Philotozzi L'apprentissage du Philosopher

Dictionnaire sur l’apprentissage du philosopher et les Nouvelles Pratiques Philosophiques

Petit dictionnaire sur l’apprentissage du philosopher en classe terminale

et dans les Nouvelles Pratiques Philosophiques à l’école et dans la cité

Michel Tozzi, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université Montpellier 3       

Ce petit dictionnaire a été réalisé suite à mes travaux depuis 1988, dans une perspective didactique, celle de l’apprentissage du philosopher et de ses diverses applications avec des publics et dans des lieux divers.

Il a pour objectif de donner quelques repères, d’une part à ceux qui s’intéressent à l’apprentissage du philosopher à l’école (de la maternelle à la classe terminale), d’autre part à ceux qui se sentent concernés par les nouvelles pratiques philosophiques dans la cité.

On trouvera ci-dessous la liste des entrées, puis les différentes rubriques. Chaque rubrique renvoie si nécessaire à une ou plusieurs autres pour en compléter la compréhension.  

Liste des entrées

Acireph

Affect et concept

Âge du philosopher

Animer un atelier philo, une discussion à visée philosophique        

Apprenti-philosophe

Apprentissage du dialoguer

Apprentissage du philosopher

Approche par objectifs

Approches d’un concept

Argumenter en philosophie

Auteur philosophique

Auto-référence

Banquet philo

Bd philo

Café philo

Changement de point de vue

Ciné philo

Communauté de Recherche Philosophique (CRP)

Compétences philosophiques – Approche par compétences en philosophie

Conceptualiser en philosophie

Conflit sociocognitif

Constructivisme 

Consultation philosophique

Cours de morale et philosophie

Courants des Nouvelles Pratiques Philosophiques à l’école

Désir de philosopher

Didactique de la philosophie

Didactique de l’apprentissage du philosopher (DAP)

Didactisation

Différenciation

Diotime (Revue) 

Disciplines contributoires à la didactique du philosopher  

Discussion à Visée Philosophique (DVP)

Discussion à Visée Philosophique, démocratie et éducation à une citoyenneté réflexive

Discussion à Visée Philosophique (DVP) et maîtrise orale de la langue

Dispositif didactique

Dissertation philosophique

Droit à la philosophie

Ecrire philosophiquement – Formes diversifiées d’écriture philosophique

Ecjs et philosophie

Evaluation

Exception française

Exigences philosophiques

Finalités de l’enseignement philosophique

Formation aux nouvelles pratiques philosophiques

Formation des professeurs de philosophie

Gfen – Secteur Philosophie du Gfen

Groupe d’Apprentissage Discussionnel Philosophique (GADP)

Histoire de la philosophie

Identité professionnelle du professeur de philosophie

Inspection de philosophie

Interdidactique

Leçon de philosophie

Lecture méthodique philosophique

Légitimité d’une didactique de l’apprentissage du philosopher

Lire un texte philosophique – Lire philosophiquement un texte

Littérature de jeunesse et philosophie

Matrice didactique de la lecture philosophique

Métacognition

Modèle didactique du philosopher

Mythe et philosophie

Notion – Etude d’une notion, d’un concept

Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP)

Objectifs-noyaux en philosophie

Objectifs-obstacles

Oral philosophique

Paradigme organisateur de l’enseignement philosophique

Pédagogie coopérative et Discussion à visée philosophique

Philosopher

Philosophie

Philosophie (ou Philosopher) avec les enfants – Réflexion sur l’expression

Philosophie pour – ou avec les – enfants (Philosophy For Children, ou P4C)

Philosophie et élèves en difficulté scolaire

Philosophie en maternelle

Philosophie à l’école primaire

Philosophie au collège

Philosophie en Segpa

Philosophie au lycée professionnel (Lp)

Philosophie en seconde et première

Philosophie en terminale

Philosophie en entreprise

Philosophie et soin – Philothérapie

Philosophie de l’Unesco

Postulat d’éducabilité philosophique

Praticien philosophe

Pratiques sociales de références

Processus développemental d’une pensée critique dialogique

Problématiser en philosophie

Problèmes philosophiques

Processus de pensée

Professeur de philosophie

Programme de philosophie

Raison

Rando philo

Recherches sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques

Représentation

Rôle du maître ou de l’animateur dans une DVP

Savoir-savant

Sujet de droit, sujet de fait

Transposition didactique

Texte philosophique

Théâtre philo

Travaux personnels encadrés (TPE) et philosophie

Triangle didactique de l’apprentissage du philosopher

Violence et atelier philosophique

Acireph

C’est l’Association pour la Création d’Instituts de Recherche sur l’Enseignement de la Philosophie. Créée en 1998, elle a publié un Manifeste faisant une analyse critique de l’enseignement philosophique, de sa crise, et indique les chantiers à ouvrir pour le rénover. Elle édite une revue : Côté Philo. Elle pense que cet enseignement au départ élitiste a été pensé en fonction d’une conception de la philosophie en position de surplomb, et non en fonction des élèves et de leurs besoins. Elle propose un programme plus déterminé, d’autres exercices que la seule dissertation, la prise en compte de la spécificité des séries, une introduction de la progressivité de la philosophie à partir de la seconde, la sortie du professeur de son isolement par l’échange des pratiques et de la recherche pédagogique.

 (www.acireph.org).

Affect et concept

En tant que mode de penser (car elle est aussi un art de vivre), la philosophie est l’exercice du langage et de la raison (du logos), pour tenter de comprendre le monde, autrui et soi-même.

C’est dire l’importance qu’elle attache à une démarche rationnelle : notamment à la définition de concepts, dont la création selon Deleuze est sa spécificité, ainsi qu’à l’argumentation rationnelle de ce qu’elle avance ou conteste. Il y a cependant des philosophes qui attachent de la valeur à la sensibilité dans la connaissance ou dans l’éthique. Si l’éveil d’une pensée réflexive est l’objectif fondamental d’un apprentissage du philosopher, celui-ci, en particulier chez des enfants et des adolescents, peut s’ancrer utilement dans l’exercice de la sensibilité et de l’imagination, notamment à travers l’usage de métaphores ou le support de récits, qu’ils soient tirés des mythes ou de la littérature. Si l’affect peut apparaître, quand il submerge la raison, comme un obstacle à la pensée philosophique des élèves, il est par ailleurs, quand il irrigue de sa motivation et de sa coloration une vision du monde, un adjuvant puissant de la réflexivité.

Voir Conceptualiser – Approches d’un concept – Mythe et philosophie – Littérature de jeunesse et philosophie -

Âge du philosopher

Y a-t-il un âge pour philosopher ? Les philosophes sont partagés : pour Descartes, philosopher c’est sortir de l’enfance, pour Kant de l’état de minorité… Mais pour Epicure il n’est jamais trop tôt pour philosopher, et Montaigne y songeait dès la nourrice… Le débat existe encore aujourd’hui. La philosophie a été historiquement institutionnalisée en France en classe terminale : avant, les élèves n’auraient pas suffisamment de maturité psychique, de connaissances, de langage adéquat, et la philosophie devrait couronner l’enseignement secondaire. Ce point de vue, longtemps soutenu par l’Inspection générale de philosophie et l’Appep (Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public), a été contesté en France par le Groupe de recherche sur l’Enseignement de la Philosophie (Greph), fondé par J. Derrida dans les années 1975 ; critique reprise depuis 1998 par l’Acireph (Association pour la Création d’Instituts de Recherche sur l’Enseignement de la Philosophie). Ceux qui développent depuis 40 ans la philosophie avec les enfants dans le monde, notamment avec la méthode de M. Lipman, postulent au contraire l’éducabilité philosophique de l’enfance. Un verrou a cependant sauté en France, avec la possibilité officielle, depuis la rentrée 2011, de pratiquer d’une part des activités philosophiques dès la seconde, d’autre part de « petits débats philosophiques » (Luc Chatel, Ministre de L’Education Nationale, 2010) dans le cours de morale du primaire.

Animer un atelier philo, une discussion à visée philosophique

Animer, c’est donner du souffle (anima en latin) à l’esprit (animus). Un animateur philosophique insuffle un esprit de réflexion dans un groupe (en classe ou dans la cité), par sa  façon d’accompagner chaque participant et le collectif dans une recherche active, à la fois accueillante dans un esprit de confiance et de sécurité, condition favorable pour l’autorisation de penser, et rigoureuse dans l’exigence rationnelle des démarches pour garantir une visée philosophique. Animer n’est pas enseigner, au sens de simplement transmettre des connaissances. C’est une posture qui vise à faire travailler collectivement un groupe par la discussion réfléchie, l’institue en communauté philosophique de recherche, postule son éducabilité philosophique (confiance en ses capacités réflexives), procède par questionnement-reformulations, assure une progression du travail par recentrage-bilans-nouvelles pistes, « accompagne le groupe où il va » (M. Lipman), donc pas forcément où l’animateur aurait souhaité aller (surtout quand il a une culture philosophique), mais sans que le groupe n’aille pour autant n’importe où, car il exerce une vigilance épistémologique sur les exigences de pensée.

Parce que l’animation est un pouvoir, il peut y avoir animation partagée, co-animation de la séance, un président se chargeant sur la forme de l’animation démocratique de la parole, l’autre de l’animation philosophique sur le fond, comme un secrétaire de séance peut se charger de la mémoire des idées émises, et de leur synthèse à chaud /et à froid.

Pour ne pas peser sur le débat (c’est très important pour des enfants, très influençables), ne pas s’enferrer dans une controverse avec tel participant, et garder la maîtrise de la gestion réflexive globale du groupe, l’animateur philosophique ne dit généralement pas son avis sur la question traitée, centrant ses interventions sur les processus de pensée à l’œuvre dans les échanges.

Voir Atelier philo – Discussion à Visée Philosophique (DVP) – Rôle du maître ou de l’animateur dans une DVP

Apprenti-philosophe

La didactique s’intéresse à l’élève en tant qu’apprenant une discipline particulière, ou à toute personne s’y entraînant. C’est pourquoi nous parlons en classe d’apprenti-philosophe. Il ne faut pas oublier que celui-ci est une personne.

Apprentissage du dialoguer (article de M.-F. Daniel)

Dialoguer de manière philosophique est un acte complexe qui présuppose des compétences sur les plans cognitif, affectif, social et éthique. Chez les élèves, le processus d’apprentissage du dialoguer sous-tend le passage des échanges les plus simples aux plus complexes : L’échange est anecdotique lorsque les jeunes parlent de façon non structurée à propos de situations particulières et personnelles. Les élèves se laissent peu ou pas influencer par les interventions des pairs. Les habiletés de pensée sont simples, se résumant à l’énonciation de croyances ou de perceptions.  L’échange est monologique lorsque les élèves entrent dans un processus de recherche orienté vers la recherche de « la » bonne réponse. Chaque intervention d’élève, généralement simple et descriptive, est indépendante des autres. L’échange est dialogique lorsque les élèves explorent à plusieurs diverses voies pour découvrir et construire des connaissances, des significations ou des représentations. Ils forment une « communauté de recherche », en élaborant leurs perspectives avec l’aide des pairs, de manière spiralaire. Ils investissent une réflexion générale (versus  particulière) et conceptuelle ou abstraite (versus concrète), en étant motivés par un problème commun à résoudre. En d’autres termes, il y a échange dialogique lorsqu’il y a un enchaînement interlocutoire d’énoncés, duquel résulte une complexification du point de vue.

Un échange de type dialogique n’est pas d’emblée critique ; il peut être non-critique, quasi-critique ou critique. L’échange dialogique non-critique engage les élèves dans une co-construction des connaissances ou des significations respectant les différences d’opinion et l’hétérogénéité des perspectives. Mais dans ce type d’échange, les élèves ne voient pas la pertinence d’évaluer les points de vue des pairs ou la validité et viabilité des critères ou prémisses en jeu. Les habiletés de pensée se complexifient : justification des points de vue, questionnement, analogies… L’échange est dialogique quasi-critique lorsque, dans un contexte d’interdépendance, certains élèves sont suffisamment critiques pour remettre en question les énoncés des pairs. Cependant ces derniers ne sont pas suffisamment ouverts à la critique pour être cognitivement influencés par elle. La critique ne sert pas à la modification ou la réorganisation de la perspective initiale. L’échange dialogique critique est caractérisé par la réciprocité, l’ouverture à la divergence et l’intersubjectivité ; il est complexe et évolutif.  Les élèves réorganisent non seulement la perspective initiale et justifiée du groupe, mais ils la modifient grâce à la négociation ou le compromis. Ils considèrent autrui comme porteur de divergences et nécessaire à l’enrichissement de leurs propres perspectives. Sur le plan épistémologique, le doute et l’incertitude sont acceptés comme faisant partie de tout échange significatif. La critique des pairs est recherchée pour elle-même, étant comprise comme outil pour cheminer dans la compréhension d’une problématique. Le dialogue critique n’est pas une argumentation rhétorique d’un point de vue déjà construit ni un débat de thèses en compétition ; c’est un travail de recherche en communauté en vue du Bien commun.

Apprentissage du philosopher

Philosopher n’est pas spontané : ce sont les préjugés qui le sont, affirmations héritées de notre milieu familial, social, civilisationnel, qui paraissent évidentes car non interrogées, réponses souvent implicites à des questions que l’on n’a même pas formulées et examinées. Philosopher s’apprend, c’est une démarche qui doute des préjugés, qui met en question, sous forme de questions à examiner, ses affirmations, opinions, croyances, qui interroge rationnellement le bien-fondé de ce que l’on « pense ». La question didactique est de savoir comment on peut, en tant qu’enseignant en classe, ou animateur d’une discussion, accompagner, chez un apprenti-philosophe, cette démarche.

Voir Philosopher

Approche par objectifs

La Pédagogie Par Objectifs (PPO), qui vise à décomposer l’apprentissage en objectifs partiels observables,  nous semble réductrice par son aspect comportementaliste et émietté. D’autant plus qu’en philosophie nous avons affaire à des processus de pensée complexes et de haut niveau taxonomique. Par contre une approche par objectifs de type cognitiviste nous a semblé heuristique, parce qu’elle clarifie les compétences que l’élève doit acquérir à partir de tâches qui lui sont proposées. Ces objectifs d’apprentissage scolaire doivent toujours être reliés aux finalités plus globales poursuivies par l’enseignement philosophique, qui leur donne tout leur sens, et à la globalité des taches proposées.

Voir compétences

Approches d’un concept

Un concept peut être travaillé, dans l’élaboration de sa définition, par plusieurs  approches complémentaires, qui en éclaire chacune un de ses aspects :

- langagière : construire le sens du mot-notion par une exploration étymologique, sémantique, lexicale du langage (ex : anarchisme, du grec « a », privé de, et « archè », commandement) ;

- extensive : approcher la notion par l’exemplification concrète du concept (Ex : Socrate est un exemple d’homme), ou la diversité des sens qu’elle prend au travers de ses différents champs d’application au réel (Ex : la notion de loi n’a pas le même sens dans le champ scientifique ou juridique) ;

- compréhensive : construire le concept à partir de ses attributs, ou caractéristiques spécifiques  (l’homme est un « animal politique ») ;

- représentative : partir de formes expressives, iconiques, métaphoriques, verbales qui sont associées à la notion, pour les travailler (Ex : la balance pour la justice).

Ces approches de la notion sont un matériau à interroger dans un itinéraire de conceptualisation.

Voir Conceptualiser

Argumenter en philosophie

C’est une compétence essentielle dans l’apprentissage du philosopher, qui se veut une démarche rationnelle d’examen de questions, dont on juge si elles sont ou non bien posées, solubles ou indécidables, quelles sont les réponses possibles éventuelles, lesquelles sont peu consistantes et pourquoi, lesquelles peuvent être fondées en vérité et selon quelles raisons. L’argumentation en philosophie est distincte de l’administration de la preuve en sciences (démonstration en mathématiques, observation, expérimentation, modélisation en sciences expérimentales etc.) ; elle vise toujours en droit, contrairement au français, l’auditoire universel (et non tel auditoire particulier, comme la publicité) ; elle cherche, dans sa tradition rationaliste tout au moins, à (se) convaincre par la raison (et non à persuader par les émotions) ; elle est publique et en droit partageable par sa rationalité et son horizon de vérité, d’universalisation ; mais une pensée philosophique est toujours discutable, ce n’est jamais un dogme, elle reste objet de controverses, bordée par une éthique intellectuelle et morale de la discussion : d’où l’intérêt de développer cette compétence argumentative, bien mise en évidence par la pensée critique (Cf. le « critical thinking » anglosaxon).

C’est en tout cas la version rationaliste d’une didactisation de l’apprentissage du philosopher. Elle est à relativiser peut-être à la lumière de la pratique des philosophes antiques (qui adaptaient toujours selon P. Hadot leur pensée à tel ou tel auditoire), ou de la pratique actuelle de la philosophie avec les enfants, qui ancre l’éveil de la pensée réflexive dans un travail de la sensibilité et de l’imagination. De même qu’elle peut être interpellée par certaines philosophies contemporaines (les philosophies qui mettent plus l’accent sur l’herméneutique que sur l’argumentation, les philosophies du langage, celles des théories de l’esprit ou de l’éthique en situation, avec leurs expériences de pensée…).

Voir Compétences

Atelier philosophique (ou atelier philo)

Nom d’un moment de classe ou d’un groupe de participants (par exemple dans une université populaire), dont l’activité est à visée philosophique. Le nom de l’atelier a du sens : étymologiquement, atelier signifie « éclat de bois » ; c’est un lieu où l’on travaille une matière, ici dans l’atelier philosophique ce sont les idées, les opinions, les concepts, des questions, des problèmes. Ce qui implique une pratique, une mise en activité des participants : à partir d’une introduction ou d’un support, on peut y pratiquer de la discussion, de l’écriture (atelier d’écriture philosophique), ou de la lecture d’œuvres (atelier de lecture philosophique), parfois un mixte de ces trois types d’activité.

Voir Discussion à visée philosophique – Communauté de recherche philosophique

Auteur philosophique

Philosophe reconnu par et dans l’histoire de la philosophie, qui figure ou non dans le programme officiel. Leur présence dans le programme de terminale est un choix relativement arbitraire (un homme – à l’exception d’H. Arendt depuis 2003 -, mort et occidental, souvent idéaliste), et évolutif (Ex : Cicéron apparait et disparait). Ils sont présents aussi par le choix d’œuvres à étudier.

Autoréférence

A partir du moment où une discipline de recherche devient matière scolaire, et s’adresse à un certain public scolarisé, elle s’incarne dans une institution avec ses contraintes, et se didactise par des programmes et des méthodes. Dans ce processus de didactisation, l’autoréférence est le principe traditionnellement revendiqué de l’enseignement philosophique, selon lequel celui-ci doit s’auto-fonder, soit parce que « la philosophie est à elle-même sa propre pédagogie » (J. Muglioni ou J.-L. Poirier, anciens inspecteurs généraux de philosophie), soit parce que sa didactique doit reposer sur des modèles strictement philosophiques (Par exemple pour J. Russ, la clarté cartésienne). Nous pensons pour notre part que tout en reposant sur des principes philosophiques, puisqu’il s’agit de philosophie, l’enseignement philosophique doit prendre en compte d’autres aspects, par exemple psychologiques, psychosociologiques, sociologiques, neurobiologiques, pédagogiques etc., qui sont autant de disciplines contributoires à sa didactisation.

Voir Paradigme organisateur de l’enseignement philosophique

Banquet philo

Le banquet philo d’aujourd’hui évoque Le Banquet, célèbre dialogue philosophique de Platon, où l’on assiste, lors d’un banquet, à une série de prises de parole tentant de définir ce qu’est l’« amour ». C’est la reprise du genre du café philo (introduction d’une question suivie d’échanges entre participants), avec la dimension supplémentaire d’un repas en commun : un repas organisé à l’effet d’échanges philosophiques entre convives. Les formules sont très diverses, mais il s’agit plutôt de discuter pendant le repas, et non avant voire après. On peut discuter en mangeant, ou entre les différents plats, comme autant de phases avec des relances.

Nous préférons la seconde formule, estimant qu’il ne faut pas mélanger deux fonctions de la bouche : celle pour manger et celle pour parler-penser.

Voir Café philo – Discussion à Visée Philosophie (DVP)

 

BD philo

L’image a un intérêt pédagogique évident en philosophie, même si elle a été négligée par la philosophie traditionnelle, comme épistémologiquement trompeuse par rapport au concept : pour dessiner l’allégorie de la caverne de Platon (ironie de l’histoire, puisque Platon critiquait l’image), il faut lire très attentivement le texte. Les éditions de La Librairie Générale Française l’ont bien compris en publiant, dès 1993, un Atlas de la Philosophie allemand (Burkard et al) : à chaque page de texte s’oppose en vis-à-vis un dessin, croquis, image ou illustration schématisant l’idée exposée. La limite de l’image est d’être statique. Associant le plus souvent une succession d’images et de courtes phrases sous la forme d’un récit, la BD au contraire se prête bien :

- soit à raconter à travers une vie une œuvre (Ex : M. Onfray racontant Nietzsche, ou O. Zarate présentant Rousseau, Machiavel, Kierkegaard et Freud ; pour les plus jeunes, on a Les petits Platons ou les éditions du Cheval Vert) ;

- soit à illustrer une œuvre littéraire philosophique (Ex : Le Banquet ou Candide par Sfar) ;

- soit à mettre en scène par la brièveté du texte des aphorismes philosophiques (Ex : Calvin et Hobbes de B. Watterson, ou Le Chat de P. Géluk).

Forme d’expression de la pensée où le texte s’appuie sur la métaphore, l’image et le récit, la BD se prête bien à une exploitation pédagogique en philosophie, parce que c’est un genre familier aux enfants et aux jeunes, accessible par l’image et l’histoire, frappant par l’aphorisme, trois supports qui donnent à penser… De plus, comme toute création artistique, la BD peut être analysée philosophiquement (Ex : Tintin passée au crible de Philosophie Magazine, par M. Serres ou  C. Rosset…).

Café philo

Le café philo est une pratique sociale nouvelle de la philosophie, bien que dans la tradition française des cafés littéraires. Il s’est développé en France depuis 1992, où Marc Sautet a lancé la formule au café des Phares, place de la Bastille à Paris. Il s’agit d’une réunion d’environ deux heures où, après le lancement d’une question choisie par vote sur le moment à partir des propositions des participants, ou décidée à l’avance et brièvement introduite, une discussion s’installe, conduite par un animateur, pour tenter de la traiter philosophiquement à partir des échanges entre présents. Il ne s’agit donc ni d’un cours, ni d’une conférence suivie de questions, mais d’un débat où chacun peut s’exprimer. Les adversaires du café philo y voient la consécration de l’opinion de la « caverne » de Platon (doxologie, discours de pures opinions), une confusion entre discuter et philosopher, entre philosophie et démocratie, concepts et « sujets de société », avec des dérives possibles de psychologisation et de sophistique. Ses promoteurs postulent au contraire, dans une perspective démocratique, « l’éducabilité philosophique » de tous, et défendent la possibilité d’apprendre à philosopher en discutant par un travail collectif de critique des préjugés. D’où l’importance, pour le groupe, au-delà de la convivialité et du droit d’expression de chacun, de partager une visée philosophique, c’est à dire des efforts de problématisation, de conceptualisation et d’argumentation rationnelle : c’est le rôle de l’animateur d’y veiller.

Voir Discussion à Visée Philosophique – Communauté de recherche philosophique – Banquet philo – Compétences

Changement de point de vue

L’empathie est la capacité de changer de point de vue en se plaçant du point de vue de l’autre, et non de son propre point de vue. Il faut bien la distinguer de la sympathie, se placer du point de vue de l’autre de son point de vue à soi. L’empathie cognitive est développée dans la CRP ou la DVP : c’est elle qui rend possible la possibilité d’argumenter un point de vue opposé au sien, épousant une logique contraire à sa conviction, en montrant qu’elle peut être solide. Cette « flexibilité réflexive », que l’on va trouver par exemple dans la pensée dialectique (comme le mouvement hégélien thèse-antithèse-synthèse, ou cette dernière dépasse tout en conservant les deux premières), ou dans la pensée dialogique (E. Morin), est fondamentale pour complexifier sa pensée, l’approfondir, la nuancer. Dans ses travaux au collège de France, A. Berthoz propose de commencer tôt le développement de cette capacité à savoir changer de point de vue (« pluralisme interprétatif »), comme antidote contre le dogmatisme et le fanatisme, qui entraînent le racisme, la xénophobie, la haine de l’autre.

Voir Argumenter

Ciné philo

Il a là une nouvelle pratique philosophique, puisque le cinéma est apparu récemment. L’avantage du ciné philo sur la BD, c’est de combiner l’image et le son. Il y a trois façons d’utiliser le cinéma en philosophie :

- soit on étudie philosophiquement le cinéma comme genre esthétique, son sens comme Merleau Ponty, son image-mouvement et son image-temps comme Deleuze ; ou les séries télévisées, comme T. de Saint Maurice ;

- soit on cherche à illustrer une notion, un philosophe ou une philosophie par des extraits de films, comme O. Pourriol : on enseigne la philosophie par le cinéma, media pédagogique fort par sa forte présence à l’écran ;

- soit on considère un film, à l’instar d’une pièce de théâtre (on pourra alors parler de théâtre philo), comme un support anthropologiquement porteur des problématiques existentielles de l’humain, notamment contemporaines, et on discute d’une question philosophique vive soulevée par le film, après l’avoir visionné : c’est alors une sorte de café philo introduit par un film.

Voir Discussion à Visée philosophique – Communauté de recherche philosophique – Café philo

Communauté de Recherche Philosophique (CRP)

La CRP est un concept utilisé par M. Lipman (et ceux qui se réclament de la lettre ou de l’esprit de sa méthode), dans sa conception et sa pratique de la philosophie pour enfants. Le concept de « communauté de recherche » provient du pédagogue et philosophe pragmatiste J. Dewey, qui le tenait lui-même au niveau épistémologique du philosophe du langage C. S. Pierce. Il s’agit d’instituer un groupe en communauté intellectuelle de réflexion, qui à partir d’une question posée par un participant et choisie collectivement à partir d’un roman, donne lieu à des échanges approfondis entre participants. La CRP se tient sous la conduite d’un animateur, qui veille à ce que se développe une pensée d’excellence, c’est-à-dire critique (critical thinking), créative, autocorrective et attentionnée (caring thinking). Des exercices sont ensuite faits dans la CRP, proposés dans des livres du maître servant de support à l’émergence de questions pour la réflexion.

Voir Atelier philosophique – Discussion à Visée Philosophique (DVP)      

 

Compétences philosophiques – Approche par compétences en philosophie

On a longtemps pensé, on pense même encore les programmes de philosophie, en termes exclusifs de contenus, de notions, d’auteurs : l’important pour penser la liberté, c’est de comprendre comment Platon, Descartes ou Kant l’ont abordée, et s’en inspirer pour sa propre pensée. La notion de compétences a cependant fait timidement son apparition : « Il convient d’indiquer clairement à la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et les compétences que les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce qu’ils ont appris… »  (Programme de 2003). Cette approche nous semble fondamentale, car elle clarifie pour les enseignants et pour les élèves eux-mêmes, ce qu’ils doivent apprendre pour philosopher, et donne une prise à l’évaluation de cet apprentissage. Elle reste très critiquée par nombre de philosophes, qui dénoncent son origine dans le monde professionnel très intéressé de l’entreprise, la dévalorisation à son profit de la notion de connaissance, et l’interprétation restrictive, rationalisante, behavioriste, objectivante, morcelée, obsessionnellement évaluative qu’en a historiquement opérée la pédagogie par objectifs.

Nous définissons une compétence comme la mobilisation, de façon intégrée, de ressources internes et externes pour accomplir dans son activité une tâche déterminée dans une situation complexe et nouvelle. Les connaissances font partie de ces ressources à mobiliser. Pour écrire ou discuter philosophiquement dans le cadre d’un apprentissage scolaire, il nous semble nécessaire d’apprendre notamment à problématiser une notion, une question, une affirmation ; à conceptualiser, c’est-dire définir les notions proposées ou requises pour traiter une question, opérer des distinctions conceptuelles ; à argumenter rationnellement les réponses que l’on fait aux questions que l’on (se) pose et les thèses que l’on soutient, comme celles que l’on critique. Ce sont là des compétences nécessaires à l’apprentissage du philosopher, d’un « penser par soi-même ». Elles sont spécifiques à la philosophie dans leur processus, même si l’on problématise en sciences, ou argumente en français ; et elles sont interdépendantes entre elles, dans le mouvement et l’unité d’une pensée impliquée.

Voir Approche par objectifs – Problématiser – Conceptualiser – Argumenter – Lire un texte philosophique – Ecrire un texte philosophique – Discussion à Visée Philosophique (DVP)

 

Conceptualiser en philosophie

Conceptualiser est une compétence à développer dans l’apprentissage du philosopher. Deleuze définit d’ailleurs la philosophie comme la « création de concepts » (ex : l’idée chez Platon, le cogito chez Descartes, la monade chez Leibniz, etc.), qui ne prennent de sens les uns que par rapport aux autres (ex : les sens, l’imagination et l’entendement chez Descartes). La pensée philosophique se construit dans et par une langue (on dit que la métaphysique est née en Grèce par la présence dans cette langue du mot « être »). Or le langage est polysémique, et une pensée rigoureuse cherche à définir les mots usuels ou spécifiques qu’elle emploie, pour savoir « de quoi l’on parle » exactement. Derrière les mots, que l’on peut définir en français par leur(s) sens dans la langue ou leur emploi dans un contexte, il y a en philosophie des notions, idées générales et abstraites dont il faut préciser le sens. Conceptualiser est le processus par lequel on cherche à donner un contenu conceptuel à une notion (ex : la vérité), notamment par un travail de distinction conceptuelle (vérité/certitude) et de réseau notionnel (ex : vérité, évidence, erreur et mensonge, rationalité, universalité etc.), ainsi que par les questions qu’elle soulève (Une ou des vérités, vérité absolue ou relative ? etc.).

Voir Compétences philosophiques – Approches du concept

Conflit sociocognitif

C’est en philosophie le processus de remise en question de ses opinions personnelles par confrontation réflexive, le plus souvent argumentative, aux repré­sentations d’autrui (L’enseignant, les auteurs philosophiques, ses camarades de classe, les participants à un café philo). La prise de conscience de l’altérité, la décentration de son point de vue, la volonté de dépasser ses contradictions sont ainsi recherchées par des dispositifs didactiques adéquats qui favorisent ces confrontations.

Voir Argumentation

Constructivisme

C’est une théorie de l’apprentissage selon laquelle le savoir est progressivement construit par le sujet lui-même, dans une dialectique avec son environnement, notamment humain. Quand on veut mettre l’accent sur la confrontation avec autrui, on parle de socioconstructivisme. Cette conception (Par exemple chez J. Piaget ou G. Bachelard), s’oppose à des théories de la connaissance reposant sur l’innéisme, « les idées sont innées, en nous » (Ex : Platon, Descartes, Leibniz) ou sur un intuitionnisme de la vérité (Ex : la vision chez Platon, ou Bergson). La didactique de l’apprentissage du philosopher que nous avons développée dans la décennie 1990 implique un présupposé constructiviste, qui donne un rôle important aux conflits sociocognitifs pour mettre en question ses préjugés. Celui-ci peut bien sur, comme tout présupposé, être philosophiquement interrogé et critiqué.

Voir Discussion à visée philosophique – Communauté de recherche philosophique – Argumenter

 

Consultation philosophique

La consultation philosophique est une pratique nouvelle (par exemple à l’initiative d’une entreprise), même si en on trouverait des traces chez Platon, où certaines personnes sont demandeuses d’un dialogue avec Socrate pour se faire interroger par lui. Elle peut être institutionnelle, à la demande d’une entreprise, administration ou association, qui pense qu’une approche philosophique peut lui être utile, à cause de la rigueur de son maniement des concepts, pour aider à comprendre et résoudre un problème interne ou externe, ou former son personnel. Elle peut être individuelle, dans un colloque singulier, à l’initiative d’un « client » venu consulter un philosophe pour travailler sur une question qu’il se pose, concernant souvent sa vie personnelle. Ce type de pratique est encore peu développé en France, contrairement à d’autres pays. La frontière est à préciser entre consultation philosophique, consultation psychothérapeutique et coaching. Il ne s’agit pas de résoudre le problème mis en avant, mais de davantage le penser dans ses tenants, présupposés et aboutissants, avec des outils philosophiques (Ex : travailler avec la raison, et non sur l’inconscient, l’affectif, le transfert), afin de tirer soi-même rationnellement une conclusion après cette clarification

Voir Philosophie en entreprise

  

Cours de morale et philosophie

L’éthique, comme l’épistémologie ou l’esthétique, est l’un des champs privilégié de la réflexion philosophique. La philosophie, en Belgique, au Québec, dans nombre de landers allemands, peut être abordée dans le cadre d’un cours de morale ou d’éthique. Un cours de morale existe au primaire en France : on peut l’aborder sous un angle non philosophique, prescriptif, moralisateur (apprendre des maximes par cœur), ou de façon philosophique, à partir de discussions (CRP ou DVP) partant d’aphorismes, d’albums, de mythes etc. Les dilemmes moraux (« Peut-on voler pour nourrir son enfant quand on est pauvre et n’a rien à lui donner à manger ? ») sont propices au développement du jugement moral, car ils apprennent à nommer, clarifier et hiérarchiser des valeurs dans des situations concrètes (en contexte).

Voir Littérature de jeunesse – Mythes

  

Courants des Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) à l’école

Il n’y a pas de philosophie au programme de l’école primaire en France. Cette pratique est une innovation, issue de la base, puis encouragée par certains formateurs ou cadres du système scolaire. N’étant pas normée institutionnellement par des circulaires, plusieurs pratiques se sont progressivement développées ces quinze dernières années, par exemple :

- la méthode Lipman, pratiquée dans le monde depuis les années 1970, et introduite en France vers 1998 : on lit un roman ad hoc, les enfants posent des questions que l’histoire soulève, on en choisit une et l’on en discute en CRP (Communauté de Recherche Philosophique) sous la conduite de l’enseignant ; puis, en s’appuyant sur le livre du maître correspondant au roman (phase généralement négligée en France), on pratique quelques exercices de consolidation d’habiletés intellectuelles, par exemple en logique ;

- la méthode Agsas-Lévine, ou atelier philo, expérimentée en maternelle puis développée jusqu’à la fin du collège : l’enseignant solennise un thème très important pour les humains dont on va parler, avec un enregistrement. Un tour de table s’ensuit, matérialisé par un bâton de parole, pendant un temps précis, où l’enseignant se tait, mais écoute avec intérêt. Dans un second temps, équivalent au premier, conduit par le maître, les enfants réécoutent la cassette et peuvent intervenir sur demande ;

- la méthode Brénifier : l’enseignant mène un entretien philosophique de groupe, lent et progressif, où l’on clarifie, examine et argumente chaque idée émise par les enfants ;

- la méthode Delsol-Connac-Tozzi, dite « Discussion à Visée Démocratique et Philosophique » (DVDP), avec un cadre démocratique (des fonctions différenciées partagées entre élèves, des règles précises de circulation de la parole), et un enseignant veillant à la mise en œuvre par les élèves de processus de pensée développant leurs compétences à philosopher.

Chaque enseignant bricole de fait son propre style d’animation de ces moments philo, s’inspirant plus ou moins ou combinant certains de ces « courants ».

Voir Atelier de philosophie – Discussion à Visée Philosophique (DVP) – Communauté de recherche philosophique

Désir de philosopher

Le philosophe est étymologiquement l’ami (philos) de la sagesse (sophia). Comme le montre Platon dans son dialogue Le Banquet, cette amitié ne va pas sans désir (éros), le désir de philosopher, le désir de savoir, de donner du sens. C’est ce désir qui suscite et nourrit le questionnement et la recherche. Et comme l’analyse J. Lacan, le désir, c’est ce qui circule entre les personnes, entre les personnes et les objets. L’animateur philosophique, le praticien philosophe, l’enseignant de philosophie sont en charge d’alimenter ce désir et de le faire circuler chez des individus et dans des groupes. N. Go enracine, à la façon de Spinoza, la joie de penser dans la joie de vivre et d’exister.

Voir Philosopher

Didactique de la philosophie

Il y a, selon J.-L. Martinand, et c’est le cas pour toute discipline scolaire, donc la philosophie, une didactique « descriptive », qui fait l’état des lieux de la façon dont une discipline est programmée (Quel paradigme organisateur, quels savoirs et savoir-faire à enseigner ?), dont elle est enseignée et apprise dans les faits (ex : par des analyses de cours donnés en classe, de copies…) ; une didactique « prescriptive », normative, qui dit (par les programmes et circulaires) et vérifie (par les critères des concours et l’inspectorat) comment la discipline doit être enseignée et apprise ; et une didactique « critique et prospective », celle des innovateurs et des chercheurs (les didacticiens) : elle critique de façon argumentée certaines modalités d’enseignement et d’apprentissage du philosopher, et propose, expérimente et analyse certaines innovations mises en œuvre.

Il y a en France plusieurs courants en didactique de la philosophie : un courant selon lequel la philosophie est à elle-même sa propre didactique, en ce que le maître « élève l’élève » en donnant par son cours ou l’étude des philosophes l’exemple même de la pensée (J. Muglioni). Il prend peu en compte les difficultés réelles d’apprentissage des élèves rencontrées sur le terrain, exhortant seulement à l’attention et au travail. Un autre courant, prenant acte de ces difficultés, tente de les analyser (F. Raffin). Mais il reste autoréférencé, hostile à tout apport extérieur, par exemple des sciences de l’éducation. Il fait reposer par exemple l’enseignement sur la clarté cartésienne (J. Russ), ou la dialectique (platonicienne, hégélienne ou marxiste). Un troisième courant plaide pour un aggiornamiento pédagogique : on le trouve dans les innovations pratiques du Groupe Français d’éducation Nouvelle (Gfen), par exemple le procès ou le colloque des philosophes, des exercices diversifiés d’écriture philosophique etc. ; dans les propositions renouvelées de programme et d’épreuve de l’Association pour la Création d’Instituts de Recherche pour l’Enseignement de la Philosophie (Acireph) ; et enfin chez les didacticiens de l’apprentissage du philosopher (Ex : M. Tozzi).

D’autres courants existent de par le monde. Par exemple la méthode du dialogue de Nelson, le modèle à cinq doigts de E. Martens en Allemagne…

Voir Didactique de l’apprentissage du philosopher – Didactisation

Didactique de l’apprentissage du philosopher (DAP)

La DAP est un courant didactique en philosophie récent en France (les années 1990), inspiré des recherches dans les autres didactiques disciplinaires : elle se place du point de vue des apprentis-philosophes, les élèves, et de leur apprentissage (Que doivent-ils apprendre ? Quelles compétences doivent-ils acquérir pour philosopher?), et pas seulement comme traditionnellement du point de vue de l’enseignant (Que dois-je leur dire ? Comment préparer le contenu de mon cours ?).

S’appuyant sur l’esprit philosophique d’interrogation et de recherche, et d’inspiration problématisante, elle intègre à titre de contribution dans son élaboration un certain nombre d’apports : des sciences cognitives et de la psychologie développementale, par exemple pour la philosophie avec les enfants et les adolescents ; des théories de la motivation pour comprendre le désir de philosopher ; des théories de l’apprentissage pour comprendre l’apprentissage des processus de pensée constitutifs du philosopher ; de la psychologie sociale et du socioconstructivisme pour comprendre l’apprentissage du philosopher au sein des échanges dans un groupe ; des sciences du langage pour éclairer les processus linguistiques et sociolangagiers à l’œuvre dans la lecture, l’écriture et la discussion philosophiques ; d’un certain nombre de concepts utilisés dans les autres didactiques disciplinaires, par exemple ceux de matrice disciplinaire, transposition didactique, pratiques sociales de référence, objectifs-noyaux ou concepts-clefs, représentation ou conception, obstacles épistémologiques et pédagogiques, situations-problèmes etc. Elle fait appel aussi à des démarches d’approche par compétences, d’évaluation formative ou formatrice, de pédagogie différenciée, de pédagogie coopérative… Elle fait donc appel à des disciplines et des pratiques dites « contributoires », parce qu’elles enrichissent la DAP, mais dans le respect de la spécificité philosophique de la discipline, pour éviter que ces concepts, théories et pratiques « nomades »  ne soient « sauvages »…

Voir Didactique de la philosophie – Didactisation

Didactisation

C’est le processus par lequel on tente, par transposition didactique, de rendre une discipline enseignable. Il y a de fait une didactisation institutionnelle à travers les programmes, horaires, modalités d’examen etc. La didactisation du philosopher peut analyser les processus de la didactisation institutionnelle, mais vise aussi l’étude

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de l’apprentissage du philosopher en classe. Celle-ci montre l’intérêt et les limites de certains dispositifs imposés, pratiqués ou possibles, voire souhaitables.

Voir Didactique de la philosophie – Didactique de l’apprentissage du philosopher

Différenciation

C’est l’ensemble des modalités de prise en compte, par les attitudes de l’enseignant, la variation de ses méthodes et dispositifs, des élèves comme sujets de fait, dans leur singularité, leurs différences psychologiques, socio-culturelles, leurs stratégies intellectuelles, afin de les accompagner dans leur devenir d’apprentis-philosophes. Les apports de la psychologie différentielle, les pratiques de gestion mentale, de différenciation pédagogique peuvent ici être mobilisées dans cet accompagnement personnalisé, et doivent être interrogées épistémologiquement.

Diotime (Revue) 

Revue internationale de didactique de la philosophie. C’est une revue de référence sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) en classe (ex : philosophie avec les enfants), et dans la cité (ex : cafés philo), au niveau francophone, mais avec aussi des articles en anglais et en espagnol.

Elle est publiée sur le portail des revues de l’Education Nationale :

www.educ-revues.fr/diotime/ 

Elle parait depuis mars 1999, à raison de quatre numéros par an, avec une indexation par thèmes, auteurs et pays. Revue numérique depuis son numéro 19 (septembre 2003), tous ses numéros sont consultables depuis le n° 10. Parution du n° 54 en septembre 2012.

Disciplines contributoires

Ensemble des domaines de recherches scientifiques qui peuvent contribuer à l’élaboration d’une didactique de l’apprentissage du philosopher. Par exemple : histoire de la philosophie, psychologie de l’apprentissage ou de l’adolescent, travaux sur les compétences, neurophysiologie du cerveau, psychosociologie du groupe-classe, sociologie du curriculum, histoire de l’enseignement et des disciplines scolaires, éducation comparée (notamment enseignement philosophique dans différents pays), didactiques discipli­naires, didactique générale (au sens de M. Develay), sciences du langage, etc. La légitimité des concepts et théories issus des sciences biologiques et humaines (en particulier les sciences de l’éducation) dans une telle didactique doit être interrogée à plusieurs niveaux : sur la validité intrinsèque de leur modélisation (débat scientifique et réflexion épistémologique) ; sur le principe même de leur transfert (refusé par certains, heuristique pour d’autres) ; sur la nécessaire adaptation ou altération d’outils conceptuels nomades appliqués à un autre champ (vigilance épistémologique).

Discussion à Visée Philosophique (DVP)

La DVP est le dispositif (inspiré par A. Delsol et S. Connac), mis en œuvre de façon privilégiée par M. Tozzi dans la façon de pratiquer la philosophie avec les enfants et dans la cité. Il représente l’un des courants (avec M. Liman, J. Lévine et l’Agsas ou O. Brénifier par exemple) dans la diversité des NPP en France.

Ce dispositif articule étroitement deux éléments :

1) Un dispositif à visée démocratique, inspiré par la pédagogie institutionnelle, avec une répartition entre les élèves ou les adultes de plusieurs rôles (président de séance, reformulateur, synthétiseur, discutants, observateurs…) ; des règles de prise de parole (tour de parole donnée dans l’ordre à celui qui lève la main, priorité à celui qui n’a pas encore parlé ou peu, perche tendue au muet, droit de se taire…) ; et une éthique discussionnelle (on ne coupe pas, on ne se moque pas…). Cet aspect fait parfois nommer le dispositif DVDP (Discussion à Visée(s) Démocratique et Philosophique).

2) Des exigences intellectuelles portées par le maître, qui accompagne la discussion par des interventions ciblées sur la mise en œuvre de processus de pensée : définitions de notions, élaborations de concepts en extension à partir d’exemples/contre-exemples, et en compréhension par construction d’attributs, notamment à partir de distinctions conceptuelles (processus de conceptualisation) ; questionnement de ses opinions et de celle d’autrui, de leur origine, présupposés, conséquences (processus de problématisation) ; formulation d’hypothèses de réponse, d’arguments rationnels justifiant des thèses et des objections (processus d’argumentation).

L’animateur-maître-formateur accompagne la réflexion collective du groupe, constitué en communauté discursive de recherche, au sein d’un cadre réglé, une atmosphère sécurisée et confiante, une éthique communicationnelle et une rigueur cognitive.

La discussion est ici considérée comme l’un des moyens d’apprentissage du philosopher (au même titre que le cours d’un enseignant, la lecture de textes philosophiques, la rédaction de textes philosophiques, des exercices de problématisation, de conceptualisation et d’argumentation…). Elle est incontournable à l’école maternelle, où les élèves ne savent ni lire ni écrire. Elle accroche bien les élèves et les adultes : d’une part parce qu’il leur semble plus abordable de parler que de lire ou d’écrire, ce qui est très important pour les élèves en difficulté scolaire, donc à l’écrit ; d’autre part parce que l’interactivité dans une discussion est  motrice d’une réflexion collective et personnelle : la discussion, à certaines conditions d’écoute et de rigueur, éveille à la pensée réflexive, en confrontant la différence des points de vue, propice à une évolution des idées.

Voir Atelier de philosophie – Communauté de Recherche Philosophique (CRP)

Discussion à Visée Philosophique, démocratie et éducation à une citoyenneté réflexive

Pour signifier la dimension démocratique de ce type de pratique de la DVP, on parle parfois de DVDP (Discussion à Visée Démocratique et Philosophique). Il s’agit – c’est en ce sens une pratique scolaire (à l’école) et sociale (au café philo) de la modernité -, d’articuler philosophie et démocratie, qui vont rarement de pair dans l’histoire de la philosophie : Platon est un aristocrate, Aristote admettait l’esclavage, Hobbes prônait un Etat fort, Hegel admirait Napoléon, Nietzsche fustigeait les démocrates, Heidegger s’était inscrit au parti nazi etc. Il s’agit ici, dans le prolongement de l’idéologie des Lumières, de mettre la philosophie en perspective démocratique, en la rendant accessible à tous (Diderot disait : « la rendre populaire »), et ce, comme le souhaitait Montaigne, dès l’enfance. Et inversement de mettre la démocratie en perspective philosophique, pour donner au débat public des exigences réflexives, en bordant les tentations doxologiques (le règne des opinions non interrogées), sophistiques (se préoccuper de con-vaincre plus que de la vérité) et démagogiques (se rallier à la majorité pour être plébiscité). Il ne s’agit pas de confondre philosophie et démocratie : en démocratie, la vérité c’est le nombre par le vote, en philosophie, ce peut être un seul qui a le « meilleur argument » (Càd., comme le dit Habermas, celui qui est rationnellement universalisable). Mais la philosophie peut être une exigence pour la discussion démocratique (qui peut dériver en dé-battre, le partenaire devenant adversaire) : le droit d’expression dans une DVDP a pour contrepartie le devoir de clarifier ce dont on parle (conceptualiser) et de prouver que ce que l’on dit est vrai (argumenter). C’est en ce sens que la DVDP contribue à l’éducation à une « citoyenneté réflexive », c’est-à-dire à une prise de parole dans l’« espace public de discussion » (scolaire ou citoyen), avec des exigences de rigueur cognitive.

Voir Discussion à Visée Philosophique (DVP) – Communauté de recherche philosophique

 

Discussion à Visée Philosophique (DVP) et maîtrise orale de la langue

La DVP est une discussion, c’est-à-dire une interaction langagière orale entre plusieurs interlocuteurs. Le caractère oral de l’activité ne supprime pas la possibilité de l’écrit, surtout pour ceux qui ont peine à prendre la parole, et liront plus facilement leur écrit : écriture précédant (Que répondriez-vous à cette question et pourquoi ?), ou suivant la discussion (Où en êtes-vous par rapport à votre premier texte ? Ou quelles sont les idées essentielles que vous avez retenues ? Ou pouvez-vous résumer la discussion ?) ? Ce caractère oral peut être facilitateur pour les élèves en difficulté avec l’écrit. Il s’agit de parler en public, acte socialement formateur. De plus s’agissant d’une parole réflexive, les mots doivent trouver leur justesse pour exprimer au plus juste une pensée. Le développement de la pensée est étroitement lié à celui du langage, mais l’expression de sa pensée amène à chercher les mots précis pour le dire. En travaillant sur sa pensée, on travaille du même mouvement sur sa langue, car il y a co-développement du langage et de la pensée. C’est pourquoi la DVP développe la maîtrise orale de la langue, dans un contexte stimulant d’interlocution. Ne croyons pas qu’il faudrait un langage sophistiqué pour commencer à penser et penser bien. Le développement du langage permettra simplement d’aller plus loin dans la précision, mais n’est pas le préalable ni la condition pour penser.

Dispositif didactique

Situation scolaire construite en connaissance de cause par l’enseignant pour favoriser, sans jamais pouvoir le déterminer, l’apprentissage du philosopher. Cette élaboration prend pour objectifs les compétences philosophiques de l’élève visées, propose des tâches d’apprentissage, des consignes, supports, outils pour les

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 acquérir, anticipe et analyse les obstacles rencontrés, prévoit des aides différenciées pour les surmonter, et des modalités d’évaluation formative, et pas seulement sommative.

Voir Didactisation – Conflit sociocognitif

Droit à la philosophie

L’expression est de J. Derrida. L’apprentissage du philosopher, parce qu’il permet la formation de l’homme et du citoyen, est un droit, au sens juridique, politique et éthique du terme, pour tout élève. La didactique de l’apprentissage du philosopher pose les questions d’une part de son étendue (Avant la terminale et dès la maternelle ? Au baccalauréat professionnel ?), d’autre part de ses conditions de réalisation. Elle contribue donc à l’exercice réel d’un droit formel, juridiquement proclamé aujourd’hui par la Convention internationale des droits de l’enfant.

Dissertation philosophique

Dans le paradigme organisateur de l’enseignement philosophique français, la dissertation est la voie royale de l’apprentissage pratique du philosopher (le « patrimoine incontournable de l’enseignement philosophique » disait A. Renaut), puisqu’il s’agit de produire soi-même un écrit philosophique : écrit pratiqué durant toute l’année pour se préparer à l’examen, et sur lequel sera in fine jugé si l’apprentissage du philosopher s’est bien opéré dans l’enseignement reçu. C’est un choix : de l’écrit, jugé plus formateur et exigeant que l’oral (qui n’est dans sa « légèreté » que de rattrapage à l’examen) ; et un écrit parmi bien d’autres possibles, historiquement pratiqués par les philosophes. Les philosophes n’ont d’ailleurs que rarement écrit des dissertations (quand ils passaient des concours comme Rousseau et Kant). A. Chervel montre d’ailleurs que la dissertation est un genre créé en France dans et pour l’école à la fin du 19e dans diverses disciplines. D’autres genres sont requis en philosophie dans certains systèmes éducatifs.

La dissertation tiendrait son caractère formatif de la nécessité de produire une pensée personnelle, en cherchant derrière une question le problème philosophique posé, urgent et difficile à résoudre, en approfondissant les notions qu’il formule ou convoque, en examinant les différentes réponses argumentées possibles, à la lumière de sa connaissance des auteurs, et en avançant, au terme de ce parcours, celle qui semble la plus fondée en raison.

Certes. Mais la plupart des correcteurs, en particulier dans certaines séries technologiques,  constatent que peu d’élèves satisfont à des exigences intellectuelles élevées, pensées jadis pour un public scolaire peu nombreux, socialement sélectionné. Ils expliquent souvent cet échec par la baisse du niveau qu’entrainerait un enseignement de masse et « pédagogisé ». Mais on peut tout aussi bien mettre en doute devant cet échec la pertinence de l’enseignement dispensé, qui nécessiterait alors d’en repenser les méthodes pédagogiques utilisées, les programmes en cours, et les types d’épreuve aux examens. C’est pourquoi nous proposons des exercices d’apprentissage diversifiés, donnant toute sa place à l’oral, et variant les formes d’écrits sollicités.

Voir Ecrire philosophiquement

Ecrire philosophiquement – Formes diversifiées d’écriture philosophique

Ecrire philosophiquement, c’est utiliser le code écrit de la langue pour exprimer une pensée (Qui peut l’être par ailleurs mais différemment à l’oral). L’intérêt de l’écrit est de prendre le temps (certes contraint à l’examen !), de poser une pensée dans le silence et devant la page blanche, en dialogue avec soi-même et ses propres ressources (expérience personnelle, connaissances philosophiques), avec la cohésion linguistique (Ouvrir et fermer un texte, lier les phrases entre elles etc.) et la cohérence rationnelle des enchaînements (Rôle des connecteurs logiques etc.), c’est-à dire la rigueur qu’implique l’écrit par rapport à l’oral. La possibilité de retoucher son texte sur le fond et la forme par la relecture en augmente la précision. Ecrire philosophiquement implique de mettre en œuvre des compétences philosophiques.

La dissertation n’est que le mode scolaire d’écriture philosophique. Il y en a bien d’autres,  possibles dans le cadre scolaire ou dans des ateliers philosophiques, à commencer par les divers genres utilisés par les philosophes eux-mêmes : par exemple le mythe (Platon), l’aphorisme (Nietzsche), le dialogue (Platon, Malebranche), l’essai (Montaigne), le traité (Hume), l’entretien ou le manuel (Epictète), la méditation (Descartes), le journal (Kierkegaard), le poème (Lucrèce), le conte (Voltaire), la lettre (Spinoza), etc. D’autres peuvent être didactisés : correspondance philosophique entre classes (texte à plusieurs mains), lettre à un philosophe ou entre deux philosophes étudiés, au professeur, à la classe, lettre ouverte, échanges de lettres en binôme, texte suite à un tour de table, ou suite à une discussion, ou  suite à un entretien en binôme, etc.

Chaque genre a son intérêt propre : l’aphorisme est court, massif, peut être recopié par tous ; il peut être expansé en un petit texte ; la lettre a un destinataire et peut recevoir réponse (On lance ainsi une correspondance) ; le dialogue permet de se placer successivement et de manière incarnée de plusieurs points de vue ; le mythe ou le conte suscite l’imagination, et peut être suivi d’un commentaire plus discursif etc.

Voir Dissertation philosophique – Compétences philosophiques

ECJS et philosophie

L’éducation Civique, Juridique et Sociale (ECJS), n’est pas une discipline, mais un enseignement, qui peut être dispensé par un professeur d’histoire, d’économie, ou de philosophie… Les notions abordées rejoignent des notions philosophiques (Ex : liberté, égalité, justice etc.), et les problèmes recoupent le champ de la philosophie politique (Comment vivre ensemble ? Les principes de la démocratie…). Le programme stipule comme objectif « l’apprentissage du débat argumenté », exigence rationnelle que l’on trouve en philosophie. Un enseignement d’ECJS prend donc toute sa place dans une perspective philosophique, et de nombreuses expériences de terrain en témoignent. On peut y expérimenter pleinement la discussion entre élèves en lui donnant notamment des exigences philosophiques.

Voir Philosophie en seconde et première

Evaluation

Problème sensible en philosophie : parce que la docimologie est très sévère envers l’« objectivité » de la notation dans cette discipline ; et parce que le milieu est favorable à une appréciation globale sans approche analytique (avec des critères). L’évaluation sommative (la note terminale) gagnerait pourtant à clarifier les compétences des élèves attendues, ce que tente de préciser une didactique de l’apprentissage du philosopher. L’évaluation formative, comme régulatrice de l’apprentissage du philosopher, est utile : construction par l’élève de critères de réussite et surtout de réalisation de son travail, coévaluation entre pairs pour devenir lecteur-correcteur philosophique, auto-évaluation de ses propres productions pour devenir son propre lecteur en attente d’exigences philosophiques

Exception française

Affirmation de l’importance fondamentale que la France accorde à la philosophie dans l’enseignement secondaire. Historiquement, avec le prestige de la classe de philosophie à la fin du XIXème siècle. Et même aujourd’hui, avec les 8 heures en T.

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 L., et sa présence dans toutes les classes terminales (sauf en lycée professionnel). Mais il faut relativiser aujourd’hui ce point de vue à la lumière de l’enquête de l’UNESCO de 2007, qui montre qu’à part les pays anglo-saxons, il y a un lien étroit entre régimes démocratiques et enseignement de la philosophie dans le secondaire. Il faut s’interroger sur le lien entre philosophie et démocratie, dès lors que la première concerne un public de masse, et met en jeu un droit à la philosophie.

Exigences philosophiques

Selon le discours officiel, l’exigence philoso­phique est en droit une, qui ne se particularise ni se hiérarchise : c’est celle de la pensée. D’où des programmes identiques, proportionnés uniquement aux horaires, la dissertation pour toutes les séries, le même sujet possible au baccalauréat et à l’agrégation. Mais le niveau de performance exigé n’est pas de fait le même en série L ou S, dans les filières technologique ou en classe préparatoire. On demande par exemple en licence plus de connaissances en histoire de la philosophie. Il serait donc souhaitable d’élaborer des niveaux et critères de performance philosophique selon la position dans le curriculum de l’apprentissage du philosopher, et de penser la progressivité de cet apprentissage.

Voir compétences – Problématiser – Conceptualiser – Argumenter

 

Finalités de l’enseignement philosophique

Ce sont elles qui donnent valeur et sens aux objectifs didactiques définis en termes de compétences, pour éviter toute dérive techniciste. L’apprentissage du philosopher a pour finalités, par l’exercice de la raison,

- d’une part le développement d’un sujet libre, au jugement autonome et critique ;

- d’autre part la formation d’un citoyen, socialisé dans son comportement et éclairé dans sa réflexion sociétale, garantissant la qualité du débat démocratique par les exigences rationnelles, notamment argumentatives, de la pensée (d’où l’importance de la discussion).

La philosophie de l’éducation a pour tâche de réfléchir aux finalités assignables à l’enseignement et à l’apprentissage des disciplines scolaires, dont la philosophie.

Approche par objectifs – Compétences

Formation des professeurs de philosophie

Elle est traditionnellement d’un haut niveau disciplinaire, dès lors que la compétence essentielle est définie en termes de prestation de leçons comme œuvre philosophique personnelle. Mais un « savoir-philosopher devant les élèves » ne permet pas de comprendre leurs difficultés d’apprentissage. D’où une approche didactique centrée sur le rapport des élèves à la discipline, et plus largement la prise en compte des conditions pédagogiques d’enseignement (ex : le groupe-classe …). Une didactique de l’apprentissage du philosopher doit donc proposer une formation plus diversifiée, avec trois volets : disciplinaire, didactique et pédagogique, ce qui modifie l’identité professionnelle de

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 l’enseignant de philosophie, ainsi que la fonction et la formation des formateurs.

Voir Identité professionnelle du professeur de philosophie

 

Formation aux Nouvelles Pratiques Philosophiques

Les Nouvelles Pratiques Philosophiques relèvent de l’innovation scolaire et sociale. La philosophie n’étant pas dans les programmes de l’école, du collège, du lycée professionnel, les enseignants de ces niveaux sont généralement peu formés, sauf exception par leur cursus antérieur, à la philosophie. D’où la difficulté d’animer notamment des discussions à visée philosophique en classe. Et pourtant beaucoup d’enseignants se lancent, motivés et motivant les élèves, eux-mêmes ou avec un intervenant. Une formation, selon tous les courants de philosophie avec les enfants, apparait alors souhaitable. Un effort a existé dans la dernière décennie en formation initiale et continue au niveau du premier degré, par les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), ou dans des circonscriptions, ou par certaines associations ad hoc (Ex : Agsas, D’phi, Asphodèle, Institut de pratiques philosophiques etc.).

Les formations dispensées dépendent des objectifs poursuivis, des méthodes de référence, des dispositifs mis en place, des supports utilisés (littérature, mythes, images etc.), du style des animateurs. La thèse de S. Especier (Montpellier 3, 2006) répertorie différentes pratiques de formation, et plusieurs comparaisons ont fait l’objet d’articles. S’il y a un consensus sur la nécessité de faire vivre et analyser en formation ce que l’on proposera aux élèves, il y a des débats sur plusieurs questions. D’abord sur la nécessité ou non d’une formation spécifiquement philosophique : est-elle un préalable pour se lancer ? Elle n’est pas indispensable pour l’AGSAS ; pas explicitement nécessaire bien que souhaitable pour M. Lipman, les supports (romans et type d’exercices dans les livres du maître) ayant déjà implicitement des contenus philosophiques ; souhaitable par exemple chez M. Tozzi  et  O. Brénifier. Deuxième débat sur les contenus : faut-il introduire des éléments de connaissance sur les problématiques liées aux notions, des distinctions conceptuelles, des informations voire des cours sur les doctrines philosophiques, les courants, l’histoire de la philosophie ? Certains insistent sur la maîtrise de compétences sur des processus de pensée plus que sur des contenus approfondis. L’association Philolab travaille à un manuel de formation représentant tous les courants.

Voir Nouvelles Pratiques Philosophiques – Formation des professeurs de philosophie

GFEN – Secteur Philosophie du Gfen

Le Groupe Français d’Education Nouvelle (GFEN) est un mouvement pédagogique créé en 1922. Son secteur philosophie, créé en 1989, a organisé depuis des stages qui ont donné lieu sur le terrain à des expérimentations pédagogiques dans l’enseignement philosophique de terminale, publiées dans une série de numéros de Pratiques de la Philosophie, et synthétisées en 2005 dans l’ouvrage Philosopher, tous capables (Chronique sociale), qui postule l’égalité des intelligences : par exemple des situations-problèmes, des « procès » aboutissant à un verdict, des « séminaires » avec une synthèse, des « colloques de philosophes », des formes diversifiées d’écriture philosophique etc. Pour le Gfen, il faut articuler deux dimensions : la prise en compte des opinions des élèves, car c’est leur confrontation qui fait prendre conscience des problèmes ; et des savoirs philosophiques (concepts et thèses)  nécessaires pour philosopher. Et ce dans des démarches actives de collectifs de travail autour de dispositifs comme ceux cités ci-dessus.

 

Groupe d’apprentissage discussionnel philosophique (GADP)

Situation où les élèves sont amenés par le professeur à travailler en groupes, pour discuter philosophiquement entre eux. Elle légitime, devant l’objection doxologique ou sophistique, la possibilité d’apprendre à philosopher en discutant entre pairs, notamment en s’appuyant sur les acquis de l’école néopiagétienne de Genève, et sur le concept de conflit sociocognitif. Elle établit les conditions, par les consignes, les tâches proposées, le rôle éventuel de l’enseignant-intervenant, pour que le groupe soit bien un groupe d’apprentissage, et ne dérive pas en conflit socioaffectif.

 

Histoire de la philosophie

Objet d’étude d’une part pour l’histoire des idées, d’autre part la recherche et l’enseignement philosophiques. Le sens de cette succession de doctrines est diversement interprété par les philosophies de l’histoire de la philosophie (Ex : aventure de l’Esprit chez Hegel, superstructure reflétant les rapports sociaux chez Marx). Son statut dans l’enseignement de la philosophie dépend du paradigme organisateur de celui-ci. Dans la matrice problématisante, elle n’est pas un ensemble de connaissances, un savoir philosophique historique et doctrinal, mais une aide pour poser et traiter des problèmes. Il s’agit non pas d’apprendre des doctrines, mais de les re-penser, de les rencontrer au cœur des interrogations posées ou des solutions recherchées, comme appui pour apprendre à penser par soi-même.

Voir Paradigme organisateur

 

Identité professionnelle du professeur de philosophie 

Celle-ci est traditionnel­lement confondue avec son identité disciplinaire. Un professeur de philosophie se veut généralement d’abord philosophe, et non pédagogue. Mais les difficultés rencontrées, avec la démocratisation de l’accès au lycée, à enseigner cette discipline traditionnellement élitaire à une quasi classe d’âge, notamment dans l’enseignement technique, et plus largement l’évolution du système éducatif et de la profession enseignante, remettent aujourd’hui en question cette identité. Le maître devient aujourd’hui un « professionnel de l’apprentissage du philosopher », un concepteur de dispositifs d’apprentissage autant qu’un prestataire de leçons, un médiateur entre l’apprenti-philosophe et le philosopher, dans un contexte fluctuant : il doit s’appuyer sur des compétences complexes et diversifiées. Il faut analyser les résistances au changement de cette identité, définir les compétences requises et la formation nécessaire pour exercer le métier.

 

Inspection de philosophie

Corps de fonctionnaires hiérarchiquement responsable de la discipline : programmes et examens, concours de recrutement,

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 formation et évaluation des maîtres. Groupe de pression qui défend la discipline vis-à-vis du ministère et de l’opinion publique, et défend une certaine orthodoxie didactique, fondée sur le tryptique de la leçon magistrale, de la dissertation canonique et des textes philosophiques.

Voir Formation des professeurs de philosophie

Interdidactique

Nouveau champ de recherche en didactique, distinct de l’interdisciplinarité. C’est l’espace des transferts possibles de méthodes ou de concepts spécifiques d’une discipline scolaire à une autre, ceux-ci étant à transposer interdidactiquement en fonction de la spécificité de l’épistémologie scolaire de la discipline d’accueil. Nous avons ainsi élaboré le concept interdidactique de « lecture méthodique philosophique ».

Voir Lecture méthodique philosophique

 

Leçon de philosophie

Selon le modèle classique, c’est un exposé en classe du professeur, où celui-ci, à partir de notions et de références, pose et traite à sa façon un problème philosophique. Il est censé être, au même titre que les grands textes à lire, un Maître-à-penser qui, par l’exemplarité d’une pensée qui pense, est un modèle de démarche à suivre. On peut se demander si est encore pertinente la référence à la relation historique Maître-disciple dans un enseignement obligatoire et de masse, particulièrement dans certaines classes ou établissements (car cela peut parfois bien fonctionner en khâgne …). Par contre, la prise de parole impliquée et construite de l’enseignant peut prendre tout son sens :

- dans le cadre de dispositifs d’apprentissage plus que d’enseignement (ex : leçon comme matériau de réflexion individuelle et de débats collectifs ; prise de parole articulée sur une synthèse de travaux préalables …) ;

- comme dispositif intéressant mais non privilégié, qui structure la totalité du cours, car la priorité est donnée, en temps et tâches, aux activités philosophantes des élèves eux-mêmes.

Lecture méthodique philosophique

Concept interdidactique qui emprunte à la didactique du français la conception et les outils de la lecture méthodique, et à la didactique de la philosophie la matrice didactique de la lecture philosophique d’un texte. Ce concept peut être utilisé en philosophie pour repérer, à partir d’indicateurs linguistiques fournis par une lecture méthodique, les processus de pensée à l’œuvre dans un texte philosophique (ex : analyse structurale ou de l’énonciation) ; et en français (ex : TL, BTS etc.), pour repérer, chez un auteur philosophique au programme, les processus de pensée philosophique convoqués dans l’extrait.

Voir Interdidactique – Lire un texte philosophique

Légitimité d’une didactique de l’apprentissage du philosopher

Il faut fonder cette légitimité d’abord globalement, car cette didactique est contestée d’une part, en tant que problématisante, par d’autres paradigmes (Ex : les paradigmes historique ou doctrinal) ; et d’autre part, en tant qu’elle a recours à des disciplines contributoires, par l’argument de l’auto-référence. Il faut ensuite la fonder théoriquement, du point de vue d’une théorie de la connaissance et de l’apprentissage (Le philosopher comme processus de pensée construit par l’élève lui-même) ;  didactiquement (La didactique est la réflexion sur l’étayage scolaire de cette construction personnelle) ; pédagogiquement (par les difficultés de fait dues au changement quantitatif et qualitatif du public scolarisé). Mais aussi éthiquement (postulat d’éducabilité philosophique comme idée régulatrice d’un enseignement philosophique de masse). Et enfin politiquement (finalité socialisante et citoyenne de l’enseignement philosophique ; droit à la philosophie pour tous à exercer réellement).

Ce débat sur la légitimité d’une didactique de l’apprentissage du philosopher est sans cesse à reprendre : sur le paradigme problématisant, sur d’autres variantes possibles du programme ou de l’examen, sur la valeur formatrice de la discussion, sur d’autres écrits que la dissertation ou d’autres situations que la leçon, sur le principe de la différenciation, les niveaux d’exigence ou les critères de l’évaluation etc.

Lire un texte philosophique – Lire philosophiquement un texte

Apprendre à lire un texte philosophique et à lire philosophiquement un texte sont des compétences en didactique de l’apprentissage du philosopher. Un texte philosophique apparait souvent difficile à lire et à comprendre : vocabulaire courant mais pris dans un sens particulier au philosophe (Ex : Dieu chez Spinoza, le visage chez Lévinas…), ou vocabulaire technique spécialisé (Ex : la monade de Leibniz, le solipsisme de Descartes, l’immatérialisme de Berkeley) ; mots en grec ou en allemand (« le dasein » chez Heidegger) ; vieux français de Montaigne ; phrases complexes ; grande abstraction sans référence à du concret ou à un exemple ; allusions à d’autres philosophes dont on ignore la pensée etc. D’où l’importance d’introductions au texte (Contexte historique et philosophique, aspects biographiques, résumé des idées, plan de l’ouvrage), de notes explicatives (sur les mots, les notions, les arguments…) ; de préparation et d’aide à la lecture par des questions facilitant la compréhension. Constituer la classe en « lecteur collectif » confrontant les diverses interprétations d’un texte est ici utile.

La théorie moderne constructiviste de la lecture explique que le sens d’un texte n’est pas, ou pas seulement, dans l’intention de l’auteur, ou comme un trésor caché à découvrir, mais qu’il est d’une certaine façon « construit » par le lecteur. De là l’idée, dans une didactique de la lecture, de formuler certaines hypothèses de compréhension à partir de questions que l’on se pose sur le texte, que l’on pose au texte, dont les réponses sont à vérifier par retour au texte. Nous avons proposé une méthode à partir de questions explicitement posées au texte, dans l’ordre de son choix, ce qui permet un parcours individualisé de lecteur. Lecture philosophique du texte, parce que l’on formule quelle est la question (explicite, le plus souvent implicite) dont traite le texte, pourquoi elle est philosophique, quels sont ses enjeux, quelle est la réponse donnée ou combattue, les arguments avancés, le système de concepts qui permettent d’aborder le problème et d’esquisser des réponses, de s’accrocher éventuellement à un exemple donné etc.

Voir Matrice didactique de la lecture philosophique – Lecture méthodique philosophique – Compétences philosophiques

Littérature de jeunesse et philosophie

Les textes sont des supports utiles pour la réflexion. Particulièrement la littérature, les contes,  les mythes. Une partie de la littérature de jeunesse actuelle a évolué d’histoires transparentes sans épaisseur vers des textes résistants et consistants, qui par leur portée anthropologique, les sujets abordés et la puissance de la métaphore, donnent lieu à des débats interprétatifs, des « conflits d’interprétation » (Ricœur), permettent de formuler les questions fondamentales qu’ils contiennent implicitement, et d’en faire l’objet de discussions à visée philosophique. Il est formateur de s’appuyer sur la littérature pour apprendre à penser, car elle construit un quasi monde qui élargit l’expérience humaine du lecteur, sur laquelle il peut dès lors réfléchir. Le texte est une intéressante médiation pour l’enfant, à la bonne proximité-distance : proche car l’enfant s’identifie aux héros, mais maintenu à distance  puisqu’il s’agit de fiction et non du réel. E. Chirouter  (Thèse Montpellier 3, 2008) a montré tout l’intérêt philosophique de cette littérature comme support réflexif.

Voir Mythes et philosophie

Matrice didactique de la lecture philosophique

Nous appelons ainsi la formalisation schématisée de l’acte de lire philosophiquement un texte, assortie de manière opérationnelle d’un tableau synoptique des questions nécessaires à l’élève pour construire le sens philosophique du texte en s’y impliquant. Cette démarche s’appuie pour le repérage des processus de pensée sur le modèle didactique du philosopher, et emprunte aux théories de la lecture et de la réception (Cf. U. Eco : lire c’est construire du sens, exercer un droit de lecteur …), ainsi qu’aux pratiques de la différenciation (chaque élève peut se construire un itinéraire individualisé de lecture). Ce modèle a été affiné par les apports de la lecture méthodique en français, qui fournit le repérage d’indicateurs linguistiques des processus de pensée.

Voir Lire un texte philosophique – Lecture méthodique philosophique

 

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Métacognition

C’est la reprise réflexive des processus de pensée utilisés, provoquant la prise de conscience de leur effectuation, avec souvent des effets de régulation et de transfert. Cette réflexivité de la pensée qui se pense elle-même est une activité philosophique, et pas seulement psychologique, essentielle au penser par soi-même, où la pensée s’accompagne elle-même dans son effort de réflexion. D’où l’intérêt de proposer des phases métacognitives fréquentes pendant et après l’exercice des compétences philosophiques (Ex : retour réflexif sur un exercice de lecture ou d’écriture, réflexion sur la façon dont s’est intellectuellement déroulé un débat).

Modèle didactique du philosopher

Un modèle est une représen­tation qui, par compréhension/description/explication, essaye de rendre intelligible le réel, et peut éventuellement permettre d’éclairer l’action. Tel est le but d’un modèle didactique du philosopher : il résulte, en l’absence d’accord philosophique sur l’objet d’enseignement en philosophie, de la détermination empirique par les praticiens d’un objet d’apprentissage, le philosopher, et vise à démêler, dans son exercice, les compétences attendues des élèves. D’où cette articulation de trois processus de pensée distincts, spécifiques à la discipline, mais étroitement liés dans le mouvement et l’unité d’une réflexion impliquée dans un rapport à la vérité : conceptualiser une notion (intentionnalité : définir) ; problématiser une affirmation ou une question (intentionnalité : questionner) ; argumenter une thèse ou une objection (intentionnalité : fonder-déconstruire). La métaphore triangulaire, commode parce qu’elle relie chacun des sommets aux deux autres, réduit par sa spatialité le mouvement de la pensée. Il faut donc affiner cette modélisation dans une perspective plus systémique et dynamique.

Voir Apprentissage du philosopher – Paradigme organisateur de l’enseignement philosophique

Mythe et philosophie

Amener des enfants ou adolescents à réfléchir à partir du mythe, c’est leur faire symboliquement et pédagogiquement parcourir le cheminement de la philosophie grecque, qui mène du mutos au logos, d’un narratif sacré transcendant à une raison philosophique immanente. Une reprise conceptuelle du mythe par une discussion à visée philosophique permet en effet de puiser dans sa polysémie de quoi alimenter l’échange sur son interprétation rationnelle, et de se poser philosophiquement les questions de la condition humaine qu’il traite narrativement à sa façon. C’est un jeu gagnant-gagnant, car on s’imprègne du pouvoir métaphorique de sa compréhension du monde, qui vaut en soi son pesant de profondeur, pour le traduire dans une autre langue, celle de la raison interprétative, qui en explicite rationnellement le sens, mais ne referme pas cette richesse dès lors qu’elle est dialogue, « conflit des interprétations » (P. Ricoeur). C’est pourquoi le mythe est formateur pour enclencher une discussion à visée philosophique. Car l’on recueille ainsi par son intermédiaire la richesse connotative de l’image ; mais l’on essaye aussi de concentrer cette dispersion potentielle en un message plus explicite ; tout en évitant cependant la clôture et la froideur du concept aride et réducteur par la pluralité des interprétations et le dialogisme de la discussion autour des questions fondamentales qu’il pose, en tentant d’y répondre.

Voir Littérature de jeunesse et philosophie

Notion – Etude d’une notion, d’un concept

Mots à connotation philosophique, parce qu’ils soulèvent des problèmes fondamentaux pour l’homme, et fournissent, avec une liste d’auteurs, la base du programme de philosophie. Le  contenu conceptuel d’une notion (ex : liberté) est indéterminé, et prend un sens précis pour l’élève au cours d’une démarche de conceptualisation. On pense avec sa langue, c’est-à-dire avec des mots. Les mots de l’expérience humaine (amitié, amour, violence, vérité…) sont des idées générales et abstraites, c’est-à-dire des notions,  par lesquelles nous essayons de dire le réel, de comprendre le monde. On pose en philosophie des questions à partir de ces notions (ex : « L’amour est-il une illusion ? »). La philosophie tente de définir ces notions pour savoir de quoi l’on parle, pour leur donner un sens, un contenu précis, pour les conceptualiser, en référence à d’autres notions avec lesquelles elles forment un réseau (Ex : vérité s’oppose épistémologiquement à erreur et éthiquement à mensonge). L’étude des notions est donc fondamentale, car elles posent en elles-mêmes des problèmes (Ex : la vérité peut-elle être objective ou est-elle toujours subjective ?), permettent d’en poser (Ex : faut-il toujours dire la vérité ?), parfois d’en résoudre (Ex : on répondra différemment à la question de la connaissance si on l’aborde par l’intuition ou le raisonnement). Les philosophes, qui créent selon G. Deleuze des concepts, ne donnent souvent pas le même sens à une notion donnée (Ex : l’idée chez Platon, Aristote, Descartes, Hume ou Hegel). Pour les comprendre, il faut savoir le sens précis qu’ils leur donnent, surtout quand elles prennent la forme du langage courant, dont on croit spontanément connaitre le sens (Ex : le mot « idée »).

Voir Approches d’un concept – Conceptualiser philosophiquement

Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP)

On entend par NPP des pratiques dont les champs, les lieux (classe, café, restaurant, prison, hôpital, maison de retraite, médiathèque, foyer de jeunes travailleurs, université populaire etc.), les publics (enfants, adolescents, jeunes, adultes, salariés, retraités etc.) sont variés, mais qui ont toutes comme point commun une visée philosophique. On parle de « pratiques », car elles engagent des personnes (enseignants, animateurs, consultants etc.) qui aident concrètement, par des démarches, des processus et procédures, des individus et des groupes à philosopher. On les dit aussi « nouvelles » car, même si certaines s’inscrivent dans une filiation (ex : le banquet philo avec Platon, la rando philo avec les péripatéticiens etc.), la forme utilisée est renouvelée, voire inédite dans l’histoire de la philosophie (ex : le ciné philo, la BD philo, la consultation philosophique en entreprise etc.). Les NPP ont leur colloque annuel en France depuis 2001, soutenu par l’Unesco depuis 2006, et une revue qui les diffuse depuis 1999, Diotime. On trouvera un large panorama des NPP dans l’ouvrage de M. Tozzi Nouvelles pratiques philosophiques à l’école et dans la citéRépondre à une demande sociale et scolaire de philosophie (Chronique sociale, 2005).

Voir Discussion à visée philosophique – Communauté de recherche philosophique – Café philo –Banquet philo – Ciné philo – BD philo – Rando philo – Consultation philosophique – Philosophie en entreprise  

Objectifs-noyaux en philosophie

Objets de l’apprentissage du philo­sopher. Compromis didactique entre le noyau de la discipline, sa substantifique moelle, son « essence », l’acte du philosopher, et ce qui en est accessible aux élèves de terminale en tant qu’apprentis-philosophes. Ce compromis entre ce que l’on doit enseigner et ce qui peut être appris s’exprime par la détermination de compétences philosophiques, qui sont les objectifs d’enseignement d’un apprentissage du philosopher.

Voir Approche par objectifs – Compétences

 

Objectifs-obstacles

L’apprentissage du philosopher présente des difficultés pour les élèves. Par exemple les préjugés face à la recherche de vérité (surmontables par le doute, nom philosophique du conflit cognitif) ; la non‑

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implication personnelle dans des exercices scolaires (dépassée par la prise de conscience des enjeux existentiels des problèmes posés) ; le débat passionnel (maîtrisé par la rationalité des attitudes et des arguments) etc. Le repérage de ces difficultés permet de construire des dispositifs didactiques (dites « situations-problèmes », de problema = difficulté) comprenant ces obstacles, pour qu’il y ait apprentissage, et fournissant éventuellement des aides, pour qu’il y ait franchissement. L’obstacle devient ainsi objectif dans la situation d’apprentissage.

 

Oral philosophique

Utilisation de l’un des deux codes de la langue naturelle pour s’exprimer philosophiquement. Ex : un exposé, lorsqu’il est dit, et non lu (sinon c’est de l’écrit oralisé), une question ou une objection faite au professeur, la participation à une discussion philosophique en classe etc. L’oral est institutionnellement considéré, par opposition à l’écrit, comme une forme secondaire, plus légère dans son éphémère, voire dangereuse dans sa spontanéité, d’expression philosophique de la pensée, tant dans les exercices pratiqués en classe (où prédominent leçons, textes et dissertations), que comme modalité d’évaluation. Or il y a une légitimité de l’oral dans l’apprentissage du philosopher, par exemple dans une discussion aux exigences intellectuelles, conditions auxquelles l’expression orale d’une pensée est ou peut devenir philosophique.

Voir Discussion à visée philosophique – DVP et maîtrise orale de la alngue – Communauté de recherche philosophique

Paradigme organisateur de l’enseignement philosophique

Il y a plusieurs manières d’enseigner la philosophie dans le monde (voir l’ouvrage de l’Unesco qui fait le point sur la question, La philosophie, une école de la liberté, 2007). Parfois la philosophie est explicitement mentionnée dans les programmes, parfois on contestera qu’il s’agisse vraiment de philosophie (quand elle est par exemple identifiée à une idéologie officielle), parfois on parle d’éthique etc. Un paradigme organisateur (Michel Develay parle aussi de « matrice disciplinaire »), est la façon dont une discipline scolaire est organisée dans un système éducatif donné. En France par exemple, il n’y avait jusqu’ici de philosophie qu’en terminale, le programme consiste en notions, non en problèmes, en liste de philosophes, non d’œuvres, en épreuves spécifiques (dissertation, explication de textes). Il repose sur le cours du maître et l’étude d’œuvres comme exemples de pensée, et la dissertation comme méthode d’apprentissage. C’est très différent ailleurs (ex : on commence en seconde en Italie, on demande un essai argumentatif au Québec, ce peut être une discussion orale à Fribourg en Suisse etc.).

On peut distinguer notamment un paradigme doctrinal, plutôt dogmatique, qui enseigne une doctrine officielle jugée la bonne (ex : le marxisme-léninisme sous Staline, le thomisme sous Franco) ; un paradigme historique, plutôt relativiste, qui enseigne chronologiquement l’histoire patrimoniale de la philosophie et des idées (Italie) ; un paradigme problématisant, qui s’intéresse avant tout à l’échange des apprentis-philosophes à partir de questions qu’ils soulèvent (ex : la philosophie pour enfants de M. Lipman, sans aucune allusion explicite aux philosophes) ; un paradigme praxéologique, d’orientation éthique, qui développe le jugement moral exercé sur des situations concrètes, en clarifiant et hiérarchisant les valeurs en jeu (ex : le cours de morale laïque en Belgique francophone). Chaque paradigme présente des avantages et des limites, et il y a souvent combinaison : en France par exemple, il s’agit d’apprendre à philosopher en problématisant, tout en s’appuyant sur une culture philosophique.

Voir Modèle didactique du philosopher – Didactique de la philosophie – Didactique de l’apprentissage du philosopher

 

Pédagogie coopérative et Discussion à visée philosophique

Il y a des pratiques à visée philosophique qui ne privilégient pas la discussion, comme dans les ateliers philosophiques de l’Agsas formalisés par J. Lévine, ou ceux de l’Institut de Pratiques Philosophiques initiés par O. Brénifier. Ce n’est pas le cas selon la méthode de M. Lipman en communauté de recherche, ou celle de M. Tozzi, inspirée par la pédagogie coopérative. Ce dernier a formalisé un nouveau genre scolaire, la « discussion à visée démocratique et philosophique » (DVDP). La discussion à visée philosophique se déroule ici dans un cadre démocratique structuré : d’une part par des fonctions différentes attribuées à des élèves volontaires (Président de séance qui donne la parole, reformulateur à l’écoute qui redit ce qu’il a compris d’une intervention, synthétiseur qui prend des notes et renvoie au groupe son travail intellectuel, discutant faisant avancer le débat, observateur de ces fonctions et des processus de pensée à l’œuvre dans le groupe etc.) ; d’autre part par des règles de circulation de la parole (lever le doigt, intervention dans l’ordre d’inscription, priorité de parole aux moins-disants, perche tendue aux muets…). S. Connac, membre de l’Icem-Freinet, a théorisé dans sa thèse l’apport important d’un cadre de discussion démocratique facilitant les habitus de discussion pour réfléchir dans l’ordre et sereinement, et centrer le travail sur les échanges sociocognitifs. La DVDP serait selon lui une nouvelle « institution » dans la pédagogie coopérative, au même titre que le conseil, le « Quoi de neuf ? », les métiers ou les ceintures.

Voir Discussion à visée philosophique (DVP) – Discussion à Visée Philosophique, démocratie et éducation à une citoyenneté réflexive (DVDP)

Philosopher

Le terme est curieusement peu défini dans les dictionnaires de philosophie, contrairement à ce dernier. Comme si on peinait à caractériser ce mouvement de la pensée, aujourd’hui distinct de la science, qui cherche à comprendre le monde et s’y orienter. Ou alors on cite tel philosophe : par exemple, c’est « exercer le talent de la raison dans l’application de ses principes généraux à certaines tentatives qui se présentent » (Kant). C’est cependant central dans une perspective didactique qui vise à apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes, une didactique de « l’apprentissage du philosopher ». Car il faut préciser ce qu’on leur demande, s’en faire une représentation en tant qu’enseignant ou élève, pour que cela soit un objectif pédagogique à enseigner pour un professeur et à apprendre pour un élève, et que ce processus d’acquisition puisse être évalué (On est à l‘école, et il s’agit explicitement d’apprendre et de déterminer si c’est appris). Remarquons qu’en parlant de mouvement ou processus de pensée, nous sommes sur le versant « pensée rationnelle » plus que « attitude raisonnable », alors que la sagesse antique articulait étroitement penser et agir. Nous proposons dans nos recherches la définition didactique suivante du philosopher : « Démarche rationnelle consistant à tenter de penser le monde et le rapport de l’homme au monde, à autrui et à lui-même, dans une recherche de sens et une visée de vérité, en articulant, dans le mouvement et l’unité d’une pensée habitée, des processus : 

- de problématisation d’affirmations (les rendre problématiques par le doute) ou de questions (les formuler clairement, déterminer leurs enjeux), de questionnement de leurs présupposés et conséquences ;

- de conceptualisation de notions (les définir, leur donner un contenu conceptuel à l’intérieur d’un réseau notionnel qui les analyse, les rapproche et les distingue) ;

- d’argumentation de thèses et d’objections dans l’examen de ces questions et notions ».

La didactique consiste alors à proposer des situations et des tâches (ex : de lecture, d’écriture, de discussion etc.) qui permettent d’apprendre à philosopher, d’acquérir ces processus de pensée pour comprendre le réel et s’y orienter. Cette définition se situe dans une certaine tradition rationaliste occidentale, elle a été élaborée empiriquement avec des professeurs de philosophie de terminale, dans le contexte français de préparation au baccalauréat : elle a donc ses présupposés culturels, et peut être interrogée et discutée en tant que telle…

Voir Philosophie

Philosophie

La philosophie est l’un des grands champs de la culture humaine, avec la science, la technique, l’art, la religion, qui chacune à leur manière élabore des questions et tentent  de formuler des réponses aux énigmes humaines. En Occident, cette forme philosophique est repérable comme le passage du mythe à une explication des choses plus rationnelle (le logos). Elle a son histoire depuis plus de vingt-cinq siècles, qui se sépare peu à peu de la science, avec de grandes figures, les philosophes, qui ont marqué très différemment la façon de poser et de tenter de résoudre certains de ces problèmes.

Les pratiques philosophiques dans la cité et à l’école, dont l’une des missions est de proposer ces façons culturelles de penser, ont pour objectif de mettre et remettre sur le métier ces questions, de façon à ce que chacun puisse se situer par rapport à sa condition d’humain dans sa pensée et dans sa vie. La didactique de la philosophie va donc réfléchir à la façon, notamment dans le cadre scolaire, sous la forme enseignement-apprentissage – mais ce peut être dans une perspective d’éducation populaire-, de s’approprier ce type de démarche, qui tente de poser et de tenter de répondre rationnellement à ces questions.

Voir Philosopher

Philosophie (ou Philosopher) avec les enfants : réflexion sur l’expression

Historiquement, avec son fondateur M. Lipman, on parle de Philosophy for children (On utilise dans les réseaux concernés l’abréviation P4C). Traduction en français « philosophie pour enfants ». Or cette expression est ambigüe, et l’on préfère dire en France « philosophie (ou mieux philosopher) avec les enfants » : avec, pour ne pas laisser penser qu’il y aurait une philosophie pour les enfants et une pour les adultes, car l’intention réflexive est commune. De plus le mot child en anglais renvoie pour Lipman à des « enfants » de 6 à 18 ans, alors qu’en français on oppose enfant à adolescent ou adulte, le mot renvoyant plutôt à l’école primaire. Lorsqu’on entend « philosophie avec les enfants », il faut donc garder à l’esprit qu’il s’agit de toute la scolarité, de la maternelle à la fin du secondaire. Enfin utiliser le mot child et non pupil (élève) est significatif : on s’adresse à l’enfant au-delà de son statut d’élève, comme personne capable de réflexion en tant que petit d’« homme », à sa condition humaine, plus large et plus fondamentale que sa place d’élève dans une institution éducative.

Voir Philosophie pour – ou avec les – enfants (Philosophy For Children, ou P4C) – Courants des Nouvelles Pratiques Philosophiques à l’école

 

Philosophie pour – ou avec les – enfants (Philosophy For Children, ou P4C)

Le développement de la philosophie avec des enfants dès l’école primaire est une pratique très récente dans l’histoire de la philosophie et des systèmes éducatifs. Certains philosophes avaient certes évoqué l’idée : Platon dialogue dans le Lysis à la palestre avec des adolescents ;  Epicure dans sa Lettre à Ménécée dit qu’ « il n’est jamais assez tôt pour philosopher », et Montaigne au chapitre 26 de ses Essais précise : « Dès la nourrice ») ; Jaspers s’étonne de la profondeur des questions des enfants, et Groethuysen pense que la métaphysique n’est que la réponse à leurs questions etc. Mais l’on n’était guère passé à l’acte.

On peut situer son irruption effective dans les années 1970 (Parution d’un premier roman philosophique : The discovery of Aristotle Meyer), avec la mise au point par un philosophe universitaire, Matthew Lipman, d’une méthode, la pratique de discussion en communauté de  recherche (CRP) suivie d’exercices, avec des supports appropriés (une série de sept romans ad hoc, et des livres du maître pour chacun des romans. Précisons que le mot enfant, chez Lipman, va de la classe maternelle à la terminale, de 4-5 à 18 ans…). Cette méthode s’est depuis largement développée dans le monde, à partir de formations développées sur place à l’IAPC (Un institut de développement de la philosophie pour enfants créé par Lipman et son équipe, notamment M. Sharp), près de New-York, ou dans différents pays, avec des reprises, des adaptations ou un renouvellement du matériel. Ce n’est que tardivement (vers 1998), après un essai infructueux d’introduction vers 1985, que cette méthode fut testée en France, dans les IUFM de Caen (avec M. Bailleul) et de Clermont-Ferrand (avec E. Auriac). La tradition française de l’enseignement philosophique, qui avait volontairement cantonnée la philosophie en fin de cursus du secondaire, s’opposait à cette idée, qui soulève encore beaucoup de réticences. Mais cette imprégnation de la philosophie en France allait permettre de développer, à l’occasion de cette innovation, des pratiques très diversifiées, différentes de la méthode lipmanienne.

Voir Philosophie (ou Philosopher) avec les enfants : réflexion sur l’expression

Philosophie et élèves en difficulté scolaire

La philosophie apparait comme une discipline difficile d’accès, par son abstraction, ses textes, la complexité des problèmes qu’elle aborde. Et pourtant, outre l’école élémentaire où les enfants sont jeunes, c’est paradoxalement dans les ZEP, les zones sensibles et les Segpa de collège que les nouvelles pratiques philosophiques ont été bien accueillies. Et l’expérimentation en lycée professionnel, demandée par les élèves eux-mêmes, présente un bilan positif. Il y a donc un attrait des élèves pour la réflexion philosophique : les questions abordées, souvent existentielles, amenées par les élèves eux-mêmes, la prise en compte de la parole de ceux qui s’expriment et l’effort pour la donner à tous, la forme orale et discussionnelle répandue, le non jugement, la relative « déscolarisation » de ces pratiques n’y sont pas pour rien, créant de la sécurité, rétablissant l’estime de soi et la confiance dans son pouvoir de penser.

Voir Violence et atelier philosophique – Segpa – Philosophie au lycée professionnel

Philosophie en maternelle

Tenter de faire réfléchir de jeunes enfants de maternelle semble une gageure. Pourtant c’est ce pari qu’ont tenté et gagné A. Pautard dès 1996 (Atelier Agsas) et A. Delsol par la suite (avec une pédagogie coopérative). Les enfants ne savent pas encore lire et écrire. D’où l’intérêt de leur lire des histoires fortes pour les faire discuter sur ce qu’elles nous disent de l’homme, de les faire verbaliser sur leurs dessins (« Dessine-moi le bonheur »), de proposer à leur réflexion des images contrastées ou des BD (Exemple : le matériel de Pomme d’Api chez Bayard, avec les fiches pour les maîtres de J.-C. Pettier, ou la série des Piccolophilo de M. Piquemal chez A. Michel). La médiation du langage, à partir de supports appropriés pour exprimer une pensée, fait émerger une pensée réflexive. Dans le film Ce n’est qu’un début, tourné pendant deux ans en moyenne et grande section, on voit ainsi P. Dogliani faire exprimer de manière pertinente les enfants d’une classe de ZEP sur grandir, l’intelligence, l’amitié, l’amour, la mort etc.

Voir Courants des Nouvelles Pratiques Philosophiques à l’école

Philosophie à l’école primaire

C’est à l’école primaire que la philosophie avec les enfants s’est le plus développée en France. On peut se demander pourquoi, et repérer un faisceau convergent de facteurs favorables. La forme de la discussion existait déjà dans les méthodes actives de l’Education nouvelle, favorisant un infléchissement vers une discussion plus réflexive ; la culture du 1er degré sait percevoir l’enfant derrière l’élève, davantage qu’au second degré, plus disciplinaire ; certains innovateurs sur le terrain avaient un diplôme en philosophie ; des missions fondamentales de l’institution rejoignaient ces pratiques : apprentissage de la langue et éducation à la citoyenneté notamment, ce qui a favorisé sa prise en compte par une partie de la hiérarchie, et certains formateurs (dont quelques-uns enseignent la philosophie en Iufm) ; les programmes de 2002 et 2005 mettaient l’accent sur la littérature de jeunesse, bon support réflexif à partir d’un débat interprétatif, et instauraient une demi-heure hebdomadaire de « débat réglé », qui donnaient un cadre propice à ces pratiques ; une partie de la littérature de jeunesse récente a accentué la portée anthropologique des récits ; les enfants ont été séduits par cette activité, sur des sujets qui les concernent et où ils peuvent dire leur point de vue ; les instituteurs ont été agréablement surpris par leurs tentatives ; tout un matériel didactique a été élaboré par des éditeurs intéressés (Milan, A. Michel, Bayard…) ; etc.

Voir Courants des Nouvelles Pratiques Philosophiques à l’école

Philosophie au collège

Ces pratiques se sont moins développées au collège (sauf dans les Segpa), où l’identité professionnelle est plus disciplinaire, les programmes plus contraignants, le temps plus restreint par discipline. On observe cependant un certain nombre de tentatives : ateliers philo au CDI, ou dans le cadre de la vie scolaire, ou dans l’heure de vie scolaire, parfois dans la perspective du projet d’établissement ; ou bien dans le cadre de certaines disciplines : le français, quand on cherche à travailler la réflexivité (Ex : avec les textes fondateurs en 6ième, ou certaines œuvres, ou avec l’argumentation comme compétence à développer) ; l’éducation civique, où les programmes se prêtent à une orientation philosophique et pas seulement historique, l’histoire etc.…

Voir Segpa

 

Philosophie en Segpa

Les Segpa regroupent de la 6ième à la 3ième les élèves du collège en difficulté scolaire. C’est un lieu où se sont développées ces pratiques. Pourquoi ? En raison de la convergence d’éléments favorables : la culture des enfants et adolescents des instituteurs spécialisés dans ces sections, avec souvent des  pédagogies actives ; des programmes moins contraignants ; des élèves dont la sensibilité aux problèmes existentiels est grande, à cause d’un rapport à l’école, et plus généralement à leur environnement, problématique ; le caractère essentiellement oral de l’activité, où ils ne sont plus pénalisés par l’écrit ; l’absence de jugement dans l’animation, qui crée une confiance sécurisante etc.

Voir Philosophie et élèves en difficulté scolaire

 

Philosophie au lycée professionnel (LP)

Le baccalauréat professionnel est le seul à ne pas avoir la philosophie à son programme. Suite à la consultation des lycées pilotée par P. Meirieu, certains lycéens on fait remonter la demande d’une telle discipline. Une expérimentation officielle, coordonnée par l’Inspection de philosophie, s’est mise en place dans certaines académies pendant une dizaine d’années, avec des professeurs de philosophie volontaires. Les rapports montrent que cette activité a été jugée très positivement tant par les élèves que les professeurs, alors que pour les premiers cela alourdissait un emploi du temps déjà chargé. Le problème de la généralisation de l’expérimentation est posé, car il serait équitable que tous les bacheliers aient à égalité cette opportunité de réfléchir. Mais il y a des réticences dans la profession, parce que les élèves de LP ne sont pas toujours faciles, les enseignants ne sont pas formés, et craignent une aggravation de leurs conditions de travail. L’intérêt de cette expérience est d’avoir montré que c’est possible et motivant ; elle a aussi permis, à cause de la particularité de l’enseignement professionnel et de ses élèves, des innovations pédagogiques, par exemple l’importance d’activités orales pour réfléchir en commun…

Voir Discussion à Visée Philosophique (DVP) – Philosophie et élèves en difficulté scolaire

Philosophie en seconde et première

Le lycée est le lieu de l’enseignement de la philosophie, mais celui-ci se cantonnait jusqu’il y a peu en terminale. Il y a eu cependant depuis plusieurs années des expériences de philosophie avant la classe terminale : dans le cadre interdisciplinaire des travaux personnels encadrés (TPE), ou de l’éducation civique, juridique et sociale (ECJS). Mais aussi en première, sous la forme d’initiation à la discipline, surtout dans les séries littéraires, dans le cadre de projets d’établissement et de sa dotation horaire globale. Ces dernières expériences ont permis une certaine innovation, d’autant qu’il n’y avait pas le poids que l’examen fait peser sur les enseignants et les élèves en terminale, qui pilote en amont l’enseignement donné.

L’élément nouveau depuis la rentrée 2011 est la possibilité (et non l’obligation) de commencer sur projet des pratiques à partir de la seconde, notamment interdisciplinaires. S’il ne s’agit pas d’un enseignement spécifique de la discipline (comme en Italie par exemple), ce décloisonnement amène de nouvelles pratiques, qui pourront peut-être, à terme, permettre un certain renouvellement pédagogique de la discipline.

Voir Travaux personnels encadrés (TPE) – Education civique, juridique et sociale (ECJS)

Philosophie en terminale

L’enseignement de la philosophie au lycée, comme l’a bien montré l’Acireph dans son manifeste de 1998, est en crise depuis la massification de l’enseignement secondaire, particulièrement dans les séries technologiques où sont concentrés les « nouveaux lycéens » (F. Dubet nomme ainsi ceux qui ne parvenaient pas jadis en lycée général et technologique).  Son modèle, très ancien (issu du lycée napoléonien), a été conçu pour des élèves socialement sélectionnés, qui suivaient sans problème majeur des cours magistraux. La série littéraire, avec 8 heures de philosophie par semaine, ne représente plus que 10% des lycéens, avec une majorité de filles (indice culturel d’une dévalorisation de la série). Or face à cette massification, il n’y a guère eu d’aggiornamento pédagogique pour prendre en compte cet élargissement à un enseignement philosophique de masse. Le corps enseignant reste d’ailleurs globalement « antipédagogiste », l’identité disciplinaire de « philosophe » l’emportant dans la culture commune du corps sur celle de professeur-pédagogue. C’est le modèle du trépied de la « leçon » du maître (souvent subie, pas toujours abordable), du commentaire des grands textes (difficiles pour beaucoup d’élèves) et de la dissertation au baccalauréat, aux exigences très élevées, qui doit être aujourd’hui globalement repensé, avec des programmes plus déterminés et des méthodes plus actives. Une association, l’Acireph, un mouvement pédagogique, le Gfen, et les travaux en sciences de l’éducation (ex : M. Tozzi) proposent des pistes de rénovation.

Pour celles-ci voir : Discussion à Visée Philosophique (DVP) – Lire un texte philosophique – Ecrire un texte philosophique – Acireph – Gfen

Philosophie en entreprise

Quoi de plus paradoxal à première vue que de rapprocher la philosophie, monde de la « patience du concept » (Hegel), de la réflexivité, d’une certaine gratuité de l’activité culturelle, et l’entreprise, monde de l’efficacité, de la performance, de la rapidité, de la rentabilité ? Et pourtant, certaines entreprises (il faut prendre le mot au sens large, car il y a celles de l’économie solidaire, du secteur social, celles à structure associative etc.) recourent de plus en plus à des philosophes, pour des conférences, des formations, voire des consultations (Ex : Adidas, Nestlé). Un courant de réflexion existe sur « management et philosophie », et il existe des formations universitaires en consultation d’entreprise (A Rome, Venise, à l’Institut catholique de Paris). Des philosophes se spécialisent dans ce type d’intervention, comme E. Végléris (La consultation philosophique, Eyrolles, 2010), ou le philosophe du travail B. Benattar. Donnons comme exemple de chantiers possibles : l’élaboration de chartes éthiques (Il existe des chaires d’éthique dans les écoles de commerce) ; la question de la responsabilité sociale et environnementale ; celle des relations humaines. Certaines entreprises vont jusqu’à revendiquer une « philosophie » (Ex : Europart, ou Stageline qui se veut « entreprise verte »). M. Canto-Sperber pose la question philosophique fondamentale : « Peut-il y avoir une philosophie de l’entreprise ? ».  

Voir Consultation philosophique

Philosophie et soin – Philothérapie

Pour Pierre Hadot, la philosophie antique se définirait, plus que par la construction de systèmes explicatifs, essentiellement comme mode de vie, avec des « exercices spirituels »  permettant de cultiver son âme. Il s’agirait de prendre soin de soi, de rechercher le bonheur comme « santé de l’âme ». Certains avancent aujourd’hui le concept de « philothérapie » pour signifier l’action à la fois préventive et curative de certaines pratiques philosophiques. Il y aurait une façon philosophique, et pas seulement psychologique, de « traiter » l’existentiel, non directement (on reste dans le « care », prendre soin, sans être dans le « cure », soigner), mais de surcroît, par les effets constatés. La « traversée de l’affect vers le concept » affecterait le sujet, en produisant en lui et avec les autres de la pacification, voire de la résilience. C’est pourquoi peut-être ces pratiques se sont développées avec les élèves en difficulté dans les Segpa des collèges, mais aussi dans les Instituts Médico-Pédagogiques (IMP), les Instituts Médico-Professionnels (IMPro), les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP), les Instituts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques (ITEP), où elles intéressent des enseignants, des psychiatres, des psychologues. Dans le secteur social, certains éducateurs y voient une contribution à la prévention et au traitement de la violence.

Philosophie de l’Unesco

L’organisation de l’Onu pour l’Education et la Culture (l’Unesco) a une philosophie explicite, selon laquelle le développement anthropologique dans l’espèce humaine de la Culture, la prise en compte de la diversité ethnosociologique des cultures et les échanges respectueux entre les cultures sous leurs différentes formes (intellectuelles, religieuses, artistiques, scientifiques, philosophiques etc.) peuvent être un puissant facteur de dialogue, de richesse et de paix entre les peuples. D’où son engagement notamment pour le développement de la philosophie dans le monde : introduction là où elle est absente, étayage et extension là où elle existe, de manière formelle (les systèmes éducatifs) ou informelle, dans la cité (voir sur son site le livre La philosophie, une école de la liberté, paru en 2007). C’est pourquoi elle met l’accent ces dernières années sur le développement de la philosophie avec les enfants, et encourage plus généralement les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) à l’école et dans la cité (Cf. son soutien aux colloques annuels sur les NPP qui se tiennent dans ses locaux depuis 2006).

Postulat d’éducabilité philosophique

On a cru, et beaucoup croient encore, que les enfants sont incapables de réfléchir, parce qu’ils sont trop jeunes, avec un développement cognitif immature, un langage trop rudimentaire et un nombre insuffisant de connaissances, d’expériences et de lectures pour l’élaboration d’une pensée. On ne faisait donc rien pour les accompagner dans cette voie, confirmant les théories de la self prophecy (de l’autoréalisation) : puisqu’ils n’en sont pas capables, je n’essaie même pas, ce qui confirme bien ce que je pensais puisque rien ne se passe ! Il en est différemment lorsque l’on postule l’« éducabilité philosophique de l’enfance », c’est-­à­-dire la potentialité d’un éveil réflexif dès le plus jeune âge. Ouvrant par exemple un espace collectif pour la parole et la pensée, on s’aperçoit concrètement que les enfants l’investissent de leurs questions et se mettent en recherche quand ils sont accompagnés. Y croire (C’est le postulat d’éducabilité philosophique) permet que cela se produise : les chercheurs appellent cela un effet Pygmalion, parce que l’on met en place certaines conditions de possibilité délaissées jusque-là à cause de préjugés…

Praticien philosophe

Expression nouvelle, qui se démarque volontairement de la figure classique de l’enseignant ou de l’universitaire, du professionnel de la philosophie instituée reconnu compétent par des concours, et payé en conséquence (« Socrate fonctionnaire » disait Chatelet). Elle invoque souvent Socrate, qui n’a rien écrit et dialoguait avec les gens dans les rues d’Athènes, c’est-à dire pratiquait une philosophie non institutionnelle, hors système, sans prérequis ni examen, dans la cité, de contact, bref populaire. L’expression recouvre des activités philosophiques diverses dans le champ des NPP, encore non stabilisées, qui se cherchent parfois un débouché professionnel, comme animateur philosophique ou consultant philosophique. On parle parfois en entreprise de « philosophe du travail » (B. Benattar).

Voir Philosophie en entreprise – Consultation philosophique

Pratiques sociales de référence

C’est un concept didactique élaboré J.-L. Martinand en technologie, qui montre comment,  dans le processus de didactisation scolaire, les disciplines se sont appuyées sur des pratiques sociales extérieures à l’école, comme par exemple le rugby en E.P.S. Cet usage est peu répandu en philosophie, les philosophes étant pour la plupart des professeurs (Les cafés philosophiques sont souvent contestés dans leur appellation). On ne peut donc guère compter sur des pratiques sociales de référence pour didactiser le philosopher. D’où le repli fréquent sur l’auto-référence (renvoi aux modèles du philosopher des grands auteurs, reprise et auto-perpétuation du type d’enseignement que l’on a soi-même reçu). On peut essayer d’analyser de nouvelles pratiques de référence (ex : discussions réelles entre professeurs de philosophie, par opposition à la succession de monologues d’une table ronde, cafés philosophiques etc.), et de didactiser certaines pratiques du philosopher peu institutionnalisées (ex : la discussion philosophique en classe, d’autres formes d’écriture que la dissertation …).

Voir Café philo

Processus développemental d’une pensée critique dialogique (article de M.-F. Daniel)

Dans une visée de stimulation du philosopher à l’école, en lien avec les objectifs de l’Unesco, de plus en plus de chercheurs et de praticiens se tournent vers le développement de compétences associées à une pensée critique.  Le modèle du processus développemental d’une pensée critique dialogique définit le processus d’apprentissage d’une pensée critique chez les élèves; il peut servir de grille pour analyser les compétences de ces derniers. Ce modèle met en lumière quatre modes de pensée : logique, créatif, responsable et métacognitif, qui se mobilisent au moment de la réflexion philosophique. La pensée logique réfère à la logique informelle appliquée, qui sous-tend la cohérence et la convergence dans le discours.  La pensée créative se définit par une recherche de sens ; elle aboutit dans le questionnement critique, qui contribue à créer un doute ou une interruption dans les certitudes.  La définition de la pensée responsable relie les plans cognitif (explication, évaluation…) et affectif (empathie, sensibilité aux autres…). La pensée métacognitive réfère à une réflexion sur une tâche complexe, un point de vue, une pensée, etc. ; elle est susceptible de conduire à une auto-correction.

Chacun des quatre modes de pensée se mobilise de manière dynamique dans le discours des élèves. La mobilisation s’opérationnalise par le biais de six perspectives épistémologiques, lesquelles réfèrent aux représentations – des plus simples aux plus complexes – que les individus se font du monde. L’égocentrisme est la perspective caractérisée par la certitude des représentations, la centration sur le particulier et le concret, une représentation du monde dualiste et peu réfléchie qui ne se laisse pas influencer par les points de vue des autres. Le post-égocentrisme est également une perspective caractérisée par le concret et la centration, mais il sous-tend une légère décentration des représentations qui réfèrent désormais à l’expérience spécifique de l’entourage immédiat des élèves (la famille) ; les énoncés sont des unités simples (versus des relations). Dans le pré-relativisme, les représentations commencent à se complexifier; les points de vue sous-tendent un début de généralisation, mais demeurent ancrés dans l’environnement familier (les pairs) ; les points de vue demeurent non justifiés ou avec une intention non réussie de justification (justification circulaire, implicite, fausse).  Dans le relativisme, les énoncés sous-tendent un début de généralisation et présentent une justification concrète et/ou incomplète, mais articulée de manière explicite ; les énoncés supposent des relations simples (et non plus des unités) entre les points de vue et les contextes. Le post-relativisme/pré-intersubjectivité, tel qu’il a émergé des analyses, présuppose que les énoncés sont conceptualisés ; les justifications, qui sont explicitement articulées et sont présentées sous forme de raisons valides, sont reliées aux points de vue des pairs et impliquent le début d’une évaluation constructive. Dans l’intersubjectivité, l’argumentation relève davantage du dialogue coopératif que du débat compétitif ; les énoncés sont conceptualisés et justifiés à l’aide de critères ; ils ne sont pas exprimés sous forme de conclusions fermées mais plutôt de questionnements ; ils visent la transformation des perspectives en vue du Bien commun.

Problématiser en philosophie

Problématiser est l’une des compétences fondamentales pour apprendre à philosopher. Il s’agit de s’étonner (Aristote), de douter (Descartes), de mettre en question ce que l’on croit vrai sans examen (Je crois en Dieu, mais existe-t-il vraiment ?), de mettre sous forme de question à examiner ses affirmations (Dieu est bon devient : Dieu est-il vraiment bon (par exemple s’il a permis le mal) ? Il s’agit aussi, pour tester la consistance rationnelle de ses propos, d’interroger les présupposés de ce que l’on affirme (Dire que Dieu est bon suppose qu’il existe, mais existe-t-il ?) ; ou les conséquences de ces positions (Si je pense que la liberté c’est « faire ce que l’on veut », est-ce que je continue à soutenir cette position si je m’aperçois que cela entraine qu’autrui peut faire ce qu’il veut de moi ?). C’est aussi chercher le problème philosophique derrière une question posée, la difficulté à le résoudre – problema en grec signifie difficulté - (Puis-je connaitre autrui ? C’est une question difficile, « problématique » : possible peut-être s’il est le même que moi, mais s’il est radicalement autre, alors ?). Et aussi éclaircir pourquoi il y a, pour un homme, une urgence vitale, existentielle à résoudre ce problème (La vie vaut-elle la peine d’être vécue ? Quel peut être le sens de ma vie ? L’amour est-il une illusion ? etc.). Donc adopter seul ou/et avec d’autres une attitude de recherche, qui déconstruit nos préjugés, soupçonne nos opinions, initie une dé-marche, construit une vision du monde élucidant son sens, dans un rapport à la vérité comme horizon.

Voir Compétences philosophiques

Problèmes philosophiques

Un problème philosophique traduit la difficulté de la pensée à formuler les questions fondamentales pour l’homme, et à y répondre simplement et définitivement. L’histoire de la philosophie montre qu’un problème est susceptible de plusieurs solutions divergentes, et également fondées rationnellement. Penser par soi-même, c’est construire par la raison sa propre formulation et sa propre réponse. Le problème est au centre et au départ de la réflexion dans le paradigme problématisant de l’apprentissage du philosopher, qui ne le referme jamais dans un savoir achevé, et laisse chacun devant la responsabilité de frayer son chemin.

Voir Problématiser

Processus de pensée

La philosophie grecque, dès son origine, c’est définie comme sagesse (sophia), c’est-à-dire à la fois démarche de pensée rationnelle (logos) et attitude raisonnable de conduite dans la vie (Cf. l’interprétation de P. Hadot de la pensée antique). Philosopher travaille sur le premier aspect, comme démarche d’un penser par soi-même rationnel. Celle-ci  implique une activité mentale à base de processus de pensée qui interrogent, définissent, analysent, argumentent, raisonnent etc. C’est par la mise en œuvre de ces processus de pensée que l’on apprend à philosopher, que l’on développe des compétences réflexives, que l’on peut évaluer à l’école leur acquisition.

Voir Compétences philosophiques – Problématiser – Conceptualiser – Argumenter

Professeur de philosophie

Un professeur de philosophie en France est un enseignant, qui a reçu une formation philosophique à l’université (master, parfois thèse), a souvent été recruté par un concours difficile et spécifique à la discipline (type capes, agrégation, commission de spécialistes), et professe généralement, contrairement à l’étranger, cette seule discipline en classe terminale ou à l’université, dans  l’enseignement public ou privé. Le type de formation reçu et la forme des concours passés l’ont préparé à une certaine identité professionnelle, fondée surtout sur une identité disciplinaire (philosophe avant que d’être pédagogue). Le corps des professeurs de philosophie français est assez largement critique vis-à-vis des sciences de l’éducation et des innovations pédagogiques (l’anti-pédagogisme est très présent dans le corps), souvent réticent vis-à-vis des techniques pédagogiques, jugées manipulatrices de l’élève, démagogiques. Il y a beaucoup de travail à faire pour faire évoluer ces représentations.

Programme de philosophie

Un programme contient le contenu et les méthodes prescrites pour l’enseignement d’une discipline donnée : c’est le « savoir à enseigner », qu’un enseignant va transposer didactiquement dans sa classe (« le savoir enseigné »), dont la conformité sera contrôlé par le corps des inspecteurs. Le programme de philosophie français concerne uniquement la classe terminale (18 ans), avec – spécificité française – un fort horaire en série littéraire (8h ; 2 à 3 heures dans les autres séries générales et technologiques), mais pas de philosophie en baccalauréat professionnel. Il se caractérise par une combinaison des paradigmes problématisant (apprendre à penser par soi-même) et historique (acquérir une culture philosophique). Il contient des notions (qui doivent être toutes traitées, dans le cadre de problèmes philosophiques), une large liste d’auteurs (dans lequel on choisit un petit nombre d’ouvrages pour l’épreuve orale de l’examen), et des repères conceptuels (type en fait/en droit, ou légal/légitime,), utiles pour éclairer les problèmes abordés. Il faut préparer l’élève aux épreuves de l’examen, qui conditionnent donc en amont les types d’activité pratiqués en classe : la dissertation philosophique, l’explication d’un texte philosophique à l’écrit, et à l’oral de rattrapage en cas de moyenne générale inférieure à 10 à l’examen. Le programme prévoit une liberté philosophique de l’enseignant (aucune doctrine officielle) et une liberté pédagogique des moyens mis en œuvre, limitée de fait par les habitus dominants de la profession et les exigences des inspecteurs (ex : primat du cours magistral sur la discussion). Une expérimentation officielle a été menée en lycée professionnel, et des pratiques philosophiques se développent en collège mais surtout au primaire, sans programme, donc sans ses contraintes, ce qui a grandement facilité les innovations, renouvelant les pratiques de la discipline.

Raison

Disposition humaine sur laquelle s’appuient la science et la philosophie. Par la raison, le philosophe cherche à clarifier ce dont on parle, penser ce qu’on dit (et non se contenter de dire ce qu’on « pense »), savoir si ce qu’on dit est vrai. En s’appuyant non sur la démonstration, la vérification ou la modélisation scientifiques, mais par un mouvement de la réflexion à la fois problématisant, conceptualisant et argumentatif.

Rando philo

Forme de pratique philosophique où l’on pense en marchant, où l’on marche en pensant, seul, en binôme, à trois, en groupe. On en trouvera une filiation dans la philosophie dite péripatéticienne (du grec : qui se promène), allusion notamment à Aristote qui déambulait dans un quartier d’Athènes en devisant avec ses disciples. Les randos philo sont donc des promenades organisées sous la conduite d’un animateur philosophe, sur une question proposée au groupe, qui s’en saisit notamment en marchant, puis en mettant en commun les réflexions ainsi développées. Des réflexions se sont développées sur ce « genre philosophique » renouvelé, notamment dans des ouvrages. Ils analysent la fonction de la marche chez certains philosophes (Montaigne, Kant, Kierkegaard, Nietzsche…) ; l’effet de la marche sur la pensée ; les conditions optimales pour organiser une rando philo (climat, environnement, type de sentier, nombre de participants, phases de progression etc.)…

 

Recherches sur les Nouvelles Pratiques Philosophiques

Les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) ont donné et donnent lieu à des réflexions, des analyses mais aussi des recherches universitaires (mémoires professionnels en Iufm ; maîtrises, aujourd’hui masters ; thèses). Si elles concernent la cité (ex : les cafés philo en sociologie), elles se mènent surtout en sciences de l’éducation, s’agissant d’apprentissage, et en sciences du langage, concernant les échanges langagiers qu’elles impliquent. Le secteur qui s’est le plus développé est la recherche en sciences de l’éducation sur la philosophie avec les enfants à l’école primaire (ex : une dizaine de thèses soutenues sur la question à l’Université Montpellier 3). S’agissant d’innovations scolaires et sociales, celles-ci constituent un champ inédit et prometteur pour les chercheurs, car s’y expérimentent des formes nouvelles de pratiques et d’apprentissage à l’école et dans la cité.

Voir Nouvelles Pratiques Philosophiques

Représentation

Conception spontanée ou plus ou moins travaillée, qu’un élève ou un adulte, mais tout autant un professeur ou un animateur, se fait de la définition d’une notion, du sens d’un concept, de la relation entre des notions, de la formulation ou de la solution d’un problème. Ces représentations sont souvent, chez l’apprenti-philosophe, des opinions, contenus de pensée inculqués par le milieu ambiant, et non-réfléchis (pré-jugés, affirmés avant que d’être examinés). Les dispositifs didactiques visent à les interpeller, en créant du conflit sociocognitif. Les représentations à faire évoluer portent aussi sur les activités ou les tâches proposées (ex : dissertation interprétée purement formellement, discussion comme combat etc.).

Rôle du maître ou de l’animateur dans une DVP

Compte tenu de la spécificité d’un atelier philo, le rôle et la place du maître ou de l’animateur se déplacent dans la classe, par rapport à un rôle traditionnel d’enseignant ; comme dans la cité, par rapport à celui de conférencier. Chacun a son propre style, mais généralement il  se considère comme un animateur plutôt que comme un enseignant expert et transmetteur. Il est en retrait sur le fond, et ne dit guère son point de vue personnel sur la question traitée, pour ne pas influencer par son statut.

Dans l’atelier Agsas, le maître se tait pendant que les enfants parlent ; chez O. Brénifier, l’animateur conduit fermement un entretien de groupe où il gère aussi bien la parole que la progression de la pensée ; dans une CRP ou une DVP, il « accompagne le groupe où il va » (M. Lipman, littéralement « il suit l’argument là où il conduit »), mais avec des exigences intellectuelles et une « boite à outils » (questions, relances, recadrages, reformulations, mini-synthèses etc.). Dans une DVDP, son rôle sur le fond est partagé avec d’autres élèves ou participants (président sur la gestion démocratique de la parole, reformulateur, synthétiseur etc.) : il y a co-animation. Il donne la priorité à la parole, à l’oral par rapport à l’écrit, aux échanges cognitifs dans le groupe. S’opère dans cette conduite une restructuration du rapport à la parole (donnée prioritairement aux participants, et non monopolisée par l’enseignant ou le conférencier) ; au savoir (l’animateur assume comme Socrate son ignorance et s’assume lui-même comme en recherche, sujet « non supposé savoir ») ; et conséquemment au pouvoir (particulièrement dans une DVDP).

Voir Animer une discussion à visée philosophique (DVP)

Savoir savant

Toutes les doctrines philosophiques prétendent à la vérité de leurs affirmations, et certaines même à la découverte de la Vérité absolue. Mais elles se contestent souvent les unes les autres (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles se valent ou qu’elles ont tort). Il n’y a pas de savoir consensuel en philosophie. Le concept de savoir savant n’est donc pas opérationnel dans une didactique de l’apprentissage du philosopher, au sens où celui-ci renvoie à des connaissances scientifiques, élaborées dans un domaine de recherche, et faisant provisoirement accord dans la communauté des experts. Que faut-il alors transposer

 didactiquement ? Nous répondons : le philosopher comme démarche de pensée impliquée dans des tâches (Ex : lire, écrire, discuter philosophiquement).

Sujet de droit, sujet de fait

Tout professeur de philosophie s’adresse en droit, en tant que philosophe, a la raison de chacun de ses élèves. Mais en tant que professeur, il est confronté à des individus de fait, singuliers par leurs histoires personnelles, leurs appartenances familiales et sociales, leurs opinions et croyances. Dans une didactique de l’apprentissage du philosopher, il s’agit de prendre en compte ces différences, à l’origine de bien des difficultés des élèves à philosopher, non pour les y cantonner, mais pour les élever de ces particularités aux exigences d’universalisation de la raison. Bref de partir des sujets de fait, pour les faire advenir sujets de droit.

Voir Différenciation

Texte philosophique

Un texte est la mise en mots d’un discours (Processus de textualisation). Il peut être écrit, ou oral. Il est dit « philosophique » :

- soit parce qu’il a été écrit (ou prononcé) par un philosophe historiquement reconnu comme tel (Il fait partie du corpus des œuvres philosophiques), ou plus généralement par un professionnel de la philosophie (Ex : un universitaire), ou dans une revue (ou un support) identifiés par la communauté des professionnels ou des experts comme philosophique ;

- soit parce que c’est une œuvre, un passage, un article dont la teneur semble de nature philosophique, par le type de question abordée mais surtout par la façon de la traiter. La frontière est poreuse à ce sujet entre littérature et philosophie (Pensons par exemple à Sade, Voltaire, Diderot, Sartre, Simone de Beauvoir, Camus, Bataille etc.) ; et il n’est pas simple de savoir dans certains textes ce qui relève en propre de la philosophie ou de telle science humaine (Ex : le Séminaire de J. Lacan, des textes de E. Morin etc.).

Une fois de plus, tout dépend de ce que l’on entend par « philosophique ». Dans le programme de philosophie français, on a choisi certains philosophes et pas d’autres, d’ailleurs tous morts, et tous occidentaux ; dans une version antérieure, certains seulement avaient un astérisque : plus philosophes que d’autres ? Il y a une seule femme (H. Arendt), et depuis 2003 seulement…

Voir Matrice didactique de la lecture philosophique – Lire un texte philosophique  

Théâtre philo

L’expression, peut être prise en plusieurs sens. Comme sur n’importe quel support anthropologiquement porteur (Un mythe, un bon roman, un film d’auteur etc.), le théâtre comme forme littéraire peut présenter une dimension philosophique : nul doute qu’on trouvera matière à philosopher dans Hamlet de Shakespeare, Faust de Goethe, Don Quichotte de Cervantès ou Don Juan de Molière. Cette dimension peut être d’ailleurs très explicite, quand il s’agit de philosophes par ailleurs écrivains, comme Sartre ou Camus.

Il y a aujourd’hui des formes de « théâtre philo » spécifiques :

- des philosophes contemporains mettent en scène et jouent eux-mêmes leurs propres pièces philosophiques. Par exemple G. Clayssen, agrégé de philosophie, par son travail à la Compagnie des attentifs, tente de montrer le rapport profond du théâtre à la philosophie, dans son spectacle A la grecque ! De même Yves Cusset, agrégé de philosophie spécialiste de Habermas, a travaillé le pouvoir qu’a la scène de faire partager sous une forme charnelle l’expérience de l’étonnement philosophique (Voir Le remplaçant et Rien ne sert d’exister publiés par Le Jardin d’Essai) ;

- la représentation théâtrale de textes philosophiques originaux, comme la Collection Philosophie de Chair de D. Mahieu (Compagnie du Groupetto à Montpellier), avec des textes de Platon, Descartes, Pascal, Diderot, Rousseau, Hegel, Nietzsche, Merleau-Ponty ou Bachelard ; ou A. Simon, directeur du Théâtre de l’Atelier d’Aix-en-Provence, qui propose le Discours de la méthode de Descartes en slam ; ou des œuvres adaptées, comme les créations de D. Paquet, co-directrice du Groupe 3.5.81 et de L’Espace Culturel Boris Vian des Ulis (Essonne), qui a mis en scène Le Banquet d’après Platon ; Le Boucher cartésien d’après Descartes ; Le ventre des philosophes d’après Michel Onfray…

- Et il y a la formule, qui peut se combiner d’ailleurs avec les deux précédentes, de la discussion à visée philosophique après la représentation théâtrale, qui rejoint la formule du café philo, mais avec un support théâtral. 

Voir Café philo – Discussion à Visée Philosophique (DVP)

Transposition didactique

Processus au cours duquel une discipline de recherche se transforme pour devenir matière enseignée. La didactisation de l’apprentissage du philosopher ne peut s’appuyer ni sur du savoir savant, comme dans les disciplines scientifiques, puisqu’il n’y en a pas de doctrine qui fait, même provisoirement, consensus, ni essentiellement sur des pratiques sociales de référence, comme en technologie ou E.P.S, parce qu’il y en a peu hors institution scolaire.

On peut constater que la didactisation institutionnelle est alimentée : soit par l’autoréférence (la leçon fait œuvre, comme l’auteur philosophique, et est en soi pédagogique, éveilleuse d’esprit) ; soit par la création scolaire d’exercices spécifiques, comme la dissertation. Pour une didactique de l’apprentissage du philosopher, la nécessité de la transposition didactique s’exprime non par l’obsolescence du savoir philosophique (Platon, bien que non unanime, n’est pas « dépassé »), ou par l’évolution de pratiques extérieures à l’institution scolaire, mais par la rupture opérée dans l’histoire de l’enseignement philosophique avec le passage à un enseignement de masse (Après la relation de maître à disciple dans l’antiquité, puis de maître-à-penser d’une élite

 sociale au 19ième). La transposition a alors essentiellement pour objectif de tenter de combler l’écart entre les exigences élitaires de la pensée (élever la réflexion au-dessus de l’opinion de la foule), et un public quantitativement et qualitativement nouveau. Autrement dit permettre d’exercer effectivement un droit à la philosophie pour tous, réaliser la philosophie dans une démocratie.

Voir Savoir savant

 

Triangle didactique de l’apprentissage du philosopher

C’est la reprise de la métaphore du triangle qui permet de formaliser les relations entre l’enseignant, l’élève et le savoir. Le pôle disciplinaire est ici le philosopher, lui-même figuré par le triangle de ses trois processus de pensée (Problématiser, conceptualiser, argumenter). S’il n’y a pas d’épistémologie de la philosophie, car elle réfléchit sur elle-même, on peut parler d’ « épistémologie scolaire » (M. Develay) de la philosophie, dans la mesure où est opérée une transposition didactique. Le pôle de l’élève est celui de l’apprenti-philosophe, dont le rapport au savoir-penser rencontre comme obstacle des représentations-opinions. Le pôle de l’enseignant est celui du maître en savoir-faire penser (et non du maître-à­-penser), comme médiateur entre l’apprenti-philosophe et le philosopher, par l’élaboration de dispositifs didactiques. Ce triangle est lui-même inscrit dans l’institution scolaire, via le groupe-classe comme communauté de recherche, et au-delà dans la société. Comme toute formalisation, ce modèle est à la fois intéressant, par son intelligibilité didactique et son éclairage pour la pratique, mais réducteur de la complexité éducative et philosophique. Il faut donc continuer à le travailler le complexifier.

Voir Problématiser – Conceptualiser – Argumenter

Travaux personnels encadrés (TPE) et philosophie

Les travaux personnels encadrés (TPE) ont été créés en 1999, et sont évalués au baccalauréat.

À partir de thèmes définis nationalement, les élèves choisissent un sujet précis, en concertation avec les enseignants. La production résulte généralement du travail collectif de plusieurs élèves, mais on évalue la part de chacun. Que ce soit pour les enseignants ou les élèves, l’objectif essentiel des TPE est de mobiliser, croiser connaissances et compétences liées à au moins deux disciplines, pour en dégager une problématique personnelle et une réalisation interdisciplinaire. Lorsqu’on regarde les thèmes retenus pour 2010-2011, on voit aisément en quoi la philosophie peut utilement y contribuer : « L’homme et la nature, contraintes et libertés » pour toutes les séries, et par exemple « L’image, réalités et représentations » en L ; « Modèles et modélisation, environnement et progrès » en S… Un certain nombre d’enseignants de philosophie se sont donc impliqués dans l’accompagnement et l’évaluation de ces TPE.

Exemples de TPE réalisés : « Quels sont les rouages du processus de création ? » (Littérature et philosophie) ; « En quoi le miroir reflète-t-il un monde caché aussi compliqué que riche ? » (Physique, histoire, philosophie et littérature) ; « Quelles sont les conséquences des mutations du travail sur l’intégration ? » (SES et philosophie) ; « L’artiste et la création dans Le chef d’œuvre inconnu de Balzac » (Littérature et philosophie). Les TPE ont contribué à décloisonner l’enseignement de la philosophie au lycée par leur interdisciplinarité, et sous une autre forme que la dissertation.

Voir Philosophie en seconde et première

             

Violence et atelier philosophique

La violence physique et les incivilités verbales préoccupent aujourd’hui les professionnels de l’éducation. Les Nouvelles Pratiques Philosophiques (NPP) sont de plus en plus considérées comme un moyen de prévenir ou de réduire cette violence (Ex : inclusion de ces pratiques dans des programmes de prévention de la violence au Québec). Pourquoi ?

Dans un atelier philo, on pratique essentiellement l’oral, plus facile pour des enfants en indélicatesse avec l’écrit. On considère l’enfant comme un « interlocuteur valable » (J. Lévine), dont la parole est possible, encouragée, valorisée, reconnue. Cette considération de sa personne à travers ses idées est (re)narcissisante pour un élève en difficulté ou en échec scolaire ; elle lui (re)donne confiance dans sa (la) parole, et sa (la) pensée, et accroit de ce fait l’estime de soi. Elle diminue par-là la souffrance psychique de se sentir scolairement – voire existentiellement – « nul », qui engendre repli ou agressivité. Cette parole prise en compte, circulant publiquement dans le groupe-classe, en modifie la dynamique de groupe, moins inhibée ou moqueuse, plus sereine, plus respectueusement interactive, accroissant la cohésion sociale du groupe, la socialisation démocratique de ses membres : une « éthique de la discussion » (Habermas) se développe, favorable à l’expression de chacun et à l’approfondissement d’une réflexion individuelle et collective. Dans le dispositif de la DVDP, le cadre structuré des échanges, les règles de circulation de la parole réduisent les effets de leadership ou d’affrontement, en jouant le rôle de « contenant psychique » des pulsions agressives. Les questions abordées étant fondamentalement impliquantes pour chacun en tant qu’homme, on travaille sur les rapports de sens, atténuant les rapports de force interindividuels, ce qui donne du sérieux aux échanges, et l’exigence intellectuelle amène chacun, dans une absence de jugement et d’obsession de la bonne réponse, à donner le meilleur de sa pensée et de lui-même…

Voir Philosophie et élèves en difficulté scolaire – Atelier philosophique – Discussion à visée philosophique – Communauté de recherche philosophique

Note sur le dictionnaire

(1) J’avais déjà rédigé en 1998, dans mon Habilitation à Diriger des Recherches, un « Petit lexique de la Dap (Didactique de l’apprentissage du philosopher) », très influencé par mes référents d’alors en sciences de l’éducation. On y trouvait, par rapport à mon premier jet de ce dictionnaire de 2012, les entrées supplémentaires suivantes : 

« Apprenti-philosophe, Approche par objectifs, Approches d’un concept, Auteur philosophique, Auto référence, Conflit sociocognitif, Constructivisme, Didactisation, Droit à la philosophie, Evaluation en philosophie, Exception française, Exigences philosophiques, Finalités, Formation des professeurs de philosophie, Groupe d’apprentissage discussionnel, Histoire de la philosophie, Identité professionnelle du professeur de philosophie, Inspection de philosophie, Interdidactique, Leçon de philosophie, Lecture méthodique philosophique, Légitimité d’une didactique de l’apprentissage du philosopher (DAP), Matrice didactique de la lecture philosophique, Métacognition, Modèle didactique du philosopher, Objectifs-noyaux en philosophie, Objectifs-obstacles, Pratiques sociales de référence, Problèmes philosophiques, Raison, Représentation, Savoir savant, Sujets de droit-sujets de fait, Transposition didactique, Triangle didactique du philosopher ».

J’ai décidé de les réintégrer dans ce dictionnaire, treize ans après, car ces entrées rendent compte du cheminement que j’ai effectué, des notions et des théories qui m’ont nourries chemin faisant, en modifiant quelques phrases qui me paraissent avec le recul plus pertinentes.

 

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