandent un entraînement (P. Hadot parlait d’ « exercices spirituels »). S’agissant de « penser par soi-même », sur lequel nous avons centré didactiquement notre conception de la compétence philosophique scolaire, les postures sont plutôt intellectuelles, assez difficiles à distinguer des processus ci-dessus : on pourrait peut-être parler d’autonomie du jugement, d’esprit critique, d’initiative et de créativité de la réflexion, de se mettre, dans une perspective d’éthique de la pensée, authentiquement devant une question (S’y’impliquer intellectuellement et personnellement, pas seulement parce que c’est un devoir scolaire noté)…

Parmi les ressources externes qui peuvent être mobilisées pour faire une dissertation de philosophie « à la maison », on peut répertorier (sans jugement de valeur) : des personnes, notamment le professeur, au lycée ou dans un cours particulier si l’on peut financer, à qui l’on peut demander conseil ; ses camarades, sa famille, des amis avec lesquels on peut discuter informellement du sujet ;

Puis des savoirs, que l’on trouvera dans les cours et les manuels des autres disciplines, ou par une recherche documentaire sur internet concernant une notion, un auteur, un problème ;

Enfin des outils, comme le cours du professeur dans lequel on peut se replonger, le manuel de philosophie sur la notion du programme, ou un recueil de textes ; un ouvrage sur la méthodologie de la dissertation, ou sur des corrigés ; un digest type SOS bac etc.

Pour les devoirs sur table ou à l’examen, il faudra évidemment compter essentiellement sur ses ressources internes…

d) La mobilisation de ressources

Pour accomplir cette tâche complexe et toujours renouvelée de la dissertation, il faudra « mobiliser ces (ses) ressources ». Qu’est ce que mobiliser des ressources ?

Par exemple il faudra penser dans une dissertation sur la nécessité d’un contrat social (« Un contrat est-il nécessaire pour que les hommes puissent vivre ensemble ? ») :  à « utiliser » les connaissances disponibles dans sa mémoire (le contractualisme en philosophie politique, les théories de Grotius, Hobbes, Rousseau ou Rawls par exemple, avec telle œuvre ou tel extrait), philosophiques ou autres (exemples historique et juridique de la Constitution et des lois, économique du contrat de travail ou du contrat commercial…) ; convoquer des ruptures connues « légales ou réglementaires » du contrat (code pénal, plus généralement transgression des lois et règles avec échelle de sanctions prévues ; techniques de médiations possibles en cas de conflits) etc. ;

Penser aussi à exemplifier la question du contrat à partir de ses connaissances mais aussi de ses expériences, par exemple du règlement intérieur ou de « vie de classe » de son établissement, du contrat signé lors d’un « petit boulot » etc. ;

Penser aussi à mettre en œuvre des processus de pensée, des savoir-faire intellectuels : de problématisation (en quoi cette question est importante pour la condition humaine, quels sont les enjeux soulevés, pourquoi cette question fait problème, comment formuler ce problème, pourquoi est-ce difficile de le penser théoriquement et de le résoudre pratiquement ?…) ; de conceptualisation (Qu’est-ce qu’un contrat ? Le « contrat social » ? Que signifie vivre ensemble ?… Faisons la distinction entre l’homme à l’état de nature et à l’état de culture, avant et après un (Le) contrat) ; d’argumentation (un contrat est nécessaire pour protéger les plus faibles de la liberté des plus forts ; le contrat est inutile et même nuisible car il empêche par ses contraintes le libre développement de l’économie…).

Ces processus de pensée n’existent pas qu’en philosophie (On problématise et conceptualise aussi en sciences, on argumente en français…), mais ils ont un usage spécifiquement philosophique : un problème scientifique est distinct d’un problème philosophique dans son champ de référenciation et de formulation ; la science ne peut résoudre certains problèmes philosophiques (exemple en éthique ou politique), et inversement ; elle a ses moyens spécifiques d’administration de la preuve (démonstration, expérimentation), alors que la philosophie ne peut s’exprimer qu’en langue naturelle ; l’argumentation rationnelle philosophique, contrairement au français, s’adresse dans sa tradition rationaliste exclusivement à la communauté rationnelle des esprits, c’est-dire à l’auditoire universel etc.

Il faudra enfin prendre au sérieux la question posée, car elle me concerne personnellement pour telle et telle raison (ex : mon employeur ne m’a pas intégralement payé ce que l’on me devait, et n’a pas respecté le contrat) ; elle est au cœur de l’actualité politique et économique (les menaces sur le contrat intergénérationnel des retraites par répartition entraînerait une injustice qui lèserait les moins favorisés) ; et plus généralement elle engage la condition humaine.

Précisons enfin que la situation dans laquelle s’inscrit la tâche est complexe et nouvelle.

Mais en quoi consiste l’opération cognitive de « mobilisation des ressources » ? Faire l’inventaire des ressources disponibles sur un sujet par un balayage de sa mémoire est certainement utile (combien de candidats à la sortie de l’épreuve disent : « Zut, je n’ai pas du tout pensé au texte de Rousseau que l’on a étudié, en plein dans le sujet ! ») ; mais les évoquer mentalement ne suffit pas pour qu’elles soient réellement mobilisées ; on peut convoquer la théorie de Rousseau et ne pas la mettre en perspective du sujet ; réciter le contrat social selon Rousseau prouve que l’on a des connaissances, mais reproduire du par cœur sans intégration de ce savoir à la question posée pourrait aussi bien desservir le candidat (on peut même préférer une réflexion réelle sans référence à des auteurs à un empilement de doctrines où l’on a perdu le sens de la question en remplissant des pages ; l’idéal étant évidemment de maîtriser une bonne utilisation de connaissances comprises plus qu’apprises). De même, autant le recours à l’expérience personnelle est pertinent comme support d’une analyse ou exemplification d’une thèse, autant celle-ci devient anecdotique dans sa contingence si elle s’enferme dans un récit qui ne donne pas du sens au sujet traité.

Il n’est pas simple de définir en quoi consiste une mobilisation adéquate des ressources, c’est-à-dire qui convienne le mieux à la tâche précise proposée. Il faudrait disposer d’une théorie cognitive de la mobilisation, et plus spécifiquement d’une formalisation (procédurale et processuelle) de la mobilisation philosophique de ressources. P. Perrenoud donne une piste en évoquant les notions piagétiennes de schème (schème simple et schème complexe), reprise par le psychologue néo-piagétien G. Vergnaud.

Cette compréhension des processus de mobilisation pourrait aider les élèves dans leur activité devant la tâche, activité réelle qui reste une boite noire dont on ne voit que le résultat, le produit verbo-conceptuel (plus ou moins réussi/raté), et non le processus cognitif (comment cela s’est passé dans la tête de l’élève ?)… C’est un travail didactique à mener, peu exploré jusqu’ici, car il pourrait faciliter cette mobilisation.

D’autant que les ressources nécessaires sont multiples et combinées entre elles. Pour traiter par exemple le sujet sur le contrat, on peut avoir besoin à la fois de connaissances d’orthographe et de grammaire pour rédiger convenablement, d’un savoir sur Hobbes, de son expérience des contrats, de processus de pensée, d’une façon de se mettre devant la question etc. La mobilisation est non seulement le recours à des ressources, mais la capacité à les mettre en relation.

Nous avons par exemple, dès 1992, montré dans notre thèse que les processus de pensée sont étroitement interdépendants, et s’articulent entre eux ; on ne peut mobiliser les uns sans les autres : conceptualiser, c’est définir, et par là même tenter de répondre à une question sur une notion (« Qu’est ce que l’amour ? L’amour c’est…»), argumenter, c’est souvent justifier une réponse (une thèse) à une question posée (Question : « Faut-il rétablir la peine de mort ? » ; thèse : « Non » ; argument : « On ne peut reprocher à quelqu’un d’avoir supprimé la vie de quelqu’un et lui ôter la sienne ») ; ou justifier rationnellement une définition : « On peut dire que l’homme est un ‘animal raisonnable’ (c’est à la fois une définition et une thèse, une définition défend une thèse sur une notion), parce qu’au contraire des autres animaux, il est seul à disposer d’une raison ») S’interroger, définir, argumenter sont bien des opération mentales distinctes, mais étroitement imbriquées.

Comment articuler sur un sujet précis et entre elles ces capacités, des connaissances, des expériences etc., telle est une des questions centrales de la didactique de l’apprentissage du philosopher. Car les ressources doivent être à la fois intégrées par l’apprenti-philosophe et intégrées entre elles, c’est-à dire concourir de conserve à une dissertation philosophiquement acceptable. Rappelons qu’une connaissance est assimilée comme savoir par un sujet lorsqu’elle est comprise (pas seulement apprise) et mémorisée, mais elle n’est intégrée dans la perspective d’une compétence que lorsqu’elle permet la réalisation adéquate d’une tâche complexe, dans une situation nouvelle (sinon elle n’est qu’un contenu dans une case de la mémoire restituable).

Nous avons jusqu’ici raisonné dans le cadre de l’enseignement institutionnel français de la philosophie en classe terminale, avec ses programmes et épreuves d’examen. Une approche par compétences impliquerait dans cette perspective : l’appropriation par l’élève de contenus philosophiques (notamment des notions, problématiques, textes, doctrines, repères), ce que tente de faire  traditionnellement – et souvent principalement, parfois exclusivement -  l’enseignant de philosophie ; le développement de capacités de problématisation, de conceptualisation, d’argumentation, notamment par des exercices spécifiques de nature complexe, puisque ce sont des processus de pensée requis dans des tâches à visée philosophique ; l’entraînement à articuler ces processus, par des situations ad hoc, et in fine des dissertations, car l’entraînement à un seul processus ne suffit pas forcément à savoir l’articuler aux autres ; l’aptitude à mobiliser ses ressources : ses connaissances (philosophiques ou non), ces processus de pensée, son expérience personnelle, dans la perspective de tâches complexes sur des sujets variés.

Les trois derniers points, qui supposent une réelle activité intellectuelle de l’élève, impliquent que l’on fasse autre chose en classe que seulement des cours, des études de textes (qui demeurent souvent des savoirs purement déclaratifs pour l’élève, à comprendre/apprendre), ou des corrigés de dissertation (les conseils, prescriptifs, sont rarement efficaces pour l’activité réelle d’un élève confrontée à un obstacle) …

Bref que l’on se situe moins dans une logique dominante de transmission de contenus (pourtant nécessaires), que dans une logique d’apprentissage, où un contenu ne prend tout son sens que mobilisable dans et par une activité, et où il faut mettre en œuvre pour accomplir une tâche philosophique (ex : une dissertation) des savoir-faire en matière de processus de pensée, des attitudes ou postures philosophiques, communicationnelles etc.

Ce qui suppose chez l’enseignant une évolution significative de la pratique de l’enseignement de la philosophie, qui ne repose guère jusqu’ici, malgré les allusions dans les programmes, sur une approche par compétences, dans ses prescriptions hiérarchiques, sa formation initiale et continue, plus généralement sa culture professionnelle, voire qui y est farouchement opposée (notamment par son anti pédagogisme). C’est cet aggiornamento pédagogique et didactique nécessaire qui a été le fil conducteur de nos recherches depuis 1988.

IIII) L’approche par compétences dans une didactique de l’apprentissage du philosopher

A)              Cadrage de la notion

Il s’agissait dans celles-ci, dans un premier temps (1988-1998), de proposer un cadre théorique et des pistes de pratiques en classe terminale, dans la perspective d’une « didactique de l’apprentissage du philosopher ». Le recours au terme « didactique » faisait référence à l’élaboration progressive, par des chercheurs didacticiens, depuis les années 1970, avec la mise en place des IREM en mathématiques, de didactiques disciplinaires : il s’agissait, en s’appuyant sur des contenus et méthodologies propres à la discipline, de les transposer didactiquement pour qu’ils soient assimilables par les élèves, en se mettant à leur portée selon leur âge et leur niveau, tout en intégrant en vue de leur apprentissage un certain nombre d’apports scientifiques sur le développement intellectuel et affectif de l’enfant, les processus d’apprentissage, notamment les psychologies cognitive, développementale, différentielle, les recherches sur l’évaluation, mais aussi les neurosciences (notamment la neurophysiologie du cerveau), la sociologie des curricula etc.

Nous parlions ensuite d’« apprentissage » du philosopher, pour finaliser l’intention didactique sur l’apprentissage de l’élève, l’enseignant ayant pour métier d’organiser cette démarche d’apprentissage de l’ « apprenti philosophe ». Nous évoquions enfin le « philosopher » (ce que les programmes appellent la « réflexion philosophique »), pour insister sur le type d’activité de l’élève visée : apprendre à penser le plus possible par soi-même, en se distanciant de ses idées préconçues par l’exercice critique d’un jugement rationnel éclairé.

Nous esquissions dès 1992, à partir d’un séminaire de deux ans avec des professeurs-correcteurs de philosophie français (1988-1989), une définition du philosopher didactique (et non strictement philosophique, le consensus philosophique sur ce qu’est la philosophie et le philosopher étant largement introuvable), qui nous semblait opérationnelle pour la classe de terminale française : « Philosopher, c’est tenter d’articuler, sur des questions concernant la condition humaine (notre rapport au monde, à autrui, à nous-mêmes), dans une démarche authentique de recherche de sens et de vérité, des processus de problématisation de questions, de conceptualisation de notions et d’argumentation de thèses et d’objections ». Ces trois processus de pensée nous apparaissant comme des capacités philosophique de base se combinant  sur des tâches complexes pour construire des compétences de lecture, d’écriture et de discussion philosophiques.

Durant les années qui suivirent, nous avons rencontré un certain nombre de didactisations de l’enseignement de la philosophie très différentes dans des pays étrangers. Nous avons alors proposé empiriquement quatre puis cinq paradigmes différents, voire opposés de didactisation : doctrinal (ex : le thomisme sous Franco, ou le marxisme sous Staline), historique (Italie), praxéologique (cours de morale laïque belge), problématisant (Lipman), problématico-patrimonial (France). Nous avons aussi depuis 2000 réalisé nombre de recherches sur l’apprentissage du philosopher avec des enfants et des adolescents (voir mon site www. philotozzi.com, ainsi que ma revue Diotime, publiée sur le portail des revues du SCEREN), et dans la cité (cafés philo, banquets philo, ateliers philo, consultation philosophique, rando philo  etc.).

Nous avons alors peu à peu pris conscience que cette définition première priorisait un paradigme intellectuel (apprendre à penser plus qu’à vivre bien, voire à mourir), problématisant (très questionnant et conceptualisant, mais assez peu appuyé sur le patrimoine philosophique), et rationaliste (où la rationalité est peu enrichie par l’affect ou l’imaginaire, où l’argumentatif l’emporte par exemple sur l’herméneutique).

Tout paradigme didactique est historiquement et géographiquement situé, porteur du contexte d’un système éducatif donné, même quand on le critique, et des référents théoriques convoqués (je suis très imprégné d’une part par la tradition rationaliste occidentale, d’autre part par les sciences de l’éducation, dans  lesquelles j’ai enseigné à l’université douze ans, et plus largement les sciences humaines)…

Cette expérience élargie nous a de ce fait amené à relativiser et à enrichir ma vision didactique, en prenant davantage en compte certains aspects (Tozzi, 2008-2) :  par exemple, apprendre à penser n’a philosophiquement tout son sens que pour apprendre à individuellement et collectivement vivre mieux ; la problématisation et la conceptualisation s’approfondissent d’autant qu’elles s’enrichissent de la pensée des philosophes ; les voix pour philosopher et apprendre à philosopher, de même qu’enseigner la philosophie sont multiples ; les enfants ont besoin d’enraciner l’éveil de leur pensée réflexive dans leur sensibilité et leur imagination etc.

Comment concevons-nous donc aujourd’hui une approche par compétences de l’apprentissage du philosopher ?

L’approche par compétences doit se démarquer de la simple transmission de savoirs philosophiques (paradigme doctrinal ou historique), car un savoir philosophique n’a de sens pour un sujet qui veut philosopher lui-même, faute de répéter-réciter une doctrine, que dans une activité philosophique personnelle (paradigme problématisant). Connaître la pensée de Kant a bien un objectif patrimonial (identifier historiquement un grand moment de la pensée occidentale, ou savoir comment tel philosophe pose une question philosophique et y répond), mais pour celui qui veut philosopher, cette rencontre se fait toujours avec et contre cette pensée. On la travaille pour qu’elle nous travaille, nous provoque, nous affecte intellectuellement. Et si l’on se dit par exemple « kantien », c’est parce qu’il y a eu un positionnement personnel par rapport à une ou des questions auxquelles on s’est personnellement confronté, avec la vision que nous a proposé Kant et qui nous a séduit, et par rapport aussi à celles d’autres philosophes qui avaient d’autres perspectives, qui nous ont moins accrochés. Sinon, plus qu’un « philosophant », même modeste, on devient historien de la philosophie, ou commentateur d’un auteur : ce qui est respectable et utile par ailleurs dans le champ philosophique, mais doit être remis en perspective dans le cadre d’un apprentissage du philosopher, d’un effort pour penser soi-même.

L’approche par compétences doit se démarquer tout autant de la pédagogie par objectifs (PPO) : celle-ci repose sur les présupposés behavioristes d’un comportementalisme observable, peu opérationnel pour les processus de pensée de haut niveau (mieux pris en compte par une approche cognitiviste) ; fractionne trop les capacités à développer, perdant le sens global de l’activité pour l’apprenant ; néglige l’aspect situationnel et la complexité des tâches à réaliser ; développe une conception restrictive et une pratique de l’évaluation trop fréquente (obsession de l’évaluation), séquentielle et sommative.

L’approche par compétences (c’est un point commun avec la PPO), a l’avantage de se placer du point de vue de l’apprentissage de l’élève, et de clarifier aux yeux de l’enseignant et de l’élève lui-même ce qu’il devra acquérir et mobiliser dans des situations où l’on est amené à philosopher. Elle ne s’oppose pas à l’acquisition de savoirs comme on le lui reproche parfois, et nous apparaît comme très intégrative par la multiplicité des ressources à mobiliser et combiner.

Il faut cependant, mais sans jeter le bébé avec l’eu du bain, être vigilant sur trois dérives possibles, qui peuvent se renforcer mutuellement. La première, c’est de trop souvent cantonner cette approche à du prescrit (c’est le cas des référentiels dans la didactique prescriptive des programmes), au lieu d’être enracinée dans le réel de l’activité de l’élève (ce que prend en compte une didactique descriptive, au plus près du travail de l’apprenti philosophe). Une tâche (ici scolaire), est, selon l’ergonomie du travail, en effet prescrite (par un programme, une consigne du professeur, voire auto-prescrite par l’élève : ce que je crois « devoir faire » pour accomplir la tâche). Par contre l’activité de l’élève (et du professeur) en classe est réelle ; ce que l’équipe de recherche du Lirdef de Dominique Bucheton à Montpellier appelle ses  « gestes d’études » (2009). Les recherches montrent qu’il ya toujours un écart constaté entre le prescrit et le réel, car la tâche résiste à l’activité de l’élève avec des difficultés qu’il tente avec plus ou moins de bonheur de surmonter. La compétence se développe dans et par une activité, non par une tâche formellement définie. C’est sur cette activité réelle qu’il faut travailler en didactique.

L’approche par compétences peut retomber d’autre part dans un nouvel habillage de la PPO. Dans ce cas, elle masque sous le mot de compétence la notion d’objectif et la démarche mise au goût du jour de la P.P.O.

Enfin, elle peut être rabattue sur une préoccupation d’évaluation trop normative (due pour beaucoup aux exigences scolaires de la notation), pas assez formative. Il faut lui restituer sa perspective prioritaire de démarche d’apprentissage : le temps d’apprentissage doit être de beaucoup supérieur au temps d’évaluation, et celle-ci doit être avant tout formatrice, et non sommative…

Cette approche est à construire en philosophie. A cause d’une part des normes magistrales en vigueur dans la pratique dominante, peu perméable aux méthodes actives et à une approche socioconstructiviste de l’apprentissage. Et d’autre part compte tenu des difficultés réelles à comprendre théoriquement et à mettre en œuvre pratiquement ce type de démarche, en rupture avec les habitus professionnels, notamment parce quelle modifie le rôle de l’enseignant, essentiellement accompagnateur et non exclusivement transmetteur.

C’est la tâche d’une didactique de l’apprentissage du philosopher de clarifier théoriquement cette approche en philosophie, d’analyser les pratiques d’accompagnement des élèves qui vont en ce sens pour capitaliser les tentatives pertinentes, et de proposer des pistes de pratiques : méthodes, exercices, situations, outils etc. (didactique prospective).

B) Quelques perspectives

1)                 Être au clair sur les processus de pensée à développer (Tozzi 2001, 2002-1, 2002-2, 2003, 2004, 2007)

Les type de processus

Nous avons avancé comme fondamentaux (c’est-à-dire requis pour réponde aux exigences d’une épreuve-type en philosophie, la dissertation, considérée dans le programme Renaut de 2000 comme « patrimoine incontournable de l’enseignement philosophique »), trois processus philosophiques (problématiser, conceptualiser, argumenter), en insistant sur leur spécificité en philosophie, puisqu’ils existent aussi dans d’autres disciplines (les sciences, le français…). Ils ont été induits historiquement (dans les années 1990) et empiriquement des critères d’évaluation d’une vingtaine de correcteurs français de la dissertation à l’examen du baccalauréat. On trouve dans le programme actuel de philosophie en terminale ces processus, parfois précisés (ex pour l’argumentation : « mener un raisonnement, apprécier la valeur d’un argument »). D’autres « compétences » sont énoncés : « analyser, … analyser un exemple ». Il faudrait davantage les préciser. Qu’est-ce qu’une « analyse philosophique » ? Est-ce une méthode ? Une méthode générale, ou de tel ou tel philosophe (on pense par exemple à l’analyse cartésienne ?) L’élève doit pouvoir s’en faire l’idée précise, si c’est ce qu’il doit mettre en œuvre… Qu’est-ce qu’ « analyser un exemple » ; l’application de cette méthode d’analyse à un exemple ? Comment ? La compétence est ici nommée, elle n’est guère elle-même décrite, « analysée ». Certains parlent d’ « approfondir » : c’est un mot vague, que signifie-t-il en philosophie ? Un travail de description cognitive doit être fait pour – c’est une exigence philosophique – « savoir ce dont on parle », et « si ce qu’on en dit est vrai ! ».…

C’est un problème de savoir si les processus de pensée sont des compétences, ou seulement des capacités, comme nous les avions définies dans notre modèle d’apprentissage du  philosopher en 1992. D’autant que, dans l’approche par compétences, une compétence peut être mobilisée comme ressource pour développer une autre compétence (ex : la conceptualisation pour la dissertation). Le passage d’une capacité à une compétence dépend certainement d’une part de la complexité du processus de pensée, d’autre part de la nécessité de mobiliser des ressources dans une tâche nouvelle. On peut dire par exemple que, dans une dissertation en licence de philosophie sur « Sommes-nous responsables de notre inconscient ? », la compréhension et le traitement du sujet implique une conceptualisation du candidat comme véritable compétence, s’il s’appuie sur la distinction de Lacan du réel, de l’imaginaire et du symbolique : parce qu’il faut maîtriser, première difficulté, la compréhension de ce qu’a élaboré Lacan (en avoir une vraie connaissance, et non la mémorisation d’un résumé) ; et parce que, deuxième difficulté, il faut mobiliser ce savoir, et non se contenter de plaquer ce que l’on croit savoir sur Lacan, dans la perspective d’un sujet qui problématise la responsabilité humaine vis-à-vis de l’inconscient (comment être responsable de ce que l’on ignore, si la responsabilité implique la conscience de ses actes ?).

Les niveaux ou degrés d’exigence des processus de pensée

Nous proposons, dans le cadre d’une progressivité de l’apprentissage du philosopher, d’affiner des degrés d’exigence pour un processus donné. Nous entendons par degré d’exigence un approfondissement de la maîtrise d’un processus de pensée. Cet approfondissement relève davantage d’une conception spiralaire de l’apprentissage que d’une conception en escalier, par étages successifs dont le précédent constitue pour le suivant un prérequis : il s’agit de retravailler ces processus dans le temps, en allant plus loin, plus haut ou plus profond selon le sens de la spirale dans sa réalisation.

Problématiser

Par exemple, on ne peut philosopher comme le disent Platon ou Aristote sans s’étonner, c’est-à-dire (se) poser des questions. Exemple d’un élève de CM1 : « Est-ce qu’une amitié, cela dure toujours ? ». C’était une vraie question pour cet élève, qu’il soutenait d’une interrogation impliquée un peu angoissée, et à laquelle il n’avait pas de réponse, parce qu’elle excédait son expérience personnelle et ses connaissances sur les sentiments humains, et engageait un avenir somme toute imprévisible. L’étonnement réel, assumé et exprimé, où l’on se met authentiquement devant une question qui pose problème, est pour un enfant un premier niveau d’interrogation devant le monde, qui atteste l’éveil d’une pensée réflexive.

Mais il ne sera pas considéré généralement par le professeur de philosophie de terminale comme un processus de problématisation, qui représente un second niveau. Une question dira-t-il n’est pas un problème. Un problème s’élabore lorsqu’on comprend « l’urgence », les enjeux philosophiques de la question, par exemple éthique ou épistémologique, et surtout lorsqu’on prend conscience de la difficulté à la poser et à la résoudre, à cause souvent de contradictions révélées (Ex : « Qui suis-je ? » : le problème de mon identité est problématique parce que ma conscience psychique et morale me dédouble, mon inconscient est refoulé, parce que je change dans le temps etc. Ou « Quel est notre rapport à autrui ? » : le rapport à autrui est problématique parce que celui-ci est à la fois semblable et différent de moi, proche et lointain, frère et étranger…).

Troisième niveau : la problématisation d’une question à l’aide d’un savoir philosophique (ex : l’éclairage de la question posée sera approfondie avec la conception sartrienne de l’autre comme enfer, de la pitié avec Rousseau ou de la sympathie chez Max Sheler…).

Conceptualiser

De même un enfant qui définit un mot renvoyant à un objet concret (une table c’est une planche avec des pieds) s’engage dans un processus de conceptualisation au sens où le langage implique une généralisation (sa définition convient à toutes les tables de bois) ; la définition d’un mot abstrait (qu’est-ce que l’égalité ?) lui est plus difficile, parce que le concret se dérobe, à moins d’évoquer des situations de son expérience (c’est ce qu’om met des deux côtés du =). Il lui est plus facile de définir un concept en extension, par un exemple illustratif (Un ami ? Laurent est mon ami), que de le définir par ses attributs (un ami c’est quelqu’un à qui on confie ses secrets parce qu’on a confiance). Il y a des degrés dans le processus de conceptualisation, dont les exigences de l’enseignant peuvent varier avec l’âge : couvrir tout le champ d’application du concept, et non une partie (définir la table, c’est-à-dire toutes les tables passées, présentes, futures, imaginaires, pas seulement celles en bois) ; ne pas se contenter de définir négativement : savoir ce que cela n’est pas ne dit pas ce que c’est ; être vigilant sur les inductions généralisatrice abusives (tous les cygnes sont noirs) ; donner un seul attribut (un ami, c’est quelqu’un avec lequel on s’amuse) ne suffit pas (avec un copain aussi), il faut des caractéristiques spécifiques, discriminantes, obtenues par distinctions conceptuelles (la différence ente un ami et un copain, c’est : une personne choisie que l’on aime bien pour longtemps et à qui on peut tout dire) etc. On monte encore d’un degré lorsque l’on va utiliser les distinctions conceptuelles de certains auteurs pour aborder un problème (Ex : sur la question « Que puis-je connaître ? », étayer  sa réflexion sur les distinctions entre sens, imagination et entendement chez Descartes, ou entendement, raison pure et raison pratique chez Kant). Ou la conceptualisation de l’amitié selon Aristote…

Argumenter

Quant à argumenter, il est plus aisé pour un élève du primaire de le faire à partir d’un exemple (sur les devoirs envers les animaux domestiques, je n’ai jamais vu quelqu’un manger un chien, c’est interdit), que de rechercher un contre exemple (on mange les chiens en Chine, on les chasse au Mexique), et degré supplémentaire de construire un argument plus abstrait (on ne les mange pas parce qu’on les aime). Dans le secondaire les raisonnements syllogistiques plus ou moins complexes, la chasse aux sophismes, la logique propositionnelle formelle etc. Il faudrait ainsi affiner des niveaux d’exigence pour les différents processus de pensée escomptés.

2) Bien définir les types de tâches complexe proposées qui développent des compétences spécifiques

Les tâches institutionnelles proposées aux élèves en classe terminale sont la dissertation écrite et l’explication de textes tirés d’ouvrages philosophiques. Trois types de tâches nous semblent très absentes ou minorées, alors qu’elles sont philosophiquement formatrices.

Premièrement la discussion à visée philosophique, qui est plutôt rare dans les classes de philosophie (Tozzi, 1999), même quand il y a des moments de « cours dialogué », qui est sa version faible. Cela tient à la conception minorée du rôle de l’oral de l’élève dans l’apprentissage du philosopher (celui de l’enseignant est par contre surévalué par la prégnance du cours magistral), et à la prédominance de l’écrit de l’élève ou des philosophes, notemment dans l’enseignement universitaire et les concours de recrutement, modèles d’enseignement philosophique pour les débutants. La doxa professorale accorde à l’oral « l’insoutenable légèreté  de l’opinion », d’où sa condamnation de principe des cafés philosophiques dans la cité : la discussion serait par nature doxologique, une conversation sans rigueur, le règne de la doxa. Il y a pourtant toute une tradition philosophique d’interaction orale dans l’Antiquité (ex : le dialogue socratique) et au Moyen Âge (ex : la disputatio).

Il est vrai que la mise en oeuvre d’une discussion en classe est pédagogiquement difficile. Cela suppose de maîtriser la gestion de la dynamique d’un groupe de taille importante qui échange, une organisation à partir de règles portant sur le déroulement des tours de parole, le risque en donnant la parole aux élèves de ne pas maîtriser comme l’on voudrait la tournure du débat et sa progression, la vigilance sur des exigences intellectuelles à rappeler et savoir maintenir etc. Mais c’est parfaitement possible et très formateur pour les élèves avec de l’expérience. Ceux qui s’y essayent se découragent souvent faute d’une formation adéquate, notamment à partir de l’analyse de discussions effectives entre pairs et avec les élèves.

Ce sont les expérimentations d’un enseignement philosophique en baccalauréat professionnel qui ont montré l’intérêt des élèves pour ce « nouveau genre scolaire » (l’expression est de G. Auguet dans sa thèse de 2003). Et surtout la dernière décennie de pratiques à visée philosophique en France à l’école primaire et au collège, où prédomine dans les faits ce type de pratique, plus accessible aux enfants et aux élèves en difficulté scolaire à cause de l’écrit. Les recherches universitaires – notamment des thèses – menées sur ces pratiques à partir de l’analyse de corpus de verbatims ont montré à quel point elle peut être formatrice dès que l’animation est intellectuellement exigeante. Elles développent des compétences d’une part communicationnelles – cognitives, sociales et éthiques - : apprendre à écouter et comprendre, à intervenir à bon escient dans un groupe sur un problème précis, à formuler publiquement une pensée pertinente et cohérente ; d’autre part philosophiques : aptitude à questionner, à définir des notions en extension et compréhension, à distinguer des concepts, trouver un exemple, produire un contre exemple, valider rationnellement son propos, faire une objection avec de bonnes raisons etc.

Deuxième point aveugle des tâches proposées : la focalisation à l’écrit sur la dissertation, alors qu’il y a une diversification possible de l’écriture philosophique. La dissertation est un « genre scolaire » inventé par le système éducatif français à la fin du 19ième (Cf. les travaux d’A. Chervel à l’INRP), et repris en philosophie comme dans d’autres disciplines (français, histoire, économie…). C’est un genre peu prisé par les philosophes eux-mêmes, sauf quand comme Kant et Rousseau il passent des concours… Contrairement au dialogue, à l’entretien, à la lettre, à l’aphorisme, la méditation, l’essai, le journal etc., toute cette variété d’écrits que Frédéric Cossutta a analysé comme des « genres philosophiques ». Ces « genres philosophiques » sont autant de formes d’écriture choisies par des philosophes pour exprimer leur pensée, investies philosophiquement, et qui peuvent être aussi formatrices que le « genre scolaire dissertation ». Ce sont des activités complexes, développant des compétences spécifiques : par exemple écrire un dialogue philosophique sur telle question posée, ou sur tel problème (Tozzi, 2000).

Troisième point : la focalisation officielle et exclusive sur des textes de philosophes (Tozzi et al 1994, Tozzi et Molière, 1998) , exclusivement d’ailleurs occidentaux, morts, et mâles à une exception près – H. Arendt).  Comme s’il n’y avait, dans une logique d’autoréférence, que des supports philosophiques qui pouvaient donner à penser… Alors qu’il y a aussi des mythes –  grecs ou autres (Tozzi, 2006) ou de la littérature – plus généralement de l’art – (Soulé-Bucheton-Tozzi, 2008-1 ; Chirouter, 2008), qui peuvent enclencher la réflexion philosophique, parce qu’ils nous parlent avec sensibilité et imagination de l’épaisseur anthropologique de notre humaine condition… Ici aussi c’est la pratique de la philosophie avec les enfants qui a mis en avant l’intérêt du mythe et d’une littérature de jeunesse consistante et résistante comme support métaphorique pour une reprise problématisante et conceptuelle de la narrativité avec les élèves. Non qu’il n’y ait pas de tentatives nombreuses de ce type en classe terminale, mais il n’en est dit mot dans le programme…

Discussion à visée philosophique, formes diversifiées d’écriture philosophique, supports diversifiés mythiques, littéraires ou artistiques pour activer la pensée, voilà trois types de tâches non valorisées voire minorisées dans l’enseignement philosophique français officiel (Unesco 2007), qui ont montré leur intérêt formatif en élargissant le public philosophique aux enfants, adolescents, élèves de l’enseignement professionnel et dans la cité. Et qui pourraient enrichir aussi en retour la philosophie en classe terminale… Autres tâches complexes pouvant à la fois développer les processus de pensée réflexif dont nous avons parlé, mais aussi de nouveaux processus (ex : l’usage de la métaphore dans l’aphorisme) et de nouvelles compétences spécifiques (ex : écrire une lettre philosophique).

3) Clarifier les processus de mobilisation des ressources pour y entraîner les élèves

C’est certainement un point aveugle du travail philosophique de l’élève pour les enseignants, les formateurs et les chercheurs, qui doit donner lieu à des études, des expérimentations. C’est là que se teste dans l’activité de l’élève le « caractère opérationnel des savoirs » (Ane Jorro).

On peut évidemment repérer empiriquement certains obstacles : mobiliser un savoir sur une tâche, ce n’est pas simplement restituer des connaissances mémorisées, c’est les mettre en perspective du sujet. Mais qu’est-ce que concrètement « mettre en perspective » d’un problème une doctrine, un texte étudié ? Il faut rentrer dans le concret du travail intellectuel fourni. Il serait de ce point de vue certainement plus facile pour un élève de mobiliser ses connaissances si, comme le revendique l’Acireph, le programme de philosophie était plus déterminé, c’est-à-dire plus recentré sur certaines problématiques, qui orienteraient les questions des sujets à l’examen…

De même, mobiliser son expérience personnelle, ce n’est pas raconter un fragment de sa vie. C’est convoquer un vécu comme support d’une analyse éclairant le sujet, ou l’exemplifier. Mais qu’est-ce qu’analyser philosophiquement un vécu ? On sait qu’il possède l’évidence d’un réel  qui s’impose et résiste, et dont la prégnance paraît faire preuve : c’est vrai puisque je le vis. Mais c’est confondre réalité et vérité : un vécu s’écoute, il ne se discute guère ; il peut être trompeur (pensons aux illusions des sens, ou au coup de foudre éphémère). Toute expérience individuelle est contingente, les expériences sont relatives, diverses, contradictoires. Que conclure d’un vécu individuel ? Et pourtant l’analyse du réel, dont le vécu personnel est l’un des registres, que ce soit dans ses dimensions sensorielles, affectives, imaginaires, cognitives, nous instruit sur la condition humaine : à quelle condition l’appel à l’expérience personnelle d’un élève peut être philosophiquement exploité ? Il y a là des débats à la fois philosophiques et didactiques…

Sur les ressources externes, un élève peut très bien faire du copié-collé sur internet, ou se faire faire la dissertation à la maison dans un cours particulier ou sa famille : il aura peut-être une note satisfaisante, mais n’aura progressé ni en apprentissage du philosopher ni en autonomie intellectuelle, ce qui risque d’être problématique lors de l’examen. Par contre un autre aura compris que discuter avec ses pairs ou un adulte pour comprendre leur approche, prendre leurs thèses ou objections au sérieux et se positionner personnellement par rapport à leurs points de vue en justifiant rationnellement le sien, est un excellent entraînement pour la pensée…

Du point de vue théorique, nous ne disposons guère de « modèle » de cette mobilisation. Montaigne parlait, par opposition à la mémorisation par cœur, d’appropriation, qui « embesogne mon jugement », de « digestion », mais ce n’est qu’uns métaphore. Il faut commencer par poser les bonnes questions : comment un élève – ce que font assez naturellement un « bon élève » en philosophie – mobilise-t-il en philosophie ses ressources internes et externes ? Ce qui nous éclairerait, ce seraient des entretiens d’explicitation avec ce type d’élève, qui l’aiderait à verbaliser au plus près son fonctionnement intellectuel lorsqu’il est confronté à une tâche donnée qu’il réussit, de manière à dégager empiriquement un modèle que l’on pourrait formaliser. Tout en sachant par ailleurs que des fonctionnements intellectuels peuvent être très différents d’un individu à l’autre, ce qui pose la question de « profils de mobilisation »…

Les questions pourraient porter sur différents points : « Comment t’y prends-tu, qu’est-ce qui se passe dans ta tête quand tu es confronté au sujet ? » ; « Comment mobilises-tu tes connaissances philosophiques pour construire et rédiger ta dissertation ? » ; « Comment mobilises-tu ton expérience personnelle pour une telle tâche ? » ; « Comment utilises-tu le cours du professeur, un manuel, internet, des contacts avec des pairs ou des adultes etc. pour t’aider dans ta tâche ? ». L’intérêt de la méthode de Pierre Vermersch est de mettre l’élève en contact avec le réel de son activité, en centrant l’entretien sur ce qu’il fait, indépendamment de ses intentions ou des conseils reçus, ce qui nous donne des informations précieuses sur son travail effectif, au sens ergonomique du terme (réel, et non prescrit). Il n’y a guère à notre connaissance de recherche sur la question (sauf au Cnam, dans l’équipe de Yves Clot)…

Certains praticiens –peu nombreux- tâtonnent de leur côté dans leur classe pour faciliter cette mobilisation, notamment s’ils ont une pratique d’accompagnement du travail des élèves dans une démarche d’évaluation formative (Cf. certaines démarches du secteur philosophie du GFEN – voir bibliographie) – , ou la thèse en cours de Jacques Le Montagner à Montpellier 3). Pas facile en effet de sortir du conseil prescriptif (« conceptualisez davantage ! » dit l’enseignant ; « oui mais encore ? » s’interroge l’élève, démuni devant cette injonction) ? Celui-ci s’inspire souvent d’ouvrages méthodologiques, ou reprend la démarche qui a le mieux réussi à l’enseignant dans les tâches demandées, les mêmes que celle de l’élève. Encore faudrait-il qu’il sache lui-même clairement comment il s’y prend pour mobiliser ses ressources, ce qui souvent reste largement implicite…

4) Former les enseignants à l’approche par compétences

En classe terminale, donner un cours ou expliquer aux élèves un texte philosophique ne prépare pas les élèves à des compétences, car y prédomine une logique de transmission. L’élève peut acquérir des connaissances, ce qui est important pour une culture philosophique, mais n’apprend pas pour autant à les mobiliser sur une tâche philosophique écrite ou orale. Proposer un corrigé de dissertation non plus, car l’élève se heurte aux limites de l’imitation. L’expérience personnelle d’un enseignant de philosophie rejoint les recherches sur l’apprentissage, qui attestent que recevoir des conseils ou voir un modèle ne suffit pas à son appropriation active ; dire comment il faut faire ne suffit pas à faire bien faire, car ce qui est proposé (le corrigé), qui est un produit achevé, ne dit pas grand-chose sur les processus en œuvre pour y parvenir, et surtout les moyens de surmonter les difficultés rencontrées, qui sont les deux conditions de réussite pour l’élève. L’illusion peut venir (et venait jadis dans un système où les élèves de philosophie étaient fortement socialement et scolairement sélectionnés) de la facilité de certains élèves culturellement favorisés à transposer le modèle en un schème de pensée et d’action assez aisément approprié, ce qui n’est plus le cas pour la plupart des élèves, qui se trouvent alors en échec philosophique avec un enseignement philosophique de masse.

Il faut donc en formation clarifier pour eux cette démarche : qu’est-ce qu’une compétence, une approche par compétences, une approche par compétences en philosophie ? Quelles sont les compétences en philosophie recherchées pour les élèves (2007-3) ? Les niveaux de compétences visés dans une progressivité ? Comment les acquérir ? Comment mobiliser ses ressources internes (par exemple ses connaissances, son expérience…) et externes pour les développer ? Quelles difficultés rencontrent les élèves pour acquérir des connaissances, mobiliser leurs ressources, développer des compétences philosophiques ? Comment les accompagner pour qu’ils dépassent ces obstacles ? Quelles compétences de l’enseignant pour leur apprendre à philosopher ? (Tozzi, 2007-2).

Ceci suppose de redéfinir les compétences d’un professeur de philosophie souhaitables dans le cadre d’une approche de la discipline par compétences : pas seulement savoir faire une dissertation, construire une leçon ou expliquer un texte, comme on le demande aux candidats des concours de recrutement. Mais savoir aider les élèves à développer des compétences philosophiques. Cela suppose aussi une formation des formateurs d’enseignants de philosophie cohérente avec cette perspective…

C’est un chantier énorme, qui s’inscrit dans une logique de rupture plus que de continuité. Il se heurte à la régression du temps global de formation, aujourd’hui très réduit : l’enseignant a alors d’autant plus tendance à reproduire le modèle d’enseignement reçu à l’université, dont il s’est inconsciemment imprégné, et qui va piloter ensuite sa pratique dans la classe : très magistral, porté essentiellement sur les contenus philosophiques, sans préoccupation professionnelle. Il faudrait pour cela dans la formation tant initiale que continue une forte dimension professionnelle, y compris dans les concours, puis pour préparer l’entrée dans la profession (un métier, cela s’apprend, et pas seulement sur le tas…). Or les formateurs sont choisis parmi ceux qui sont des modèles du paradigme ambiant, et guère parmi les innovateurs…

L’approche par compétence nécessite en effet une évolution de l’identité professionnelle de l’enseignant de philosophie, qui suscite beaucoup de résistances par rapport à des habitus corporatifs : il faut se décentrer en partie de son cours, se préoccuper de ce qui se passe dans la tête de l’élève, de son travail réel dans les activités proposées, sans avoir l’impression de « s’abaisser », sans s’en tenir à de simples prescriptions, bref avoir un réel souci pédagogique, entrer dans une logique didactique d’apprentissage, d’accompagnement des processus, d’attention aux difficultés du chemin, de construction de dispositifs et d’exercices favorisant les acquisitions… Ce sont souvent d’ailleurs les problèmes d’enseignement rencontrées sur le terrain qui amènent les enseignants débutants, et de plus en plus de confirmés, à se questionner sur la pertinence de certaines méthodes, et à s’adapter à une situation nouvelle, complexe, difficile…

C’est une situation différente à laquelle on est confronté dans le premier degré, où l’attention à l’élève en tant qu’enfant et apprenant est plus prégnante, où une culture pédagogique est plus largement partagée. La formation à la discussion à visée philosophique s’avère cependant nécessaire, car ici aussi elle suppose une évolution du maître, dans son rapport au savoir : le maître intervient rarement ou pas du tout par des apports sur le fond dans une discussion ; son rapport à la parole : dans une discussion c’est la parole des élèves qui est sollicitée et privilégiée ; et dans le rapport au pouvoir dans la classe : dans les dispositifs inspirées de la pédagogie institutionnelle, des fonctions sont déléguées aux élèves (ex : président de séance, reformulateur etc.).

C’est aussi et surtout, contrairement à la classe terminale où enseignent des professionnels de la philosophie, l’absence de culture philosophique qui pose ici question. D’où la nécessité de bien clarifier pour les professeurs d’école les capacités philosophiques de base et leur niveau de complexité, car c’est leur prise en compte par les élèves dans le débat qui va essentiellement engager le type d’intervention du maître, sa vigilance philosophique envers des exigences intellectuelles (ex : « Pourquoi tu dis cela ? » incite l’élève à argumenter ; « Quelle différence alors entre ami et copain ? » amène à conceptualiser). Il peut aussi être utile que sur les thèmes abordés les enseignants connaissent quelques notions utiles (ex sur le bonheur la différence d’avec le plaisir et la joie), quelques repères (au sens du programme de terminale (ex : quand on dit peut-on…, parle-t-on du possible ou du souhaitable ?), voire certaines conceptions philosophiques (ex : l’amitié selon Aristote)…

Conclusion

L’approche par compétences en philosophie est désormais un chantier de sa didactique. Et elle est en chantier. Certainement pour un certain temps, à cause des résistances du milieu à cette approche d’une part, aux difficultés théoriques et pratiques à laquelle elle se confronte d’autre part.

Les notions d’apprentissage et de compétence étaient bannis il y a quelques années des programmes de philosophie (on ne trouve d’ailleurs toujours pas la notion de progressivité) : ils fleuraient trop certainement le monde de l’entreprise, et le langage des sciences de l’éducation. Dans un contexte où l’approche par compétences imprègne aujourd’hui tous les systèmes éducatifs, le programme a cependant évolué dans ce sens. Les mots sont là, des compétences sont nommées. Mais elles sont peu décrites et analysées, et cette approche est en partie contradictoire avec le primat des contenus, le maintien d’exercices canoniques. Elle est en décalage avec la formation dispensée, trop peu professionnalisée, et les habitus majoritaires de la profession, toujours centrés sur le discours du maître et sa « leçon ».

Le milieu résiste, les élèves l’incitent à s’adapter, car l’ancien modèle est peu en prise – sauf pour les héritiers – sur un enseignement philosophique de masse, qui suppose une autre attitude envers l’échec philosophique des élèves, qui est en partie celui de son enseignement. L’approche par compétences n’est pas sans critique.

Le concept n’est pas encore au niveau scientifique (psychologie cognitive par exemple) suffisamment stabilisé, la façon dont les élèves peuvent mobiliser des ressources internes et externes est insuffisamment explicitée, ce dont souffre les types d’accompagnement possibles pour aider à franchir les obstacles rencontrés ; l’approche est encore trop prescriptive, pas assez proche des « gestes d’étude des élèves » ; toute dérive vers un relookage d’une pédagogie par objectifs réductrice ou vers l’ « évaluationnite » (obsession de l’évaluation) n’est pas écartée.

Mais cette approche est cependant prometteuse. Elle devrait atténuer le rejet du « pédagogisme », puisqu’elle n’oppose pas connaissances et compétences, ces dernières mobilisant dans des tâches les premières. Elle précise, tant pour les enseignants que pour les élèves, ce qui est attendu des apprentis philosophes dans les situations d’apprentissage du philosopher proposées, clarification indispensable pour donner des repères à tous sur cette démarche. Elle se situe dans une perspective d’apprentissage, de progressivité, prenant en compte le travail des élèves. Elle développe chez les enseignants une attitude d’accompagnement attentive à leurs difficultés. Elle nous semble démocratique, par son souci de lutter contre l’échec philosophique et de rendre le philosopher accessible à tous.

Nous nous plaçons dans la perspective de l’Unesco d’étendre la philosophie, dans une perspective de dialogue et de paix entre les peuples, à tous les publics : en commençant l’éveil philosophique au plus tôt, dès l’enseignement primaire, et en le prolongeant dans la cité (cafés philo, universités populaires etc.).

C’est pourquoi nous proposons cette approche par compétences, en diversifiant celles-ci dans des situations et sur des tâches élargies : une diffusion chez les enfants et dans la cité de « discussions à visée philosophique » et d’« ateliers philosophiques » de discussion, d’écriture et de lecture philosophiques ; une diversification des formes d’écriture, à l’image de la diversité des « genres philosophiques » dans l’histoire de la philosophie (aphorisme, dialogue, essai, lettre, entretien, journal etc.) ; une multiplicité des supports pour la réflexion : textes philosophiques, mais aussi mythes, albums de jeunesse, littérature, productions artistiques et médias audiovisuels…

Bibliographie

- Angélique Del Rey, A l’école des compétences – De l’éducation à la fabrique de l’élève performant, Edit. La Découverte, 2010.

- Aristote, Ethique de Nicomaque, Garnier-Flammarion, Paris, 1965.

- Bucheton D. (coord.),  L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés, Octarès Editions, Toulouse, 2009.

- Chirouter E., A quoi pense la littérature de jeunesse ? Portée philosophique de la littérature et pratiques à visée philosophique au cycle 3 de l’école élémentaire, thèse de Sciences de l’éducation, Montpellier 3, 2008).

- Cahiers pédagogiques, « Travailler par compétences », n° 476, nov. 2009.

- Cossutta F., Problèmes de méthode dans la lecture des textes philosophiques, Thèse Paris 1 Sorbonne, 2000.

- Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation 1.

- Diotime, revue internationale de didactique de la philosophie, Sceren-crdp de Montpellier (Rédacteur en chef Michel Tozzi).

Accessible sur le site : www.educ-revues.fr/diotime/

- Gérard F.-M., Evaluer des compétences. Guide pratique, De Boeck, Bruxelles, 2008.

- GFEN (secteur philosophie du GFEN), Pratiques de la philosophie, 9 numéros actuellement parus.

- Hirtt N., « L’approche par compétences : une mystification pédagogique », Questions d’orientation N° 1, 2010.

- Jonnaert Ph. Et al, Curriculum et compétences, un cadre opérationnel, De Boeck, 2009.

- Le Boterf G., De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Les Editions d’organisation, Paris, 1994.

- Le Boterf, De la compétence à la navigation professionnelle, Les Editions d’organisation, Paris, 1997.

- Meirieu Ph., Apprendre…oui mais comment, Paris, ESF, 1989.

- Perrenoud P., Construire des compétences dès l’école, ESF, Paris 1997.

- Perrenoud P., Dix nouvelles compétences pour enseigner, ESF, Paris, 2004.

- Platon, voir tous ses dialogues de jeunesse, dits aporétiques

- Rey B., Les compétences transversales en question, Paris, ESF, 1998.

- Rey B. et al, Les compétences à l’école – Apprentissage et évaluation, De Boeck, 2006.

- Romainville M. et al, in « Réformes : à ceux qui s’interrogent sur les compétences et leur évaluation », Forum pédagogie, 1998.

- Scallon G., L’évaluation des apprentissages par une approche par compétences, De Boeck, Bruxelles, 2008.

-Tozzi M., Site :  www.philotozzi.com

Vers une didactique de l’apprentissage du philosopher, thèse en sciences de l’éducation, Université Lumière Lyon 2, 1992-1.

(coord.) : Apprendre à philosopher dans les lycées d’aujourd’hui, CNDP et Hachette, 1992-2.

(coord.) : Etude d’une notion, d’un texte, Crdp Montpellier, 1994.

(coord. avec Guy Molière) : Lecture du texte argumentatif en français et en philosophie, Crdp de Montpellier, 1998.

(coord.) : L’oral argumentatif en philosophie, Crdp Montpellier, 1999.

(coord.) : Diversifier les formes d’écriture philosophique, Crdp Montpellier, 2000.

(coord.) : L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, Hachette-Crdp Montpellier, 2001.

(coord.) : La discussion philosophique à l’école primaire – Pratiques, formations, recherches, Crdp Montpellier, 2002-1.

(coord.) Nouvelles pratiques philosophiques en classe, enjeux et démarches, Crdp Bretagne, 2002-2.

(coord.) Les activités à philosophique en classe, l’émergence d’un genre ?, Crdp Bretagne, 2003.

(coord. avec R. Etienne) : La discussion en éducation et formation, l’Harmattan, 2004.

Penser par soi-même, 6ième édit., Chronique sociale, Lyon, 2005.

Débattre à partir des mythes à l’école et ailleurs, Chronique sociale, Lyon, 2006.

(coord.) : Apprendre à philosopher en discutant : pourquoi et comment ?, De Boeck, Bruxelles, Belgique, 2007-1.

« Quelles compétences des enseignants pour animer des discussions à visée philosophique ? », Diotime n° 32, mars 2007-2.

« Quelles compétences développent chez les élèves des discussions à visée philosophique ? », Diotime n° 33, juin 2007-3.

Avec Y. Soulé et D. Bucheton : La littérature en  débats : discussions à visée littéraire et philosophique à l’école primaire, Sceren-Crdp Montpellier, 2008-1.

« De la question des compétences en philosophie », Cahiers du Cerfee n° 24, Presses Universitaires de la Méditerranée, Montpellier 3, 2008-2.

Article de synthèse : « La didactique de la philosophie en France. Vingt ans de recherche (1989-2009) », Les Cahiers du Cerfee n° 26, 2009.

- Unesco, La philosophie, une école de la liberté, Paris, 2007. Voir le premier chapitre sur la philosophie à l’école primaire dans le monde (expert : Michel Tozzi). Téléchargeable sur :

unesdoc.unesco.org/images/0015/001536/153601F.pdf

- Usclat P., Le rôle du maître dans la Discussion à Visée Philosophique – L’éclairage de Habermas, Thèse en sciences de l’éducation à Montpellier 3, 2008.

4 commentaires pour “Une approche par compétences en philosophie ?”

  1. Adama COULIBALY dit :

    Très bon article. Au Mali nous venons d’adopter l’APC au lycée dans toutes les disciplines. Parrallèlement la philosophie sera enseignée dès la 11ème (1ère en France). A l’ENSUP de Bamako et dans les facultés cette approche n’est pas utilisée dans la formation des professeurs de lycée. De grandes difficultés attendent les enseignants de philosophie.Je suis moi même formateur à l’ENSUP de Bamako et décideur en tant que chef de cabinet du ministre de l’Education. J’aimerais bien tisser des partenariats avec des personnalités ou des institutions pour que l’APC ne soit pas un vain mot dans l’enseignement de la philosophie au Mali.

  2. assamoi kpaka julien dit :

    en côte d’ivoire, l’APC vient d’être adoptée,mais noous rencontrons des difficultés dans sa mise en oeuvre, l’article que vous avez publié nous permet de comprendre cette approche, merci

  3. Assamoi Kpaka Julien dit :

    je suis conseiller pédagogique de philosophie, lire votre article me permet de comprendre un temps soit peu l’APC

  4. SAWADOGO H. Décard dit :

    C’est clair que l’enseignement philosophique ne saurait s’enfermer dans son microcosme et ignorer les nombreux progrès et découvertes dans les sciences de l’éducation et recherche en éducation

Laisser un commentaire


google

couk